Tes yeux.
Tes yeux contiennent tout ce dont mon âme a soif, toi et moi, nous sommes un désordre, mais la vérité est que tu me captives d'une manière qu'aucune âme ne veut et n’a pu le faire jusqu’à présent.
Le regard sombre, noir, je marche dans ce long couloir, mes chaussures fracassent le sol, je me tiens dans les ténèbres des cendres de qui je suis, je peux et je vais le faire, regarde-moi. Je ne crains pas ma chute, car elle ne sera pas mienne, jamais, je serais l’architecte de ta destruction, petit papillon.
Je pourrais mettre le feu et mettre la faute sur la pluie, nous avons tous des démons et j’ai choisi de nourrir les miens, ils deviennent affamés, ton odeur n’a fait que montrer leurs crocs.

Je n’arrive pas à cacher ma colère, je n’ai jamais été très doué pour cacher mes sentiments, tout le monde le sait ici, je ne suis qu’une bombe à retardement, les autres m’ont observé, oui, ils ont dû voir à quel point tu m’as piqué, empoisonné, vivifiant ma colère. J’entends des pas derrière moi, je ralentis ma cadence et fis volte-face pour affronter ce bon vieux docteur. Je te vois sourire, amusé certainement par la situation, car personne n’a jamais été aussi impassible devant moi. Je n’ai pas envie de rigoler, ni même de plaisanter avec toi, posant mes yeux froids où une certaine colère pouvait s’en montrer, tu finis par prendre la parole.
Échec ? Andreï, si tu avais la moindre idée de ce que je manigance, tu serais entrain de danser nu sur une plage, encore même que tu me jetterais d’ici d’un grand coup de pied au derrière. Je ne laisserai pas la peur de l’échec venir anéantir mes objectifs, le risque en est trop beau.

Le masque est si charmant que j’ai peur du visage, je te comprends Andreï. Tout ce que j’ai pu faire jusqu’à maintenant était de feinter à prétendre l’incompréhension, à nouveau, j’aborde cette nouvelle expression du visage. Tu ne peux pas me comprendre, tu ne comprendras jamais et tu ne seras jamais de mon côté si tu le découvres. Je ne peux pas prendre le risque d’en parler avec quelqu’un, je suis tout seul, sur ce chemin de la mort, j’abattrai mon épée seul, je n’ai besoin de personne pour y arriver, je n’ai certainement pas besoin de toi et encore moins de tes leçons de vie concernant les vengeances inutiles.
Tes métaphores ne servent à rien sur moi, je suis le glacier ligué contre le bateau lui-même, je navigue sur l’océan pour camoufler mon épaisse glace afin de le trancher, jusqu’à ce qu’il coule, de loin, j'observerai cette plongée funeste, même si tu décides de tout faire pour me dévier.

« De quoi tu parles ? »

Faussement, mais aussi parfaitement à la foi. Le Roi ne perd jamais, il gagne toujours…
Et cette façon de penser, je le dois bien à cette famille.
Je plonge mon regard marron glacial dans les yeux dorés du médecin, encore une fois, je prétends faire un simple sourire, trahissant ma manière de penser.
Tout le deux, toi et moi, nous ne sommes pas bêtes, nous sommes presque pareilles.
J’ai tendance à penser que tu sais plus de choses que tu ne laisses le croire, mais ce n’est pas grave, je te laisse chercher et creuser avec ta pelle, tu n’es pas près de découvrir ce qui est enfoui.

« Alors cet interrogatoire était plutôt intéressant.
Je suis persuadé que tu es ravi d’avoir prouvé qu’on avait tort. »

Je sais et je comprends ce que tu dis, crois-moi je suis bien loin d’avoir dit mon dernier mot et d’avoir déplacé tous mes pions, il me reste une rangée derrière parmi tant d’autre, le roi, comme tu le dis si bien, ne se laisse jamais avoir, ni part défaitiste après la première défaite, il se relève, rassemble une armée et retourne au combat pour triompher haut et fort.  Je n’ai pas envie d’avouer que je t’ai compris, car je ne veux pas que tu rentres dans ma tête toi aussi. Depuis combien de temps, on se connaît tous les deux ? Tu devrais le savoir depuis le temps, que je suis une statue de glace, n’ouvrant à personnes mes sentiments et encore moins mes pensées, tu te trompes si tu crois que je vais échanger de tout ça avec toi.
Simplement et faussement, je hausse les épaules, continuant à étaler ce mensonge que j’ai établi depuis le jour que je suis arrivé ici. Que tu me croies ou non, ça met égal, car jamais, tu ne pourras le prouver, alors j’attends tes arguments, tes preuves et enfin, je pourrais parler, je secouai la tête lentement de gauche à droite pour désapprouver ta phrase ?

«  Je ne sais pas de quoi tu parles, mon ami. »

Je me demande ce que les autres pensent actuellement, tout semblait lui échapper des mains et il n’approuvait pas cette sensation, perdre le contrôle, c’était comme dire adieux à ses plans, il était difficilement d’accord avec ce projet. J’aime encore moins la sensation que tu m’as laissé dans cet interrogatoire. Andreï, tu parais presque amusé de ma miséricorde, ta malice s’étire sur les lèvres en marquant ton visage pour me narguer encore plus, face à toi, je reste stoïque, mon visage froid et vide ne semble pas d’être du même avis que toi et tu peux le ressentir, car je ne lâche aucune retenue pour le cacher.
Cependant, ta remarque brisa cette froideur, mon sourcil se recourba, tu oses espérer poser tes mains sur ce papillon, voilà peut-être la seule raison qui te pousse à la vouloir davantage dans nos rangs, mais tu te fais des idées, elle ne pourra jamais être l’une des nôtres, les autres seraient certainement de mon âge concernant sa venue.
Tu frottes tes mains de façon malsaine, ce qui provoqua un léger mal-être chez moi que je ne pourrais expliquer, c’est la première fois que je t’entends dire de telle parole au sujet d'une femme.

