Entrevue Nocturne

Oswald & Alec

1er Septembre 2022 - dans la nuit

Mon doigt ripe sur la roulette et ma clope s’embrase sous la flamme du briquet. J’le fourre au fond de la poche de mon jeans et viens pincer le bâtonnet de nicotine entre mon index et mon pouce pour dégager la fumée de mes poumons. Le gros cumulus se dégage de mes narines tandis que je progresse dans les rues d’Overtown en direction du Raven. Oswald veut me voir. Il est tard, ou tôt, j’sais plus trop. J’me demande ce qui requiert ma présence en plein milieu de la nuit.

J’écrase ma clope sous ma pompe en arrivant puis, pousse la porte du Raven sans avoir à souffler au videur l’habituel mot de passe. Il y a quand même certains privilèges non négligeables à être l’associé du Corbeau. Je tire sur ma veste pour l’arranger puis, monte tranquillement au premier jusqu’à la porte de son bureau. Je salue, comment il s’appelle déjà ? Ah oui. Hans. Je le salue d’un signe discret de la tête. Il en fait de même et annonce mon arrivée à son patron. Il me laisse entrer puis referme la porte derrière moi. J’avance de quelques pas tandis qu’’Ozy semble absorbé dans sa paperasse : Salut. Tu voulais me voir ?

Dans un grincement de cuir, je me déleste de mes gants pour les poser juste à côté de moi, sur le banc de mon piano tandis que mes doigts à la peau meurtrie viennent caresser, sans les sentir, les touches noires et blanches. Un soupire d'agacement m'échappe alors que je ne peux que constater -comme à chaque fois- le néant au bout de mes doigts. Rien qu'une sensation d'engourdissement qui ne disparaitra jamais... et qui me frustre énormément. Les sourcils froncés, le regard glissant sur la partition ouverte juste devant moi, je laisse pourtant mes doigts commencer une danse qu'ils connaissent déjà parfaitement mais que je me permets de juger insatisfaisante. Une oreille profane s'émerveillerait probablement, jugeant mes talents à l'égal de ceux d'un virtuose. Mais ce n'est pas mon avis. Il fut un temps, j'aurais sans doute pu suivre les traces de ma mère et entrer au Conservatoire. Je ne ressasse pas le passé, il m'est inconfortable car je n'ai plus d'emprise sur lui.

Et désenfouir le passé, c'est ramener avec lui cette nostalgie collante et poisseuse qui m'incommode. La musique a toujours été un refuge, un plaisir qu'il m'est facile d'apprécier tant que je n'en suis pas l'auteur. Je me souviens de mon professeur de solfège et de piano démesurément exigeant. Je me souviens de ce sentiment d'imperfection qui me rendait fou, m'obligeant à recommencer, encore et encore et encore jusqu'à m'en engourdir les doigts... Je me souviens de l'humiliation dévastatrice que mon professeur m'a infligé en public alors que je n'étais encore qu'un enfant. De son interruption en pleine représentation où cette affreuse mégère russe s'était excusée de m'avoir laissé monter sur scène, à la stupeur générale. Rien n'était assez bon.

Après l'accident, j'ai abandonné l'idée de poursuivre cette voie. Mais j'imagine que cette femme avait déjà semé les graines pour m'y pousser. Fort heureusement, ce nuage dans le paysage n'a pas totalement sapé mon penchant mélomane. Certes, je suis aujourd'hui plus exigeant que jamais avec moi-même. Mais fut un temps où la musique m'évoquait la chaleur des bras de ma mère, de ce violon qu'elle faisait vibrer et chanter à merveille au point de m'émouvoir profondément. Il fut un temps où je me sentais virtuose, oui. Dans les yeux de ma mère, je l'étais. Aujourd'hui, je trouve un léger réconfort de lui jouer quelque chose, quand je lui rends visite dans sa résidence. Il me semble même lui offrir un bref moment de lucidité, où son regard me semble un peu plus ancré dans la réalité... C'est fugace, mais, c'est réel.
Et c'est sans doute la raison qui me pousse à continuer de jouer...

Je referme le couvercle en bois pour protéger les touches du piano et enfile de nouveau mes gants en jetant un coup d'œil à l'horloge. Alexander ne devrait plus tarder. J'en profite pour redescendre à mon bureau, appelant Hans pour lui donner les instructions concernant l'arrivée probablement proche d'Alexander.

