Enfermé dans ma chambre pour mon propre bien, je commence à me dire que je vais rester ici pour le restant de ma vie. Je ne sais pas ce qu’il m'a pris, je ne sais pas non plus ce qu’il m’est arrivé, mais c’est comme si j’avais marché en mélangeant mes propres pas entre eux et que je m’étais percuté avec ce fichu rideau, je revois la scène au ralenti surtout quand il me frôle l’épaule, je crois que je n’ai jamais eu aussi honte de toute ma vie. Je revois encore vos regards, ton regard, et ce silence terrible, à la limite de l’agonie de la mort. Je dois vraiment avoir attrapé une grosse gastro-entérite, j’ai tous les symptômes… J’ai sûrement de la fièvre, j’ai mal au ventre, il y a quelque chose de pas normal dans mon estomac, c’est sûr et certain, j’ai choppé un vilain virus et j’aurais aimé avoir le courage de me diriger jusqu’à ton bureau, mais entre toi et moi, je ne compte plus emprunter ce couloir de toute ma vie.

Je suis partie m’asseoir dans mon lit, j’ai entendu Eryna toquer à ma porte, mais je n’ai pas répondu, elle est partie au bout de cinq minutes où j’ai dû faire le mort pour la laisser penser que je n’étais pas dans la chambre. Ce n'est pourtant pas compliqué : laissez-moi tranquille… Je n'ai pas besoin de revoir vos visages amusés et vous entendre vous moquer de moi, je suis déjà pas d’humeur, alors je n'ai pas envie de me coltiner vos moqueries à longueur de journées.

Alors que je me meurs dans mes pensées les plus sombres et les plus gênantes par rapport ce qu’il s’est passé dans la salle commune, j’entends toquer à nouveau à ma porte, je crois que si c’est Dimitri qui vient se foutre de moi, je vais lui mettre mon poing dans la tronche. Je soupire, mais quand ta voix résonne dans ma chambre, je t’avais presque oublié l’espace de quelques secondes… Je me redresse dans mon lit et viens me lever de celui-ci pour venir ouvrir la porte de ma chambre et te regarde un peu blasé.

« Mh… Vas-y, rentre Andreï. »

Je m’écarte de la porte et te laisse rentrer pour refermer la porte derrière toi, je vais m’asseoir à nouveau dans le lit en poussant un soupire.

« Vas-y, moque-toi de moi, qu’on en finisse... »

Un silence s’installe quand je te laisse entrer dans ma chambre qui est devenue mon sanctuaire. Je te vois, avec tes yeux remplis de jugement et encore d’insulte que tu dois te permettre de faire à l’intérieur de ta tête, je sais ce que tu penses, que je suis empoté et totalement maladroit, mais je te jure que je n’y suis pour rien, je ne sais pas ce qu’il m’arrive Andreï, je suis malade et c’est sérieux. Tu n’as pas idée de ce qu’il me tourmente depuis plusieurs jours à présent.

Je garde sur mon visage, mon expression vide et froide quand mes yeux se posent à présent sur ton visage. Je ne sais pas ce que tu attends de moi ou ce que tu penses que je vais te dire, mais il paraît évident que je n’ai pas le choix de rentrer dans les détails de ma maladie pour que tu me soignes.

Je laisse échapper un souffle entre mes lèvres quand ton air grave me dévisage, tu es médecin Andreï, c’est toi qui as choisi cette filière, pas moi. Si tu n'aimes pas ça, il ne fallait pas faire ça après tout ! Donc désolé d’avance, mais tu vas devoir entendre mon histoire de gastro-entérite. Je me laisse m’asseoir sur le bord du lit et remonte mon jeu de regard sur l’homme et observe ses faits et gestes, je n’en rate aucune miette, comme d’habitude, je suis très observateur.

« Je ne sais pas, pourquoi es-tu ici alors Andreï ? » De nouveau, le silence redevient silence entre nous deux, mes yeux sombres et remplit de froideur détaille le docteur qui me fait face. Nous y voilà, qui ramène ce qu’il s’est passé sur la table, tu ne vas pas me dire, que ça n’arrive à personne et que toi, tu n’es jamais tombé ou eu la maladresse de faire tomber quelque chose ?
« Mais, tu crois vraiment que j’ai fait exprès de la faire tomber ? Elle m’a échappé des mains et ce putain de rideau s’est coincé dans ma veste ! Et ta chemise… C’est bon, ça se lave une chemise, tu ne vas pas me faire une vendetta parce que tu ne sais pas boire un café sans qu'il ressorte par ton nez... » Je te regarde durement, putain, c'est qu’une chemise, moi, j'ai quand même perdu ma tasse aujourd’hui. « Je… Quoi ? La femme que je désire ? De quoi tu parles putain, je désire personne, je ne sais pas ce que tu t’imagines, mais t’es complètement à côté de la plaque, mon vieux. » Je te regarde surpris, peut-être la première expression que mon visage prend depuis qu’on a commencé ce dialogue. « J’ai pété ma tasse et je suis tapé la honte devant tout le monde, plus jamais je ne sors de cette chambre, en plus ma maladie s’aggrave de plus en plus... » Je te prends un air grave comme si quelque chose de terrible allait tomber sur le coin de ma tronche.