«  Désolé de te décevoir, mais je ne pense pas qu’elle te laissera explorer ces parcelles… Tu l'as bien vu, elle se moque de nous.
Je ne lui fais pas confiance. Ce n’est pas une bonne idée qu’elle nous rejoigne. »

Je ne sais pas si je pourrais garder ma rage si elle défile devant mes yeux tous les jours, je ne sais pas si je pourrais continuer à prétendre, tu le sais, je gère très mal ce que je ressens quand ma colère est attisée. Rapidement, tu me demandes ce que j’ai découvert, n’as-tu pas été présent lors de cet interrogatoire ?

« Elle a une résistance à la douleur.
Comme tu as dû l’entendre, elle veut reprendre sa liberté et se venger de son père. »

Je finis par conclure, en resserrant tes liens, tu n’as pas fait ce que j’attendais de toi, c'est-à-dire souffrir, tu m’as expliqué que ton père te frappait et certainement pire encore. La torture, probablement, tu souhaites t’envoler aussi haut et le plus vite possible. Mais le plus surprenant, c’est que tu souhaites t’emparer de la couronne dorée et activer la roue du temps pour écraser son empire. Tu oses espérer le faire avec nous, c’est sûr qu’avec des motivations pareilles, tu seras accueillie les bras semi-ouvert, jusqu’à ce que tu nous prouves le contraire.

« Qu’en as-tu pensé de cet interrogatoire ? »

Ton avis m’intéresse, ce que tu peux penser m’intéresse également, je veux connaître toutes les parcelles de tes pensées, comme toi, j’aime pêcher les informations.
Et puis, j’ai vraiment envie de savoir où va finir cette histoire, dans les oubliettes ? Ou pire ? Dans le livret d’or ?

Je serais la seule chose qui causera ma perte, j’en ai conscience, qu’ai-je d’autre à perdre ? Rien. Mis à part ces personnes qui étaient devenues ma famille avec le temps, je n’avais pas vraiment d’autres attaches. Tu fais aussi partie de cette famille, bien même que tu as toujours ce regard différent des autres, tu sais regarder là où il faut, tu as le sens de l’observation, quelque chose te pousse à croire que je prétends d’autres choses, je n’aime pas le fait que tu sois le seul à réellement me voir et je ne te laisserai pas le plaisir de me mettre la main dessus, quitte à me couper la main, je ferai ce qui est nécessaire pour avancer. Je me demande même si ces personnes respecteront mon choix et mes convictions ou si je suis destiné à toujours être un vilain petit canard.
Je n’ai jamais été quelqu’un d’optimiste, je vis jour le jour, je n’ai pas désespérance quant à mon plan, mais tout ce que je sais, c’est que je ferais tout mon possible pour qu’il se produise un jour où l’autre.

Tu sembles t’être entiché de ce petit papillon, alors qu’elle-même n’a pas posé les yeux sur toi, qui te dit que tu l’intéresseras ? Et même… Qui te dit qu’elle osera prendre le défi de nous rejoindre ? Visiblement ça ne dérangeait pas l’ancien médecin de vouloir sortir avec une Schevchenko, je me demande même d’où te sortait toute cette imagination pour cette jeune femme. Elle va certainement te mettre un coup d’aile avant que tu n'aies pu poser le moindre doigt sur sa peau. Je te regarde longuement, silencieux, mon visage ne changea pas, aucun trait ne le trahissait, ce n’est que très rarement que je les permets de prendre forme, les sentiments sont trop bien connus pour devenir la faiblesse d’un homme, mais aussi sa vulnérabilité, il m’était impossible de feindre devant mon ami.

Elle ou moi ? Je ne me laisserai pas trahir par cette vile tentation, je ne pouvais lui enlever le bénéfice du doute, j’ai toujours eu de bonnes compagnies d’un soir, mais jamais aucune d’elles n’avait réussi à attiser ma curiosité. Je ne pouvais pas laisser grandir cette curiosité, moins elle est présente, mieux c’est. Je te regarde longuement face à cette question qui me semble ridicule, je préfère même garder le silence, je n’ai pas envie que tu me sortes à nouveau tes tests psychologiques sur moi afin d’essayer de m’analyser, je te connais depuis le temps et je te vois arriver avec ton cheval dès que l’occasion s’y présente.

« Oui et alors ?
Tu veux une médaille ? »

Être médecin était une chose, mon cher Andreï, mais être un amant en était une autre. Tu te mets des faux espoirs avec quelqu’un qui n’a probablement pas l’intention de rester et de nous trahir par la suite. Je préfère ignorer ta phrase malsaine et faire comme si je n’avais pas compris encore une fois. Je ne te connaissais pas sous cette forme, tu me parais être plus énigmatique que je le croyais, j’ai envie de poser la main sur tous ces sous-entendus, même si la réponse risquerait simplement de me mettre mal à l’aise ou au pire des cas embarrassé.

