Chronologie

12 décembre 1994 : naissance de Charlie, fille de Ronan Fitzgerald, musicien en herbe de 17 ans et d'une mère démissionnaire

Janvier 1994 : Charlie est confiée aux services sociaux, son père étant jugé trop jeune et incapable de subvenir aux besoins de l'enfant en raison de son choix de carrière et du manque de soutien de ses propres parents. Il quitte Sacramento pour Los Angeles puis New York. Il retournera en Irlande, quelques années plus tard.

1996-2002 : Divers maltraitances et agressions qui ont conduit Charlie à développer son TDI (trouble dissociatif de l'identité).

1994 - 2011 : Ballotée entre différentes familles d'accueil jusqu'à ce qu'elle se fasse émanciper financièrement. Elle a toujours un tuteur, jusqu'à sa majorité, pour son accompagnement psychologique et médical.


2009 - 2010 : Envoyée en psychiatrie sans avoir correctement été diagnostiquée

2019 : Arrivée à Los Angeles. Commence à travailler au salon de tatouage d'Erika.

Février 2021 : Shane tabasse un type à coups de batte de base-ball dans les genoux pour le tenir éloigné d'Erika et le punir de l'avoir frappée...

Mi-Février à mi-mars 2021 : Elijah prend le contrôle et prend la décision de les faire hospitaliser le temps que Shane arrête ses conneries et décide de laisser Charlie refront.

10 mai 2021 - Séance avec le Dr. Keller


Le tic toc de la pendule résonne comme un métronome dans mon esprit et mon regard ne peut pas se détacher du cadran où la trotteuse file à chaque tic. A chaque toc. La mélodie du temps qui passe, qui fuit. Mon pied bat la même mesure. Ce n'est pas notre première séance avec le Dr. Keller. Mais c'est la première depuis notre sortie de cure. Les événements sont un peu plus clairs depuis notre sortie. Un craquement de plancher m'indique que le Dr. Keller approche et je détache mon regard de la pendule.

— Merci pour votre patience, hum..., dit l'élégante blonde à lunettes, d'une quarantaine d'année, en me dévisageant avant de me demander poliment, A qui dois-je m'adresser, aujourd'hui ?

Je souris face à la prévenance et la délicatesse de sa question alors qu'elle prend place sur le fauteuil d'en face.

— Charlie, je réponds simplement, tâchant d'ignorer du mieux que je le peux la voix de Shane, qui surgit dans mes pensées. Non, Shane, je ne dirais pas au Dr. Keller qu'elle est canon dans ce tailleur. Je dois prendre une longue inspiration pour repousser cet état dissociatif qui me guette et je me concentre sur le Dr. Keller, joignant mes mains ensemble.

— Charlie, très bien. Comment vous sentez-vous ? demande-t-elle, en croisant ses jambes, son stylo entre son index et son majeur, son bloc notes sur les genoux.

— Je crois que ça va... , j'hésite, haussant un peu les épaules. A vrai dire, je me sens... Jetlaguée... dis-je, le regard un peu perdu. Ces deux derniers mois, j'ai l'impression d'avoir dormi, d'avoir été mise en hibernation pendant que Shane et Elijah se disputaient la place. C'est vague... J'ai l'impression de tout voir à travers un écran de fumée, vous voyez... ?

— Je vois... Parlez-moi de votre système. Je n'ai rencontré que vous et ... Elijah ? J'acquiesce à son interrogation alors qu'elle vérifie ses notes.

— Oui, Elijah et moi gérons beaucoup l'aspect administratif et médical de notre système. C'est un alter protecteur, qui co-front souvent. Il est probablement omniscient, et veille à notre équilibre, notre santé et notre sécurité. C'est d'ailleurs lui qui a pris la décision de nous faire... hospitaliser. De ce que j'ai compris. Shane et lui sont souvent en désaccord... Shane est assez peu coopératif... Et a tendance à... réagir impulsivement... Sur un coup de tête. Love prend soin de notre corps, veille à notre hygiène, que ce soit corporel ou hygiène de vie... Et nos... relations également. je grimace légèrement, devant la maladresse de cette présentation.

— Vous avez raté plusieurs rendez-vous, avant votre hospitalisation.

C'est une question déguisée, et j'entends bien ce qu'elle me demande quand elle relève les yeux et regarde par-dessus ses lunettes. Je grimace un peu en haussant les épaules.