▬ Je ne veux pas être dérangé durant cette entrevue,  dis-je pour conclure, en ouvrant le tiroir de mon bureau après m'y être assis, produisant un grincement grave et sourd.

Je réalise en levant un regard vers Hans que ce dernier me dévisage avec une légère stupeur sans toutefois se permettre un commentaire. Je fronce les sourcils : à quoi pense cet idiot ? Il se racle la gorge, ses lèvres dessinant pourtant un léger sourire et je réalise que ce grand benêt s'imagine que ce bruit provenait de mon corps. Je saisis ce que je souhaitais prendre dans le tiroir et le referme sans quitter des yeux mon homme de main qui se retient de pouffer de rire comme un enfant...

▬ Il s'agit de mon tiroir, Hans. Grandissez, je vous prie, je me contente de le sermonner sévèrement, avec agacement, avant de plonger mon regard dans les papiers qui m'attendent. D'un geste de la main, je le congédie et il s'en va, les lèvres toujours pincées et scellées, disparaissant derrière la porte.

Je hoche négativement la tête.

Enfin, Hans finit par me signaler l'arrivée de mon nouvel associé et Alexander entre dans mon bureau. Je consulte toujours mes papiers tandis que la porte se referme sur lui.

▬ Salut. Tu voulais me voir ?

Je lève les yeux, abandonnant un instant les documents que je tiens entre mes mains pour le dévisager.

▬ La fille. Qu'est-ce que tu as trouvé de nouveau, sur elle ? je lui demande avec une certaine impatience.

Entrevue Nocturne

Oswald & Alec

1er Septembre 2022 - dans la nuit

Tu quittes tes documents un instant pour me fixer avec sérieux, puis tu ajoutes : La fille. Qu'est-ce que tu as trouvé de nouveau, sur elle ?

Elle ? je fronce d’abord les sourcils, essayant de me rappeler de qui il parle quand alors ça me revient. Un large sourire éloquent vient aussitôt poindre sur mes lèvres: Oh. LA fille. et bien et bien Ozy ! tu me fais venir au beau milieu de la nuit pour les beaux yeux de cette demoiselle ? On dirait bien que le Grand Manitou s'est entiché de la belle Zoey ! Tu risques d'être fort déçu mon ami. Je penche le visage sur le côté d’un air malicieux, on peut dire que tu as bon goût, je m’humecte les lèvres puis plonge les mains dans mes poches en me baladant ça et là dans ton bureau. Très bon goût même. Finalement, je me cale contre le mur et te dévisage en croisant les bras, sans pour autant me départir de mon sourire narquois.

Exquise. Délicieuse. Désirable, on ne va pas mentir hein ! je comprends pourquoi elle a attiré ton attention. Il n'y a qu'à la regarder. Mais, car il y a un mais, il est bon à savoir que la perfection cache toujours quelque chose. Je marque une pause puis ajoute, Menteuse. Je me redresse puis continue ma petite balade dans ton bureau tout en entrant dans les détails.

J’ai parcouru les archives de la ville et je suis effectivement tombé sur son dossier: Zoey Mallory. Né à le 7 septembre 1994 à Miami avec tout un tas d’info inintéressantes. Petite pause. Sauf que quelque chose me chiffonnait. Le fichier était…comment dire....trop parfait. J’ai donc analysé son emprunte numérique et c’est là que j’ai trouvé. Le fichier est récent. Ce qui veut dire que c’est un faux. Nouvelle pause pour humecte de plus bel mes lèvres. Quelqu’un l’a monté de toute pièce et la parfaitement glissé parmi le reste des archives. En d’autres termes, je m’arrête puis te fais face en reprenant mon sérieux, sans pour autant me départir de ce petit sourire insolent habituel, Elle n’est pas celle qu’elle prétend. Zoey Mallory est une fausse identité. Qui qu'elle soit, elle nous a tous bernés, toi y-compris, je marque une pause pour te laisser encaisser la nouvelle puis reprends, ce qui est sûr, c’est que quelqu’un s’est donné un mal de chien pour nous faire croire à l’existence de la jolie Mallory.