« Comme si je ne le savais pas. Igor tranchera et quoi qu’il en soit, on devra l’accepter. Je ne suis pas le seul à ne pas lui faire confiance, elle pourrait toujours nous fausser au dernier moment. »

Je n’ai pas envie d’admettre que tu as raison, même si je sais que tu as raison. Oui, elle est utile, oui, elle dit sûrement la vérité, mais sa simple venue me fait clairement chier et me fait iriser les poils, j’ai envie qu’elle reste comme j’ai envie qu’elle parte, lui faire confiance était trop prématuré pour moi, après tout ce que sa famille avait fait ; c’est comme faire confiance au choléra. Igor sera le seul à décider de l’avenir du gang et Igor connaissait déjà très bien mon avis la concernant et comme quelques personnes ici, étions mitigés sur le sujet.

Je roule des yeux grossièrement, je ne suis pas débile Andreï, je sais ce qu’est d’avoir une personne qui résiste à la douleur face à moi. Je n’avais pas prévu de tomber sur ce genre d’imprévu sur mon chemin, tout semblait se compliquer.
Le papillon montre ses chemins et ses choix, ils sont si nombreux, les conséquences sont à prendre en compte, je ne peux pas me permettre de choisir le mauvais chemin, car il n’y aura aucun retour en arrière, l’effet papillon est traître, je me vois déjà devant une impasse face à son destin et je vais devoir réfléchir très vite à une solution.
Ne rien ressentir, voila une chose qui aurait pu m’intéresser, tout aurait pu être grandement différent si j’avais su le faire durant tout ce temps, être capable de dissimuler sa douleur, prétendre ne pas avoir, tandis que le corps lui hurle à la mort, provoquant chaque cellule biologique.

Pourquoi te sens-tu obligé de me rappeler mon échec ? Je ne t’ai pas demandé de me critiquer sur mon approche, mais de me donner ton avis sur ce qu’elle disait, visiblement échanger était clairement une perte de temps, j’ignore encore comment on arrive à échanger sans qu’il y ait d’accroc, tu vois clairement que je ne suis pas d’humeur et pourtant tu es là à me rappeler pourquoi il faut que je continue ainsi. Je te déteste. Tu as le don de m’énerver et toutefois je n’arrive pas à ressentir autre chose qu’une légère empathie pour toi, peut-être que nous sommes semblables quelque part, nos esprits se connectent, se repèrent, tu as toujours été un ami jusqu’à présent, mais je me demande si Svetlana ne va pas réussir à faire tomber le château de carte sur nos têtes emportant toutes nos amitiés.

« Si tu penses être meilleur que moi, je t’en prie, je te laisse la seconde manche, on verra bien si tu continues à sourire comme ça. »

Je conclus d’un air assez froid, oui, si tu te crois aussi intelligent que moi, au-dessus de tout le monde, que bon te fasse et prend ma place pour interroger les suspects, tu verras tout de suite que ta place de médecin te manquera aussi vite que tu ne seras arrivé dans la salle d’interrogatoire. Elle n’aurait fait qu’une bouchée que toi et je suis sûr que cette métaphore t'aurait fait sourire davantage.

« L’interrogatoire est terminé Sherlock. On doit tous attendre à présent, on ne peut rien faire de plus.
Et je n’ai pas besoin que tu me rappelles comment faire mon travail, il ne me semble pas te dire où trouver tes bandages quand tu fais le tien. »

Et qui s’y frotte, s’y pique. Je ne suis pas d’humeur, je n’ai pas envie d’entendre encore le fait qu’il se moque de moi, tout le monde à des faiblesses, mais des faiblesses ne se trouvent que très rarement du premier coup, Andreï ce n’est pas aussi facile, on ne claque pas des doigts et tout apparaît dans un plateau d’argent, non, tout ça prenait du temps.
Et je l’ai appris au sein du service secret, la patience.

Les pas rapprochés des bottines écrasant le sol interrompit notre conversation, le visage de notre chef s’afficha. Le visage fermé, froid, il pose son regard sur tout le reste du groupe. Il demande mon avis et celui d’Andreï, qu’importe combien on serait du même avis, il n’y avait que lui pour trancher cette décision, tout ce que j’espérai, c'est que nous ne finirions pas par le regretter. Accepter quelqu’un était une chose, mais il fallait prendre en compte que c’était une Shevchenko, ce n’était pas n’importe quel candidat.
Il prit la parole, sa voix résonnait dans ce silence qu’avait pris la salle commune, les petits yeux se posa sur l’homme aux cheveux grisonnant, imposant, je lui éprouvai un respect qu’on pourrait ressentir pour quelqu’un de plus haut que nous, je suis ce qu’il me dit, j’exécute ce qu’il me demande.

« Bien. Merci à tous d’être venus. Comme vous le savez. Si je vous ai réuni ici cet après-midi, c’est pour statuer du sort de Shevchenko.
Ivan. Tu as pu mener cet interrogatoire. J’ai cru comprendre que tu t’opposais à l’idée de la faire entrer dans nos rangs.
Peux-tu nous exposer tes raisons ? »

Mes raisons ? Je n’ai pas envie de rentrer dans mes véritables raisons, mais je m’attendais à ce qu’il me demande de me justifier afin de prendre une décision finale. Rapidement les regards se tournèrent vers moi, prenant une inspiration je finis par prendre enfin la parole.