— Oui, on est désolé... C'était Shane. Enfin, quelque chose me dit que maintenant qu'il a eu la curiosité de voir à quoi le Dr. Keller ressemblait, il devrait se pointer au prochain rendez-vous... Mes doigts s'entortillent entre eux et je réalise que ma jambe bat toujours la mesure alors je prends une autre inspiration pour me détendre. Il n'est pas méchant, simplement... très individualiste et... Il a des avis assez tranché sur les choses. Il ne se force jamais à faire quelque chose qui lui déplait... Et il... est virulent quand il me sent... stressée par une situation.

Le Dr. Keller se redresse un peu dans son fauteuil, son stylo dansant sur sa feuille alors qu'elle prend des notes.

— Vous diriez que vous entretenez quel genre de relation avec Shane ?

— C'est le premier à avoir surgit et d'aussi loin que je me souvienne, il a toujours été là...

— Un frère, donc ?

— Je suppose, oui.. j'acquiesce, en fronçant légèrement les sourcils. Il pourrait être un frère jumeau, j'imagine.

— Vous vous souvenez de son tout premier déclencheur, Charlie ? Pourquoi Shane, l'indomptable, surgit quand vous êtes en détresse ?

Elle nous psychanalyse.
Je déglutis. Cette question me force à fouiller dans un passé qui m'angoisse. Mes doigts s'agitent nerveusement sur mes genoux. La première fois... Je fixe la pendule, mon regard suivant la trotteuse, mon oreille se concentrant une nouvelle fois sur son tic toc, comme si m'inscrire dans le présent, dans cette salle, aller m'empêcher de sombrer dans la noirceur de mon enfance.

— J'avais 9 ans... Il me semble..., sans m'en rendre compte, je me suis peu à peu recroquevillée sur moi-même, mes bras se croisant sur ma poitrine. Je déglutis, le tuteur de mon foyer me hurlait dessus... Il allait me faire du mal... Il m'a attrapé par le bras et... Et après ça c'est flou... On a fugué. On a fait beaucoup de familles d'accueil, mais on trouvait jamais notre place... Mais au moins je n'étais plus seule. Elijah a été le second à s'éveiller. C'est le plus mature, le plus raisonnable, le plus rationnel. Un genre de grand-frère, si vous préférez.

— Et Love ? Quand s'est-elle montrée ?

— ...Plus tardivement. Je dirais qu'elle s'est éveillée à l'adolescence mais elle était déjà là avant... Elle... Elle garde mes traumatismes sous cloche, vous voyez ?

— Vous gardez des souvenirs de ce que vous avez vécu, de ce qui est à la base de votre traumatisme ?

Sa voix me semble lointaine, le tic toc de la pendule, tonitruant et puis bientôt je n'entends plus que mon sang battre à mes temps. Je fixe sans les voir les aiguilles de la pendule.
Et je me sens partir...


Je me redresse, retenant un bâillement alors que j'habite pleinement le corps. Le bâillement est habituellement un signe distinctif pour reconnaître un changement entre les alters mais je le trouve fortement impoli. Je m'étire légèrement les cervicales et adopte une posture bien plus assurée qui intrigue la femme sur le fauteuil d'en face. Je ne suis jamais bien loin quand les autres front. C'est mon rôle. Intervenir quand il le faut. Redressé dans mon fauteuil, je pose mes mains sur les accoudoirs en croisant les jambes et adresse un sourire poli au Dr. Keller que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer.

— Bonjour, Dr. Keller., dis-je poliment tandis qu'elle passe son regard de ses notes à moi-même.

— Bonjour, Elijah ? hasarde-t-elle et je dois admettre qu'il s'agit sûrement de la thérapeute la plus compétente que nous ayons eu jusque-là. J'acquiesce dans un fin sourire satisfait.