Je m’avance vers ton bureau et viens doucement plaquer mes paumes contre le bois vernis et froid de ton pupitre. Je me penche en avant sans départir mon regard du tien: tu crois que les Ashes sont derrière ? ce qui m'étonnerait fort, ils sont trop cons pour agir aussi subtilement. En revanche, il me semble qu'elle a été vue au Babylon en compagnie de ton cher cousin. T'as une idée de ce qu'ils fichaient ensemble ? Je réfléchis pendant ce bref silence qui s'impose entre nous.

Je ne sais pas qui elle est, mais je peux le découvrir. J’ai p't'être une piste, mais je ne pourrais pas y arriver tout seul.

Alexander est un jeune homme aux multiples talents, il est vrai, mais à la langue à mon sens bien trop pendue, une enquiquinante habitude que d'aimer s'écouter parler. Le regard toujours sévère, je prends sur moi de l'observer évoluer dans mon bureau tandis qu'il me sert ce qu'il sait en ménageant beaucoup trop de suspens pour rien. Je n'aime pas le spectacle, j'ai en horreur la poudre aux yeux. Mes articulations grincent impatiemment sur le pommeau de ma canne tandis que de mon autre main, mes doigts l'enjoignent d'un geste tout aussi impatient de bien vouloir m'épargner son petit monologue et d'en venir au fait.

Ce qu'il peut penser de mes motivations quant à cette Zoey ne m'intéresse pas, et ce serait user de ma salive et donner beaucoup trop d'importance à ses propos que de prendre la peine de répondre... Là où face à cette énigmatique enquiquineuse, il m'était impossible de lui laisser le dernier mot. Il y a des combats qu'il ne vaut mieux pas livrer tant ça serait leur accorder du crédit.

Notre relation, avec Alexander, a évolué, et c'est sans doute par égard pour cette position d'associé que je lui offre que je ne l'envoie tout simplement pas bouler comme je le ferais avec n'importe quel employé. Il y a de cela quelques mois, j'étais persuadé qu'il était de ceux qui, quand l'opportunité se présenterait, chercherait à me doubler. Les récents événements m'ont montré que sa loyauté n'était finalement pas de paille.

Alexander se fourvoie. Il s'imagine un insultant béguin quand mon obsession se justifie par cette intuition persistante que ce renard qui s'est faufilé sur ma propriété revêt bien trop de loups pour déguiser son véritable dessein. Il m'est apparu pourtant une lueur de sincérité, à l'évocation de son projet de vengeance. Je l'écoute avec plus ou moins d'attention expliquer son procédé et ses déductions qui finalement ne m'étonne pas vraiment.

▬ Elle n’est pas celle qu’elle prétend. Zoey Mallory est une fausse identité. Qui qu'elle soit, elle nous a tous bernés, toi y-compris.

▬ Tu fais erreur, sur ce point : si elle m'avait... berné dis-je, pour reprendre ses mots, en pianotant sur le pommeau de ma canne, nous ne serions pas là, à avoir cette discussions ce soir.

Je ne suis pas une personne empathique, loin de là, mais je pense pouvoir affirmer avoir une intuition aiguisée et une prédisposition naturelle pour me prémunir de toute manipulation. Certes, je ne pouvais pas distinguer le vrai visage de cette femme, mais les artifices déployés pour cacher ses intérêts parlaient pour elle. D'un geste du menton, j'invite Alexander à continuer.

▬ Ce qui est sûr, c’est que quelqu’un s’est donné un mal de chien pour nous faire croire à l’existence de la jolie Mallory.

▬ Et nous savons bien qui se donne ce genre de peine et qui en a les moyens.

Ce n'est pas une méthode méconnue du Gouvernement, mais admettons, peut-être puis-je me tromper... Mon regard soutient celui d'Alexander avec attention. Il s'approche et pose ses mains à plat sur mon bureau.

▬ Tu crois que les Ashes sont derrière ? Ce qui m'étonnerait fort, ils sont trop cons pour agir aussi subtilement.

▬ Ce n'est pas leur méthode. Et c'est effectivement trop subtile pour eux. Je soupçonne le Gouvernement... Mais, cette Zoey est animée par un objectif de vengeance très... personnel, dis-je, ma main gantée venant effleurer mon menton tandis que je songe, j'essaye d'ordonner les pièces du puzzle.

▬ En revanche, il me semble qu'elle a été vue au Babylon en compagnie de ton cher cousin. T'as une idée de ce qu'ils fichaient ensemble ?