« C’est une Shevchenko, qui nous dit qu’elle ne va pas nous trahir ?
Pendant l’interrogatoire, elle n’a pas répondu à mes questions, elle est insolente.
D’ailleurs… Qui est l’imbécile qui a prononcé mon prénom à proximité d’elle ? »
Je vois le regard du boss s’assombrir, me faisant comprendre qu’il fallait que je revienne à mes moutons, je racle ma gorge doucement et repris mon explication.
« … Oui, revenons-en au sujet.
Elle a l’air d’avoir une idée précise quant à ses intentions sur le groupe. Et si ce n’était pas tout simplement un piège, seule à l’extérieur, vous ne trouvez pas ça un peu trop flagrant ?
Je ne lui fais pas confiance, on ne peut pas être sûr à cent pour cent qu’elle est réellement en conflit avec son père même si elle affirme que c’est le cas.
Honnêtement, même si c’est le cas… Volvoc finira par le découvrir, il finira par découvrir où elle se cache et ça nous retombera dessus et cette fois, on ne se relèvera pas de sa colère. »
Je marque une pause, j’oublie un détail important à cette histoire…
« Elle m’a demandé une contrepartie.
Elle veut qu’on fasse ébruiter dans toute la ville sa fausse mort, je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée, tout ça n’est pas bon pour nous.
On s’en sort très bien sans elle, on a pas besoin qu’elle nous ramène plus de soucis.
Si Volcov finit par apprendre qu’elle est en vie, on est mort. »

Il n’était pas nécessaire d’expliquer d’autres explications, je n’avais pas envie d’expliquer au groupe ce qu’avait fait sa famille à la mienne et même si je le faisais, j'étais persuadé qu’il ne le prendrait pas en compte et que je n’aurais qu’à remballer ma haine. Ils ne pourraient pas comprendre, jamais, ce que j’ai vécu me hante encore aujourd’hui et n’est certainement pas près de quitter mes insomnies. Je garde un souvenir amer de la dernière fois où j’ai vu un Shevchenko, la revoir dans notre planque réveillait de vieilles blessures que j’avais essayé d’enterrer à coups de pelles, je ressentais un profond mal-être et ma haine n’avait cessé de grandir menaçant de sortir, j’ai peur de ne pas la contenir, je ne veux pas faire les choses trop rapidement, car je sais que ma colère est très difficilement maniable.

À mon tour, je tourne le visage auprès d’Andreï qui devait à son tour expliquer son vote, j’ose espérer qu’il aurait de meilleurs arguments que « je suis médecin » ou encore « j’ai hâte de poser mes mains sur les parcelles de son corps », je sais que le médecin arrivera à convaincre au moins notre boss, car Andreï avait raison sur une chose, elle peut nous apporter des informations nécessaires pour renverser notre ennemi depuis toujours, cependant, je ne tiens pas à défendre cette cause, parce que ça serait me résigner à l’accepter et je ne veux pas prendre parti à ce qui causera notre perte. Je suis prêt à parier que le boss ne laissera pas échapper une chance pareille.
Je fis quelques pas de côté pour rejoindre une place libre, le regard d’Eryna se posa sur moi l’espace d’une seconde, regard que j’ignore comme toujours, je me concentre sur la scène qui se déroule sous mes yeux, attendant patiemment les sous-entendus du bon vieux médecin.

Andreï et ses discours. Pour une fois que ce que tu disais ne gagnait par les cœurs des membres du gang. Il était rare que je réussisse à gagner des voix, il était rare, oui, qu’on soit de mon côté et pourtant je ne suis pas connu pour être la personne qui sait trouver les justes mots dans un conflit, je pense avec mes poings en premier et ensuite, je réfléchis. Telle est ma devise, enfin presque…
Je suis ravi d’avoir convaincu ce petit monde, même si tu as raison à semer le doute dans mon esprit, je n’aime pas qu’on mette un coup dans la fourmilière, tu sais à quel point je ne sais pas gérer mes émotions et cependant on dirait que ça te plaît de mettre ton nez dans mes affaires. Cependant, j’ai gagné quelque chose que tu as perdu : ce vote.
J’affiche même le premier sourire amusé depuis l’interrogatoire, celui-ci ne durera seulement que quelques secondes, je ne voudrais pas prendre le risque de crisper mon visage.
J’observe mon ami de loin qui semblait satisfait de son discours, je me demande si Igor saura prendre la bonne décision, comme on dit, il n’y a qu’un chemin jusqu’à la mort et un chemin vers la vie, jamais les deux et jamais d’allers-retours autorisés.
Je suis mitigé, mon esprit désir qu’elle parte le plus loin possible avant de heurter davantage ma corde sensible, afin de ne pas éclairer le triangle de danger qui sommeil en moi, mais d’un autre, mon esprit désirait qu’elle reste pour profiter de son statut dans le but de pouvoir se rapprocher pleinement de ses ennemis, il y a un vieux dicton qui dit : sois proche de tes amis, mais encore plus de tes ennemis, peut-être que je devrais prendre cette phrase comme solution à mon problème.

« Ta proposition tiens toujours ?
Je ne dirai pas non pour un Whisky. »

Je ne dirai pas non à un verre, ou deux, ou trois… J’ai besoin de me détendre et de penser à autre chose. Je pose mon regard sur toi qui ne me dirais certainement non et je pense que les autres aussi aurait besoin de respirer un bon coup après que la froideur est quittée la pièce avec Igor. J’avais l’impression de pouvoir enfin respirer sans la pesanteur présente dans la pièce. Pilotés par nos peurs, la chaleur refit surface pour libérer nos cœurs. Je me lève de mon assise pour rejoindre le petit bar que possédait la salle commune, je regardai à l’intérieur et vit quelques bouteilles de Whisky qui ne demande qu’à être dégusté, je me penche pour l’attrape et les regarde.