Quand tu me parles de ce que je voulais te dire, je me sens tellement gêné que je ne sais pas par où commencer, il y a tellement de symptômes que je ne pourrais pas toutes les citer, je me racle la gorge et te regarde sérieusement avant de reprendre la parole.

« Andreï… C’est terrible… Je suis malade, complètement malade... » Je prends une pause pour reprendre de l’air et gonfler mes poumons d’oxygène, je mets une main sur mon ventre douloureux. « Je crois que j’ai la gastro… J’ai trop mal au ventre, ça bourdonne à l’intérieur. » Je mets ma main sur mon front pour voir si j’ai de la fièvre ou pas, mais je sais pas si j’en ai, je suis persuadé que mon teint est pâle et que je suis aussi blanc que la couverture de mon lit. « Puis, ces élans de chaleurs… Pfouu… Je ne sais pas ce que j’ai Andreï, mais j’espère que ce n'est pas grave… Touche mon front, j’ai de la fièvre ? »

Je perçois ta colère, oui, tu es en colère contre moi, je le vois, je le sens, c’était plus fort que toi… Venir dans ma chambre pour m’engueuler à nouveau, comme un enfant qui a fait la plus grosse bêtise de sa vie, oui, j’ai fait déborder la goûte d’eau du vase, je le sais pertinemment, j’étais présent, Andreï. Je me sens stupide, honteux, tu n’as nullement besoin de m’en rajouter, encore et encore, et encore et encore, crois-moi, j’aimerais pouvoir revenir en arrière et faire les choses différemment, mais je ne peux pas effacer ma stupidité.
Je n’ai pas envie que les autres me prenne pour une sorte de Milo 2.0, j’ai perdu total crédibilité, tout ce dont j’avais travaillé jusqu’à maintenant. Je n'ai pas envie de grillé ma couverture et me faire prendre la main dans le sac, ce sont des années d’investissement et je ne peux pas me permettre de tout foutre en l’air, si Svetlana l’apprends, je peux dire adieu à ma vengeance.

Assis au bord du lit, je lève la tête et fais glisser mes yeux sur toi, je t’observe longuement et lâche un soupir nasal, tu es là, dans ma chambre, face à moi, tu sais, j'aimerais vraiment te parler, de beaucoup de chose à vrai dire.
Mais tu ne comprendrais pas, personne ne le peux.
Même si je sais que ton intelligence et au-dessus de ces imbéciles qui nous entours, on est les seuls probablement à réellement se comprendre Andreï, dis-moi, qu’aurais-tu fait à ma place ? Toi aussi, tu continuerais ta vengeance, j’en suis persuadé.
Et tu ne t’aurais pas laissé faire tout ça pour un petit amusement ou deux avec une fille.
Mes yeux parlent sûrement plus que moi à l’heure actuellement.
Si seulement tu savais ce qu’il y à l’intérieur.

La mort, le désespoir, la dernière once d’espoir, la dernière once d’humanité, parmi toutes ces violences, tu ignores tout ce que j’ai fait pour me retrouver ici.
Combien a-t-on tué d’homme ou de femme depuis qu’on est là ?
Moi, j’ai arrêté de compter, avec toutes les missions qu’on a faites, j’ai arrêté de compter les blessés, les morts, ou toutes les fois où on m’a supplié de ne pas presser sur la gâchette.
Et tu sais quoi ? Je n'en ai absolument rien à foutre, ça ne m’empêche pas de vivre.

Mes yeux te regardent avec froideur quand je repense à tous les visages que je n’ai jamais oubliés, tu sais combien ils sont Andreï ? Là, juste ici, à l’intérieur de ma tête ?
J’ai presque un sourire qui se forme sur mes lèvres quand je te regarde, non, tu n'as vraiment aucune idée de ce qu’il se trame intérieur et de ce que je ferais.
Je te vengerai Andreï, toi et les autres, je vais les buter, je vais les descendre, comme des merdes. J’attraperai un club de golf, une batte et je te jure que je le ferai, Svetlana et sa putain de famille, ne sera plus qu’un simple souvenir qu’on pourra tous effacer de notre tête.
Sa beauté, sa… Non.