Mes doigts cessent de pianoter, mon regard se réfugiant sur le pommeau de ma canne tandis que j'explore le palais de ma mémoire pour y regrouper tout ce que je sais déjà. Je hoche légèrement la tête, négativement :

▬ Elle cherchait à entrer ici... Darcy l'y a aidé... Elle a besoin du Raven, parce qu'elle a besoin du réseau qu'il offre pour retrouver... celui qu'elle cherche.

Je ne sais pas si je réfléchis simplement à haute voix ou bien si j'attends d'Alexander ses propres impressions sur la question.

▬ Je ne sais pas qui elle est, mais je peux le découvrir. J’ai p't'être une piste, mais je ne pourrai pas y arriver tout seul.

Je relève mon regard naturellement sévère pour trouver le sien, lui accordant toute l'attention qu'il réclame.

▬ Je t'écoute.

Entrevue Nocturne

Oswald & Alec

1er Septembre 2022 - dans la nuit

Ton silence et ce regard sévère qui ne te quittent pas, ne font que confirmer ce que j'avance, d'autant plus que tu ne relèves pas. Ta voix retentit de plus bel lorsqu'on entre dans le vif du sujet sur l'identité de Zoey.

Tu fais erreur, sur ce point : si elle m'avait... berné, nous ne serions pas là, à avoir cette discussions ce soir, répliques-tu de ton piquant habituel en tapotant sur le pommeau de ta canne. Je plisse légèrement les yeux, sourire en coin pour répliquer : La tienne a été de tolérer sa présence au Raven sans même savoir qui elle était. Je ne dis pas ça pour te blesser dans ton égo, mais, simplement, si tu n’avais pas été aveuglé par ses formes généreuses, tu l’aurais foutue dehors et tu ne m’aurais pas appelé au beau milieu de la nuit pour enquêter sur cette beauté. Je m’abstiens toutefois de ce commentaire et en reviens à notre belle inconnue.

Vue la manière dont les données sur Zoey ont été glissées dans les archives, il va sans nul doute que le travail a été effectué avec minutie. Tu sembles d’ailleurs avoir ta petite idée sur l’auteur de cette supercherie: Et nous savons bien qui se donne ce genre de peine et qui en a les moyens. J’émets l’hypothèse des Ashes mais très vite, je la chasse avec l’évidence qu’ils n’ont pas la droiture d’esprit pour agir aussi intelligemment. Nous sommes d’accord sur ce point : Ce n'est pas leur méthode. Et c'est effectivement trop subtil pour eux. Je soupçonne le Gouvernement... Mais, cette Zoey est animée par un objectif de vengeance très... personnel.

Le gouvernement ? Je plisse plus sérieusement les yeux et te sonde quelques secondes en silence, réfléchissant à mon tour : le Raven est du pain béni pour le Gouvernement. Avec tous les pourris qui y trainent. Si elle en fait partie, il serait déjà fermé. Je réfléchis un peu plus, mordant l’intérieur de ma joue. Il doivent sans doute rechercher quelqu’un. C’est la seule explication qui me parait la plus plausible. La question est de savoir qui ? mes prunelles viennent sonder les tiennes avec sérieux. Qui de tes clients pourraient être dans leur collimateur ? et surtout pourquoi ?

Je me redresse en revenant à notre demoiselle. Un objectif de vengeance tu dis : ce n’est pas vraiment ce qu’ils inculquent à leurs agents. Enfin j’imagine. N’oublions pas qu’elle se trouvait au Babylon en compagnie de ces fils de pute de Ashes.

Elle cherchait à entrer ici... Darcy l'y a aidé... Elle a besoin du Raven, parce qu'elle a besoin du réseau qu'il offre pour retrouver... celui qu'elle cherche. Mes soupçons sont bien confirmés. J’acquiesce d’un signe de tête puis croise les bras : elle s’est quand même donné un mal de chien pour entrer. L’idée de vengeance se tient.

Je ne vais certainement pas en rester là. Je vais découvrir qui elle est. D'ailleurs, j’ai effectué quelques recherches avant de venir te voir et je suis persuadé que ça va t’intéresser. Malheureusement, je sais que tu détestes ça, mais tu vas devoir donner de ta personne si tu veux ces infos. Tous seul, je n’y arriverais pas. Ton regard retrouve le mien : Je t'écoute.