« Qui veut boire un coup ? »

D’office, je pris deux verres et les pose sur le rebord, un pour moi et un pour Andreï, je savais déjà qu’il serait partant pour un bon verre bien costaud afin de bien terminer cette longue et terrible journée, le besoin de souffler était omniprésent, il ne demandait qu’à être expiré, n’attendant pas les réponses des autres, il commença à servir les deux verres en attendant, j'en glisse un dans ta direction afin que tu l'attrapes en pleine glissade.

« Réflexe. »

Dans l’espoir que tu l’interceptes avant qu’il ne touche le sol, avec un peu de chance le bon vieux docteur avait de bons réflexes, oui, j'aime embêter notre médecin, je lui la pareille, même si je l’apprécie, je pose la bouteille sur le petit bar la laissant en libre-service pour quiconque souhaiterai se prendre un petit verre au passage.
J’attrape mon verre posé face à moi et je le prends dans la main afin de pouvoir boire quelques gorgées, agréable et décontractant, boire cette liqueur était comme mettre un baume à ma haine ou a ma rage. J’ai hâte que cette journée se termine, elle me semble tellement longue, j’ai l’impression de ne jamais en finir, on allait devoir attendre la réponse de notre chef, tout en se buvant quelques coups.
Ce n’est sans compter l’apparition tant attendue d’Eryna, comme d’habitude, se penche pour prendre un verre, se servir de cette exquise liqueur, me jetant une œillère plutôt flatteuse, elle recula de quelque pas pour aller s’installer pas très loin.
Je finis par tourner la tête et prête attention au Russe qui m’accompagne le long de ce merveilleux verre.

Je profite de ma victoire, j’ai envie de lui mettre dans les dents, et oui, pour une fois que tes paroles incompréhensibles donne l’envie aux autres de me suivre, c’est vraiment qu’ils ne sont pas de ton avis, la situation m’amuse sur le moment, même si je risque de très vite perdre mon sourire d’ici quelques heures sûrement et que tu me chanteras à quel point tu es meilleur que moi, cependant, tu acceptes ma proposition de prendre un verre, ou deux, ou, voire plusieurs qui sait, je finis par hocher la tête doucement afin de m’atteler à mon travail sur le petit bar tout près d’ici.
Tiens, tu as perdu ton sourire… C’est marrant, les situations s’échangent.

« Alors, t’es à deux doigts de perdre l’une de tes reines ? »

Alors, ça fait que de perdre maintenant ? Je pourrais te retourner la question, mais je suis assez sympathique pour ne pas t’embêter davantage. Mon visage aurait pu être plus joyeux, mais honnêtement, est-ce que je suis le genre de personne à montrer réellement ce que je ressens ? Je ne veux pas que vous rentriez tous dans ma tête, je sais que tu m’analyses, mais tu n’y arriveras pas, car je te ferais barrière afin que tu n’y parviennes pas.
Le liquide fort sorti de la bouteille pour venir tomber dans les deux verres peu à peu, je suis pensif, je repense à Igor et à ce que tu as dit, je ne sais pas pourquoi, j’entends des phrases comme des échos à l’intérieur de mon esprit, j’essaye de les chasser, mais je n’y parviens pas, alors la bonne solution est souvent l’alcool, bien que je sache rester raisonnable, j’avais besoin de détendre mes nerfs.

« Tu penses qu’Igor va la laisser venir ? »

Je connais Igor depuis le temps, mais serait-il concrètement prêt à tout risquer de son côté, tu me remercies pour le verre, je hausse doucement les épaules, portant mon verre à mes lèvres, je bu quelques gorgées en me demandant combien de temps allait prendre sa réflexion. Tout le monde avait certainement hâte de découvrir le destin probablement funeste du groupe, tout comme moi. C’est peut-être le dernier verre que je bois autant le déguster pleinement. Qui sait où cette fille nous mènera si on décide de lui éclairer le chemin, cette idée ne me plaît pas, mais… Ton idée aussi ne me déplaît pas.
Me voilà mitigé, encore.
Pourtant, ce n’est pas bien compliqué, je la déteste, elle dégage, point.
Pourquoi s’embêter à se prendre la tête sur quelques détails ?

Rapidement des félicitations chantèrent à mes oreilles, telles des louanges ou encore des berceuses, j’écoute tes douces paroles qui comblent mon esprit, j’ai probablement gagné, mais ce n’est pas la fin de la guerre pour autant, je pose à nouveau mon regard sur toi et écoute tes nouvelles questions, je ne suis pas sûr qu’elle parvienne à brûler le cheval de Troie, quoi qu’il en soit, elle souhaite le mettre ne feu et en cendre, mais ça n’arrêtera en rien l’ascension de sa famille, ils seront toujours dans nos pattes et encore plus avec l’arrivée de Svetlana dans notre groupe.

« N’es-tu pas d’accord avec moi ? Prétendre une mort. C’est un peu extrême.
La fin de notre histoire ? Tout dépend si on inclut Svetlana ou non dedans... »

Quelle est la probabilité de notre survie, on se débrouillait très bien avant ça, mais avec elle ça risque d’être différent, le risque n’est pas minime, Volvoc finira par remettre la main sur elle tôt ou tard et nous en paierons les frais. Cette fin ne me plaît pas, j’aimerais l’imaginer autrement, mais je ne peux pas l’avouer à mon ami, il ne comprendrait pas mon point de vu, il essayerait surtout de m’écarter de mon chemin.