— Si vous nous le permettez, je me chargerai de vous répondre concernant ce qui touche à ce sujet délicat. Elle acquiesce, prenant probablement note de mon intervention pour son compte-rendu. Charlie n'a jamais connu sa famille biologique. Elle a été retiré de la garde de son père que les services de protection de l'enfance ont jugé peu compétent. Elle semble étonnée par ces informations que je détiens. J'ai lu notre dossier médical et mené des recherches. Je suis responsable de toutes ces démarches, dans notre système. Le Dr. Keller semble convaincue et je reprends la suite de ma réponse. Plusieurs expériences d'abandon. Maltraitance. Violence verbale, physique. Viol. J'énumère avec une froideur chirurgicale et le Dr. Keller se doit de rester professionnel. Pourtant je capte quelques micro-expressions à certains mots. Elle doit rester impartiale mais je capte ce froncement de sourcil, ce pincement de lèvre de dégoût. Nous avons été envoyé dans plusieurs familles. Nous avons été contraints de suivre un traitement médical ne correspondant pas à nos besoins. Les médecins ne sont pas tous aussi compétents et informés que vous, Dr. Keller... Nous avons été envoyé en cellule psychiatrique, par un praticien ignorant.

— Merci pour votre coopération, Elijah. Vous étiez de Sacramento, vous êtes à Los Angeles depuis trois ans, maintenant, vous confirmez ? J'acquiesce. La dernière fois que nous nous sommes rencontré, Charlie avait trouvé du travail après que vous ayez été contraint d'arrêter vos études. Où en est-ce, aujourd'hui ?

— Les agissements égoïstes de Shane se répercutent sur notre système et il impose souvent sa volonté. Nous avons arrêté les études puisqu'il sabotait tout nos efforts. Le travail que Charlie a trouvé nous convient à tous, du moins, nous laissons Charlie et Shane s'en charger. Ils s'y sentent bien tous les deux et sont amis avec la patronne.

— Est-elle au courant pour votre système ? J'acquiesce une nouvelle fois.

— Erika est bienveillante. Heureusement d'ailleurs, car elle nous permet de revenir travailler.

— Pourquoi avez-vous demandé à vous faire hospitaliser, en cure, il y a deux mois, Elijah ? Les tests indiquent une quantité si infime de marijuana que ça ne pourrait pas être une dépendance. Vous cherchiez à court-circuiter Shane ?

Je souris en coin : cette femme est intelligente.

— Il devenait hors de contrôle. Une succession de mauvaises décisions qui mettaient le système en péril. Je voulais qu'il se tienne tranquille et qu'il laisse Charlie revenir, quand il serait fatigué de ne rien pouvoir faire.

— Comment définiriez-vous la relation que Shane entretient avec Charlie ?

Je réfléchis un instant, sans lui faire remarquer que je sais déjà qu'elle a posé la même question à Charlie, tout à l'heure.

— Shane voudrait protéger Charlie, mais il est toxique. Il ne réalise pas encore qu'il s'y prend mal. Il la conforte dans ses peurs. Il se pense réellement protecteur. Mais il l'empêche de se développer et d'évoluer. Il sabote les projets qui ne lui plaisent pas, les relations qui ne l'inspirent pas.

— Mais vous, Elijah, vous savez ce qui est bon ? Si j'ai bien compris vous êtes l'observateur ?

— Je m'assure de l'équilibre de notre système. Que chacun trouve sa place, sans déborder sur les autres. Intentionnellement ou non. Et nous veillons tous sur Charlie, d'une façon ou d'une autre.

La pendule se met à sonner l'heure et je coule un regard en sa direction avant de me tourner vers le Dr. Keller qui semble navrée de découvrir que le temps passe trop vite en notre compagnie.

— Merci beaucoup, Elijah. Je vous revois, l'un de vous, dans deux semaines.

— Au revoir, Dr. Keller.

Mars 2022 - Los Angeles
"C'est étrange, quand j'y pense. Je n'ai jamais pensé qu'un jour je pourrais vivre sous le même toit que quelqu'un. Déjà à cause de notre trouble et de nos caractères bien distincts, ensuite parce que la présence d'un homme est encore quelque chose de difficile à gérer pour moi.
Mais je me suis habituée à la présence de Raven. Et assez étonnamment, on a fini par construire un lien que je n'aurais imaginé avant. Les sorties nocturnes et les discussions un peu philosophiques autour d'un tacos au fromage. Ses questions maladroites sur notre TDI, ses farces pour Shane. L'étrange beauté de ce sourire pourtant brisé. Je ne prétend pas bien connaître le genre humain, mais souvent, il y a une catégorie de personnes avec lesquelles je... résonne plus facilement. Et Raven en fait parti.
Et dans un sens, j'ai le sentiment qu'on peut plus facilement se comprendre et s'entendre. Sans jugement. Parce qu'on est cassé, chacun à sa manière, non ?
Les autres, qu'est-ce qu'ils peuvent bien y comprendre, à la quête de la paix ? Ils n'ont rien à fuir, rien à oublier. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien comprendre à la noirceur, quand ce qu'ils connaissent de plus noir c'est un ciel éclairé d'étoiles ?"