Oh je t’en prie Ivan, cesse de jouer les Drama Queen  et assume un peu! 
En effet ! et tu paieras la note de pressing pour la peine! Je le regarde un peu plus sévèrement. Je m’en serai bien passé. C’est de ta faute parce que tu n’es qu’un idiot qui ne sait pas tenir une tasse en main et qui réagit comme un adolescent prépubère à chaque fois qu’elle est dans les parages!

« Les Drama ? C’est toi qui viens me pleurer une chemise, t’as pensé à porter autre chose que du blanc ? Tu devrais porter du noir, surtout quand on fait des missions. Je te paierai ton pressing, détends-toi Andreï.
Qui ça elle ? J’ai juste été perturbé parce que… parce que… j’avais mal au ventre ! Ça n’a rien à voir avec Svetlana !
Je n'ai pas besoin de tes leçons de moral, tu n'es pas mon…. » Je m’arrête directement et avoir durement ma salive, je me pince les lèvres et te regarde à nouveau, même après toutes ces années je n’arrive pas à prononcer les phrases mon père ou ma mère, super, merci Andreï.
Je n'avais vraiment pas besoin de ça maintenant.

« Ta...maladie ? Mais par tous les Saints ! de quoi parles-tu? »
« Oui, Andreï… Je suis malade… Ne le vois-tu donc pas ?
Ses douleurs, je me sens tout pas bien. »

Je te regarde d’un air fatigué, je dors toujours très mal et ça, tout le monde le sait depuis le temps même si je me persuade du contraire. Mes nuits sont hantées par le traumatise de ce que mes jeunes pupilles ont été témoin, si seulement tu savais Andreï, tu ignores tout, tu crois tout savoir, je ne te donne pas une heure pour survivre dans mes chaussures, je ne sais même pas comment je fais pour encore tenir sur mes deux jambes.
La seule chose qui me tient encore vivant, c'est vengé mes parents, une fois que ça sera fait, je n'en aurais plus rien à faire du reste.

Mes yeux sont baissés pendant que je me masse le ventre avec la paume de ma main, j’ai mal à l’estomac, la douleur est atroce, je suis au bord de l’agonie, je suis sûrement blanc, la fièvre viendra rapidement, ça me stress, ça m’angoisse, et si ça ne part pas et si c’est grave ? J’avale durement ma salive, je ne sais pas quand est la dernière fois que j’ai vu un médecin pour être contrôlé.

La gastro? Crois-moi si tu l'avais attrapé, tu ne serais certainement pas dans cet état. Le manque d’appétit est un des premier symptôme et à en juger par le contenu de ton plateau, je dirais que ton estomac est en pleine forme !
« Oui, la gastro… Je mange parce que j’ai quand même faim, mais mon estomac enfin quelque part vers l’estomac, c’est vraiment très douloureux… Je ne suis pas en pleine forme ! Je suis souffrant ! Mon ventre est tout bizarre en ce moment, je ne vois pas ce que ça peut être d’autre ! J’ai peut-être… Un ver solitaire, j’ai mangé du poisson l’autre jour... » Je te fais une moue un peu triste.

Je te donne total accès à mon corps dans, tu poses ta main sur mon front, je respire pour que tu écoutes mes poumons – on ne sait jamais ! - ton stéthoscope est froid, je grimace doucement, je déteste les médecins ! Enfin pas toi Andreï, mais les médecins en général…

As-tu des nausées ? Vomissements ? Diarrhées ? Flatulences?
Je te regarde surpris face à tes questions.

« Andreï ! Ça ne te regarde pas !
Enfin je… Non, excuse… Je veux dire, si j’ai un peu de nausées, mais le reste non, enfin pas plus que d’habitude quoi... »

Je soulève mon haut pour que tu regardes mon ventre anormal.

« Oui ! C’est comme des fourmis… Non, des serpents ? Non… Enfin, je ne sais pas, mais ça bourdonne, ou pétille, c’est trop bizarre ! J’ai du choper un truc intestinal, c'est pas possible… Oui, j’ai extrêmement chaud, mes mains deviennent moites, et la chaleur… Pfou…….. Andreï, file-moi un truc, t’es sûr que je n'ai pas de fièvre ? »
Je prends ta main pour la mettre sur mon front.
« Enfin… là je vais bien hein ! Mais des fois ça me prend d’un coup ! C’est vraiment terrible Andreï... »