« Honnêtement, je ne sais pas trop. Et toi ? »

D’un seul coup de main, il termina son verre qui se retrouva rapidement vide et ne demandait qu’une chose ; être à nouveau rempli, ce n’était pas une très bonne idée, mais je lui montrai la bouteille pour savoir si tu en avais envie de suivre la manche, boire seul était déprimant, je ne le ferais pas, je n’ai pas souvent le nez dans une bouteille, mais j’aime boire de temps en temps avec une bonne compagnie ou non.

« Tu sais bien que je ne parlais pas de ça. »

Je me demande ce qui a pu te fait croire que je te parle de ton ex-épouse. Quand bien même, je ne l’aurais pas emmené comme ça, je me sens mal pour toi, même si je ne le montre pas et que je me contente de boire mon verre pour engloutir ma frustration et ma gêne, je sais ce qu’est la perte, perdre quelqu’un n’était jamais facile. Tous les soirs, je me revois encore dans ce placard, j’aimerais te demander tant de choses à la fois, mais je me sens paralysé par la peur d’en parler, ce n’est pas une bonne idée et je le sais qu'évoquer les morts n’étaient qu’une source à problèmes, je ne sais pas depuis combien de temps, je n’ai pas évoqué le sujet de mes parents, mais il me paraît tellement difficile de le faire, j’ai les souvenirs qui s’envolent à la volée, je perds ce que j’ai connu, peut-être que toi aussi, tu ressens ça.
Mais jamais, je ne saurai la réponse.
Je préfère rester dans l’ignorance, recouvrir mes sentiments, ma culpabilité, ma rage quelque part à l’intérieur de moi, comme j’ai toujours su le faire d’ailleurs, on ne change pas les bonnes vieilles habitudes du jour au lendemain.

Ce n’est pas ce que je te demande Andreï, je veux ton avis à toi, pas ce que j’ai envie d’entendre. Nous pourrions avoir de conversations intéressantes si je m’en donnais la peine, mais je préfère passer par d’autres moyens afin de communiquer, je ne veux pas te ressembler, je ne veux pas devenir toi, quelqu’un qui n’utilise que les citations pour parler la plupart du temps, même si ça pourrait être drôle, je ne te laisserai pas le plaisir de découvrir cette facette de moi. J’inspire doucement pour réfléchir à ce que je pourrais te dire, car oui, je ne peux pas me permettre de te dire n’importe quoi, au risque de me brûler les ailes au passage.

« Alors, tu as gagné d’avance. »

Je ne prétends pas être le plus idiot du groupe, mais si ce que tu racontes est vrai, alors Igor fera le choix de la garder, jamais, il ne prendra le risque de passer une telle chance, il faut croire que je dois commencer à me faire au sujet… L’envie n’y était pas vraiment. Je me sens morose quand je pense à elle. Car elle me fait penser à mon passé et je déteste repenser à ces mauvaises périodes. J’ai l’impression que mon estomac se retourne, je perds mon sourire amusé en y repensant, c’était drôle un instant, mais maintenant ça ne l’est plus, je me demande comment je vais faire, comment mettre fin à mon plan avec le petit papillon dans l’parage ?
J’évite ton regard, tu m’analyses comme à chaque fois, comme un psychologue, je déteste ça. Je ne veux personne dans mes pensées et tu le sais, pourtant tu t’obstines à vouloir y accéder, tu n’y trouveras pas grand-chose, mis à part la colère, la rancœur et la peine, tu perds ton temps avec moi, mon âme n’est plus à sauver, elle est morte il y a bien longtemps, tu ferais mieux d’essayer d’en sauver d’autre au lieu de mettre la main sur la mienne.
Puis, j’écoute tes paroles, tu n’as pas tort, je ne te donnerai pas raison. Je n’ai pas envie de perdre cette guerre, au contraire, je veux la gagner, j’aimerais être en mesure d’être capable de mener ce groupe à la victoire, mais en réalité, nous ne sommes que trop peu. Le petit papillon n’y changera pas grand-chose, elle n’est que le chemin de notre mort et ça tu ne pourras pas me le retirer de mon esprit. Pourquoi ne me crois-tu pas ? Ai-je laissé paraître un doute sur mon visage ? Ai-je été aussi négligent pour m’y laisser prendre au jeu ?
Es-tu entrain de me dire que tu doutes de moi et de mes paroles ?
Tu te doutes bien que jamais, je n’avouerai ce qui se trame intérieurement. C’est un jeu auquel tu as déjà perdu d’avance si tu crois que m’attendrir me fera lâcher la bombe.

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Igor m’a demandé de m’expliquer sur ce que je pensais, c’est ce que j’ai fait. »

Personne n’a réussi à faire trembler mon myocarde jusqu’à présent, je ne sais pas ce que c’est de perdre un amour, j’aimerais le comprendre, mais c’est quelque chose que j’ai du mal à imaginer, l’amour est un sentiment de faiblesse, il faut s’ouvrir à la personne, lui montrer ses plus grandes peurs, dépendre de quelqu’un, la vie est trop courte pour la gaspiller à poursuivre un amour impossible ou non réciproque. La dernière fois que j’ai donné mon cœur à quelqu’un, on l'a écrasé et propulsé hors de ma poitrine, dès que je l’ai vu tuer mes parents, je l’ai senti se briser entièrement, je ne veux pas revivre une telle sensation, je n’y survivrai pas. Je me l’interdis, surtout du moment que j’ai encore ce plan en marche. Alors non, Andreï, j’ai du mal à te comprendre, comprendre ce que tu ressens ou ce que tu as pu endurer, j’aimerais ne jamais le connaître un jour, mais, je peux consentir au fait de perdre quelqu’un.