Bien. Je viens alors m’assoir sur l’une des chaises faisant face à ton bureau, croise les jambes où mes mains jointes l’une dans l’autre viennent siéger: quand j’ai compris que c’était une fausse identité, j’ai piraté le serveur des flics. Je n’ai pas pu y rester très longtemps à cause de leur traceur. Toutefois, j’ai pu effectuer une recherche à partir de sa photo dans le dossier, dans leur logiciel de reconnaissance faciale. Et, j’ai trouvé une correspondance. Un mec. Jill Valentine. Infirmier au Jackson’s Hospital depuis deux ans. Originaire de Quantico. La ressemblance est frappante.

Je marque une pause humectant mes lèvres : ensuite, j'suis retourné dans les archives afin d’en savoir un peu plus sur ce mec. J’ai découvert qu’il avait une sœur jumelle. Jill Valentine. D’après le dossier, ils ont fait leurs études à l’Université de Quantico. Lui en cursus médecine. Elle, en Criminologie. expliquai-je en arquant un sourcil affichant un petit sourire.

Et tiens-toi bien, après l’obtention de leur diplôme, la demoiselle a intégré les rangs du FBI. Je marque pause pour venir m’adosser bien au fond de ma chaise. Ton idée de Gouvernement se tient aussi et j’ai un bon moyen de le savoir. Petite pause pour t’annoncer la couleur.

Je peux pirater son téléphone, mais pour ça, il faut qu’il se trouve à proximité de mon appareil. L’ennui, c’est que je ne peux pas le faire. Il me connait. Il s’était occupé de moi quand j’ai été hospitalisé cet été. C’est là que tu entres en scène. Ça sera à toi de lui faire la conversation, le temps que je puisse copier les données de son téléphone.

▬ La tienne a été de tolérer sa présence au Raven sans même savoir qui elle était.

▬ Sois proche de tes amis et encore plus proche de tes ennemis, dis-je simplement, sèchement, pour toute réponse alors qu'il prend ma décision pour de la négligence.

Il n'en est rien et je n'ai pas à m'en justifier, d'ailleurs, parce qu'il s'agit, il me semble encore, de mon bar. Mon regard sévère ne le quitte pas, mes doigts pianotant toujours avec une certaine impatience sur le pommeau de ma canne. Pourquoi l'avoir laissée entrer et évoluer dans le Raven ? Me pense-t-il assez stupide pour l'avoir laissée errer là sans la garder à l'œil ? Sans avoir laissé traîner une oreille discrète et attentive ? Il ignore sans doute encore l'implication de mon Petit Oiseau, des services qu'elle me rend quand elle tend discrètement l'oreille pour moi.

Je pince mes lèvres. La vengeance est une des rares sensibleries que je m'accorde. Mon inflexion pour cette dernière est sans doute pourquoi Miss Zoey a retenu mon attention, bien plus que pour toute autre raison. Alexander doit saisir mon impatience puisqu'il ne rebondit pas, passant sur le sujet et c'est sans doute mieux ainsi. Nous partageons nos réflexions et il devient clair que si les moyens déployés semblent correspondre à ceux du gouvernement, il n'en reste pas moi que la motivation de Zoey est plus personnelle...

Les faits qu'Alexander apporte par la suite durcissent un peu plus les traits de mon visage, me contrariant quand il évoque finalement sa possible affiliation au FBI.

▬ Ton idée de Gouvernement se tient aussi et j’ai un bon moyen de le savoir.

Tombe, le dernier masque du renard. Jill Valentine serait-elle notre Miss Zoey ?

▬ Je peux pirater son téléphone, mais pour ça, il faut qu’il se trouve à proximité de mon appareil. L’ennui, c’est que je ne peux pas le faire. Il me connait. Il s’était occupé de moi quand j’ai été hospitalisé cet été. C’est là que tu entres en scène. Ça sera à toi de lui faire la conversation, le temps que je puisse copier les données de son téléphone.

Je fronce les sourcils, circonspect : faire la conversation. Ce n'est pas vraiment dans mes habitudes, ni dans mes compétences. L'idée de me rendre dans un hôpital pour avoir une... conversation avec le présumé jumeau du renard ne m'enchante pas vraiment. Mais ne serait-ce finalement pas l'occasion rêvée d'obtenir le fil qu'il me faut pour la tenir elle. Mécontent, je donne pourtant mon accord d'un bref coup de menton.

▬ Faire la conversation n'est pas vraiment mon fort. Mais s'il s'agit de son frère, alors il parlera pour deux.