Mai 2022 - Thérapie et TDI
"Et puis, sa voix s'élève. Lointaine, calme, posée. Son ton n'est pas tout à fait neutre. Il a l'inflexion de ceux qui savent vous inciter au voyage. Mon regard embrumé et curieux quitte la surface boisée de son bureau pour m'attarder un instant sur les traits de son visage. Il y a quelque chose de méditerranéen dans ses traits, un reliquat chantant dans sa voix. Mais de tous les détails sur lesquels je pourrais m'attarder, ce sont ses longs cils noirs qui retiennent mon attention. Je perçois son mouvement avant qu'il ne s'amorce vraiment et mon regard le fuit automatiquement pour trouver refuge sur tout ce qui attirait mon attention, un peu plus tôt, alors qu'il énumère d'autres moyens de se saluer poliment."

"Siham. Allons-nous abattre les limites habituelles que l'on attendrait dans ce genre d'échange ? Je n'ai jamais appelé le Dr. Keller par son prénom, il me semble d'ailleurs qu'à part Shane, personne ne se permettait cette familiarité.

Siham. Ce n'est peut-être, après tout, qu'une politesse de sa part, pour équilibrer notre échange ? Un prénom pour un autre.

Son regard semble chercher le mien quand j'essaye de le fuir. Est-ce que je viens pour nous ? Ou bien est-ce que ma présence ici relève de quelque chose de plus ...personnel que notre TDI ? Mon regard se perd légèrement sur le dessus du bureau. J'évoque Shane comme s'il ne pouvait ignorer de qui il s'agit. Et puis, des tonnes de murmures m'empêchent de m'attacher à cette simple question : pourquoi sommes-nous là ? Un chuchotement un peu plus clair que les autres, m'apparait alors comme une évidence.

Je ne vais pas bien.

Je ne suis pas là pour parler des autres. Je ne suis pas là pour les autres. Elijah a pris ce rendez-vous pour moi. Et le fait de réaliser à quel point je suis affectée m'arrache quelques larmes qui s'accumulent dans le coin de mes paupières.

Je ne vais pas bien."

Lundi 13 juin 2022 - [Event] - Premier échantillon
"J'balance d'une pichenette mon mégot et l'écrase sous ma semelle en réajustant mon bonnet sur mon crâne. Je renifle avec nonchalance, passant nerveusement mon index sous mon nez plus par réflexe que pour atténuer une véritable démangeaison. Go.
Jusque-là, j'avais fait plutôt profil bas, histoire de me faire un peu oublier... Mais la galère de thunes, c'est un soucis et, j'le dirai pas mais, j'me sens un peu merdeux, de jouer au fantôme et de laisser Charlie trinquer pour moi... J'sais pas faire grand chose de mes dix doigts, à part coller des pains et... d'autres talents qui font pas vraiment gagner de blé... J'trouverai pas de boulot. Mais cette annonce, là, ça, c'est du fric rapide et assuré. On a bouffé tellement de médocs à la con, qui servaient à que dalle, c'est pas une injection anti-migraine qui va me foutre à terre. Au pire quoi ? On sera dans les vapes un peu... ça change pas grand chose, avec les somnifères qu'elle avale comme des bonbons Pez.

Mais quand même. Les piqures, c'est pas vraiment mon truc. Les connards en blouse blanche avec leur jargon de branleur intellectuel, là, encore moins. Allez. On se dégonfle pas. Et ça sera vite fait. Deux cents dollars et ça couvrira une partie du loyer. Et les autres injections, au pire, ils se les foutront au cul."

Jeudi 14 juillet 2022 - Run, girl, run
"Le parc David T. Kennedy est agréable pour aller courir. Dans un quartier assez chic pour ne pas risquer de tomber sur des gens louches, il est également bien entretenu et aménagé de plusieurs équipements sportifs tout au long d'un parcours santé. Et en plus de ça, son accès se fait gratuitement."