Je joue doucement avec mon verre d’alcool, qui glisse entre mes doigts, le liquide chavire à l’intérieur, tel un bateau sur un océan déchaîné, je l’observe un instant avant de le porter à mes lèvres et de boire quelques gorgées. Je ne suis pas défaitiste, je suis réaliste Andreï. Je me retiens de dire ce que je pense, car je sais qu’avec toi je risquerai de me dévoiler trop facilement, j’aimerais me sentir en sécurité et t’en parler, mais mon égo est bien trop gonflé pour arriver à le faire, tu me dirais certainement que je ne suis qu’un idiot de penser ainsi, pourtant je le sais, mais je suis bien trop borné pour changer de disque.
Je te regarde longuement avec un léger sourire sur mes lèvres qui ne dura seulement que quelques secondes.

« Peut-être les autres, mais pas Igor.
Toi et moi, on sait déjà sa réponse. »

J’ai peut-être réussi à convaincre Joana, Georgina, Milo et Stan, mais nos choix ne sont qu’éphémère dans ceux d’Igor, car seul lui prend la décision finale. Ça a toujours été comme ça, ça ne m’a jamais dérangé, enfin jusqu’à maintenant, j’ai envie de me débarrasser d’elle avant qu’elle fasse de ma vie un océan voué à une tempête centenaire. Mon eau ne cesserait de divaguer, de détruire et d’engloutir des bateaux sur son passage, je ferais fondre les icebergs, je maîtriserai l’océan totalement, tant que mon déluge ne l’aura pas atteint, je sais qu’avec elle sur mon chemin, elle me complique la tâche, elle la rend plus ardue, je n’ai pas envie de me forcer à être sympa ou d’être obligé à l’apprécié tout ça parce qu’Igor va considérer ça important que tout le monde s’entende bien, je ne peux tout simplement pas l’imaginer.

Je t’écoute, encore une fois, j'ai l’impression que tu t’es fait une place dorée dans mon esprit, si seulement tu savais ce qu’il cache, tu ne ferais plus le malin, j’aimerais t’inviter encore une fois à prendre ce siège et à regarder à travers mes yeux, jamais, tu ne me comprendras, même si tu sembles voir clair dans mon jeu, j’espère que tu ne me barreras pas la route, car je ne ferais pas d’écart pour ceux qui m’empêchent d’avancer, je t’apprécie Andreï, mais j’ai mes limites, reste bien à ta place si tu ne veux pas te brûler toi aussi.
Ne me force pas à faire quelque chose en ton encontre, ça m’attristerait de le faire.
Cependant, tu marques un point, je ressasse, car ça m’agace, si seulement tu savais à quel point… Je veux tout savoir sur elle et sa famille afin de m’approprie chaque détail de leurs vies. Chaque information me rapproche de cette famille.
Ce masque, comme tu l’appelles, me sers à me cacher dans cette meute de loup, doucement, j’avance, je traque et j’attaquerai.
Essaies-tu de me flatter ? Mon intelligence est-elle aussi flagrante ? Tu es bien le seul à le voir, ça me touche, même si je ne le montre pas, personne n’avait fait autant d’effort pour me cerner, tu es bien le seul, je t’admire pour ça.

« C’est toi qui es venu m’en parler non ? On peut parler du beau temps et de la pluie si tu préfères.
Je n’aime pas sa présence et tu le sais, ce n’est pas une bonne idée de la garder vers nous, même si… C’est vrai, elle pourrait nous être utile, mais on n'a pas besoin d’elle pour y arriver.
Un masque ? Andreï, je ne sais pas de quoi tu parles. Éclaire-moi, mon ami. »

Tu parles Andreï, je ne vois vraiment pas de quoi tu parles. J’aurais pu en effet donner un meilleur argument, j’aurais pu aller plus loin, être plus violent, expliqué mon traumatisme face à tout le monde, mon envie de tous les buter un par un, mais je ne l'ai pas fait. Pour quelle raison ? Parce que ça ne regarde que moi et qu’aucun de vous ne pourrait comprendre, en même temps comment vous le pourriez ? J’ai menti depuis tout le temps où je suis arrivé ici, il y a des parts de vérités bien évidemment, mais maintenant que Svetlana est là, ça change complètement tout. Je ne changerai pas l’ordre de mon plan, je ne compte bien ne pas la lâcher du regard, elle me mènera jusqu’à son père comme une gentille petite fille, j’ai vraiment hâte d’y être. Quand tout sera terminé, je pourrais tracer un trait sur cette histoire.
Pendant mes pensées meurtrières, tu peux voir des flammes danser à travers mes yeux, elles dansent, se réunissent entre elles, elles ne désirent qu’une seule chose ; tout brûler sur mon passage. Je ne renierai pas mon feu, ma rage, je brûlerai de mille feux quand mon moment sera à porter de mains. Mon âme et mes pensées se régalent à l’avance.
Ne le sais-tu pas Andreï ? Les papillons brûlent en touchant le feu, ils se brûlent les ailes et ne deviennent que cendre. Ce feu est mon arme la plus puissante qui puisse exister en moi, et rien, ni personne, ne m’arrêtera, que Dieu ait pitié de mes ennemis, car je n’en aurais pas. Si je ne peux pas faire agenouiller le paradis, alors que ferait naître l’enfer.
Je dois avouer, que je pensais que les autres te suivrais et que ça a été une assez belle surprise, mais, entre nous, on sait très bien qu’Igor ne laissera pas cette opportunité filer.

« Tu l’as trouvé piètre ? Pourtant… Les autres ont tous levé les mains. Tu dois être le seul à le penser. Un enfant de dix ans ? Tu peux faire mieux Andreï…
Sois pas en colère, j’ai peut-être gagné la guerre. »

Je dois avouer que tu es intelligent, t’en a dans la caboche. Je ne peux décidément rien te cacher, mais je ne pourrais jamais dire haut et fort ce que je cache, ou même ce que mes pensées aimeraient te dire si fort ? Je vois bien que je t’agace, dis-le-moi si tu veux que je parte, ça sera plus simple, moi qui pensais qu’on avait une conversation intéressante.
Au fond de moi je… t… apprécie. Bref, où j’en étais déjà ? Ah… Oui.
J’ai l’impression que je n’aurais pas dû te proposer de verre, mais si tu veux commencer dans cette lancée, je peux endosser le masque que tu souhaites que je porte.

- Plait-il ? Je suis simplement venu te rappeler l’échec cuisant de cet interrogatoire qui n’aura eu que pour effet d’attiser la foudre chez toi !
« En même temps, vous n'avez pas arrêté de me couper pendant l’interrogatoire ! C’est normal que c’était un échec. » et dieu sait que je n’aime pas quand on me coupe dans mes interrogatoires, j’aime les mener comme je le sens, même si j’ai tendance à répéter ce que j’ai appris avec les services secrets, ne te plains pas, j’aurais pu faire dix fois pire que lui poser trois questions déplacées.

- Bien entendu, ou tu peux simplement évoquer le vrai problème ?
« Le vrai problème ? Tu peux venir directement à l’essentiel ?»

- FOUTAISE !
« Je ne savais pas que tu lisais dans les pensées. » Tu me bombardes et ça commence réellement à m’agacer, mes yeux se glacent en te regardant, je voulais bien rigoler, mais là, je n’ai plus vraiment envie de le faire.

- Pour l’amour du ciel, Ivan !
« Quoi encore Andreï ? T’as quelque chose à me dire ?»
Je soupire longuement, pourquoi j’ai dû dire même si… Cette conversation me donne mal à la tête si tu savais.

-Même si quoi? 
« Tu m’écoutes ? Même si elle pouvait nous être utile. »

-C’est Indéniable!
« Indéniable ? Tu vas un peu loin, je trouve ! Je dirais même que tu t’enflammes. »

- Ne dis pas n’importe quoi. Tu sais bien que c’est faux ! Mais tu es trop borné pour l’avouer.
« C’est toi qui dis n’importe quoi ! Je ne suis pas borné. »

- Tout à fait ! Un masque ridicule qui s’appelle « Faux-Semblants ».
« T’es partie chercher ça où ? T’es sûr qu’on parle de moi là ?
Où vas-tu chercher tout ça ? Je ne fais pas de faux-semblants comme tu le dis si bien. » Arrête de m’analyser, je te fixe longuement avec mon verre que je porte à mes lèvres et je bois quelques gorgées pour me donner du courage.

-Oh arrête ton char Ivan ! Tu en deviens ridicule !
« Pff ! On se demande qui est le plus ridicule... »

- Inutile mon ami. Toi et moi, on a toujours su se comprendre même dans le plus éloquent des silences. Et, tu le sais ! 
« Tu es le seul à te comprendre des fois.
Putain Andreï… Qu’est-ce que t’es entrain de me faire ? Un AVC ? Tout va bien ? 
Lâche moi avec ça, maintenant… » Oui, c'est vraiment la seule phrase que j’ai trouvée pour qu’il me lâche la grappe. Avant de poursuivre notre échange, Igor rejoint à nouveau la salle, tiens, il a été plutôt rapide non ? Je tourne ma tête vers lui comme pour me préparer mentalement à ce que je vais entendre.
Je le regarde s’approcher et attend patiemment.

J’en étais sûr. C’était tellement prévisible. Putain Igor, tu ne me facilites pas la tâche, tu me mets dans une situation plutôt délicate, quand tu me remercies, je hausse les épaules, je suis presque sûr et certain que tu n’as pas réellement écouté ce que j’ai dit, car si ça avait été le cas, tu m’aurais certainement dit les paroles d’Andreï concernant mon discours d’un enfant de dix ans. J’aurais même pu inventer des trucs, que tu ne m’aurais pas écouté, ah, tu me déçois, tu viens de nous mettre un pied dans la tombe, j’avais espéré que tu fasses le bon choix, mais à présent, je ne suis pas vraiment sûr que ça soit le cas, je ne suis pas sûr de ce que je veux, je suis mitigé, perdu entre le fait qu’elle reste et que je vais devoir la croiser tous les jours.

Je reste silencieux, quand je te vois arrivé, j’ai ma haine qui reprend le dessus, je serre fortement mon verre dans les mains, j’avale durement ma salive, c’est comme si le jeu avec lequel que je jouais avec Andreï, n’était qu’une parenthèse et que j’avais repris mon masque de la vengeance, je te regarde, vide d’émotions, en colère, ma haine danse dans mes yeux, elles font fuir les ombres et les ténèbres, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas été aussi en colère et toi, oui toi, tu as réussi à me la ramener.
Je te déteste.
Je.
Te.
Déteste.
Toi et tes putains de sourire, tes putains de clins d’œil. Mon visage se ferme, mais tu sais ce qu’il me réconforte ? C’est que je poserai mes mains sur ton cou et que ta sentence te pend au coin du nez. Ce qu’il me réconforte, c’est que tu me mèneras à ma destinée, à mon but, à ton père et à tes frères. Je lâche le verre avec colère et sors de la pièce, car je me sens étouffer ici.