Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

Tout est allé vite. Je n’ai rien vu venir. C’est comme se prendre une vague de plein fouet et de boire la tasse. Tu perds pied et le courant t’emmène comme une tempête arrachant un arbre à sa terre. L’impact fut certes bref, mais assez fort pour me couper le souffle, toutefois pas assez violent pour que mon téléphone ne m’échappe des mains.

Désolée je… Je me redresse afin de retrouver mon équilibre et me retrouve nez à nez avec une blonde au visage crispé par la peur. Elle semble étrangement pressée.

Hey ! BANDE DE PETASSES ! vocifère une voix rocailleuse derrière. Je fais volte-face découvrant un peu plus loin, trois hommes visiblement irrités. Je plisse légèrement les yeux pour m’assurer que leurs prunelles enragées ne soient pas rivées dans cette direction. Erreur. Attends deux minutes ?

Pétasses ? laissai-je accidentellement échapper en grimaçant, les sourcils froncés. Et puis, la jeune femme m’agrippe vigoureusement le bras m’obligeant à lui faire face : Un conseil: Courez ! Un dernier et bref coup d’œil derrière moi, et la panique commence à me gagner : Euh…je… Je redouble un regard à la demoiselle, qui, instinctivement à courir en m’entrainant avec elle dans sa couse. Mes doigts se resserrent sur mon téléphone que n'espère pas semer en cours de route.

Je vous expliquerai quand on aura semé ces abrutis !
J’accélère rapidement et la suis de près : C’est qui eux ? pourquoi ils en ont après vous ? demandai-je dans la précipitation.

Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

Courir. Moi qui pensais y être habituée avec mes trente minutes quotidiennes à la salle. Je me suis trompée sur toute la ligne…Courir sur un tapis de course, c’est autre chose que courir pour sauver ses fesses. La rapidité avec laquelle je me suis élancée me fatigue très rapidement. J’ai chaud, j’ai du mal à respirer. Enfin l’apothéose: j’écope d’un point de côté. Le souffle court et rapide, le cœur martelant ma poitrine, mes jambes qui deviennent de plus en plus lourdes, je sens mes forces à deux doigts de me lâcher. Heureusement, la jeune femme m’entraîne avec elle dans une poissonnerie où nous pouvons faire une petite pause. Moi qui espérais pouvoir reprendre mon souffle, je dois me contenter d’air souillé par l’odeur infecte de poisson. Le corps penché en avant, pose mes mains sur mes cuisses pour reprendre mon souffle. Elle me libère le bras et s’explique : Disons que... On a parié, j'ai gagné, ils ont pas apprécié.

Je tourne le visage puis la regarde, les sourcils légèrement froncés, la respiration sonore et saccadée : ah ouai ? petite pause, c’est tout ? je me redresse sensiblement et hausse les épaules puis appose mes mains sur ma taille, des mauvais perdants donc. Classique. Des hommes quoi. En tout cas, souffle haletant, t’as sacrément dû les énerver. Je fais glisser mes mains dans mes cheveux afin de reprendre doucement mes esprits, puis humecte mes lèvres.

Va pas falloir rester ici, ils étaient pas très loin donc ils nous ont sûrement vues entrer, dit-elle en sortant une bonne somme d’argent de sa poche qu’elle fourre dans son sac. Je ne peux m’empêcher d’arquer un sourcil tout en ajoutant : ah ouai. Effectivement. Je préfère éviter de m’imaginer mille et un scénarios ni même savoir qui est le méchant de l’histoire. Je connais ma place, et en ce moment même c’est dans le collimateur de ces hommes, que cette fille soit coupable ou non. D’ailleurs en parlant du loup, les voilà qui arrivent avec une menace de plus.

Et merde... Barrons nous !

Bonne idée !

Mon cœur s’accélère de plus bel à mesure qu’ils essaient de nous prendre par les deux côtés. Mon regard affolé cherche à droite, à gauche sur tous les côtés, je ne trouve rien de mieux que la marchandise de l’étalage. Yuuuurk ! laissai-je échapper, le visage crispé dans le dégoût, la grimace au rendez-vous. Puis, j’attrape plusieurs saumons et leur balance en pleine poire. Le corps poisseux de l’animal mort vient vivement claquer contre leur visage, les déstabilisant l’espace de quelques secondes : Ah ah ! Dans le mille ! m’écriai-je toute victorieuse. On profite de ce moment pour détaler comme des lapins sous les vociférations qui voit sa marchandise s'envoler.

Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

Est-ce que la mauvaise foi peut transformer un simple individu en furie enragée ? Il faut croire que oui. Apparemment, on se fait courser pour une histoire moisie de pari. J’ai du mal à croire que ça soit leur seule motivation. Ils nous pourchassent comme du bétail et je n’ose pas imaginer ce qu’ils vont nous faire s’ils nous attrapent: Pas ma faute s'ils voulaient pas me donner ce fric. J'ai gagné, donc j'ai pris mon dû. Vick et Spence approuveraient sans doute, mais à quel prix ?

Ouai. Je vois. me contentai-je de répondre en haussant les épaules. Ce n’est pas le bon moment pour avoir cette discussion. Le temps presse alors mieux vaut se mettre à l’abri. Et maintenant ? On fait quoi ? Parce que j’ai pas vraiment envie qu’ils nous attrapent pour le découvrir…

Malheureusement, en parlant d’eux, les voilà qui entrent avec la promesse de se venger. Tandis qu’ils s’approchent, je m’empare avec dégoût de quelques saumons soigneusement posés sur l’étalage et leur balance à la figure. Je ne suis pas vraiment fière de mon exploit, parce que d’une, j’ai les mains qui puent, et de deux, je viens de gâcher quelques kilos de poissons. Pardon pour ceux qui meurent de faim…

En revanche, il est vrai que j’ai du mal à cacher la satisfaction d’avoir parfaitement visé sa tête hideuse de moustachu : Bien joué, allons-y !

Oh oui, bonne idée ! approuvai-je sans qu’elle ne le répète deux fois. Avec ce qu’il vient de se prendre, j’ai probablement signé mon arrêt de mort. Oh mon dieu...IL VA ME TUER !! paniquai-je intérieurement.


J’accélère encore plus, dépasse même ma copine de course, le cœur battant à en rompre ma poitrine. À bout de force, nous finissons par pénétrer dans une épicerie quelques rues plus loin. La jeune femme me regarde, toute aussi essoufflée : Et bien on fait notre sport pour la semaine là... une petite remarque qui malgré l’urgence de la situation étire mes lèvres dans un sourire amusé, Ouai. Pas faux, j’essaie de reprendre un peu mon souffle, Je penserais à t’appeler si j’ai besoin de me dépenser, plaisantai-je avant d’aller jeter un bref coup d’œil dehors pour vérifier si nous avons réussi à les semer. Malheureusement, ils arrivent, plus remontés que jamais et mon visage alors pâlit. Je reviens vers ma copine de course : Et Merde…Ils arrivent !

Mon regard scrute chaque recoin de l’épicerie à la recherche d’une solution. Allez Elisabeth…réfléchis, réfléchis…Que feraient tes frangins ? Nate prônerait sans doute le dialogue. Mais ça me parait légèrement compromis. Euphémiste ! Vick leur rentrerait sûrement dans le lard. Une bonne initiative, mais on se ferait très vite mettre au tapis. Deux filles face à trois hommes, ça me parait compliqué. Spence, quant à lui, chercherait à tirer profil de son environnement pour déstabiliser l’adversaire. Ça me parait la meilleure solution !

Mes prunelles observent, puis se posent sur le coin des fruits. Je fais volte-face et observe minutieusement le coin douche. Un sourire malicieux s’esquisse sur mes lèvres : J’ai une idée ! je me tourne vers la jeune femme, Toi, arme-toi de fruits. Des oranges, des citrons, melons, pastèques, tout ce qui se lance bien et qui fait mal ! Dès qu’ils entrent, tu te prépares à les arroser. Et moi… je me retourne rapidement pour aller m’emparer d’un gel douche, je mine le terrain. j’ouvre le savon et en verse généreusement près de l’entrée et au début de chaque rayon, m’attirant ainsi les foudres de l’épicier. Aussi, je lui glisse cinquante dollars pour qu’il ferme les yeux sur le gâchis de sa marchandise. Il l’accepte sans broncher et nous jette malgré tout un regard agacé avant de disparaitre dans l’arrière-boutique. Je viens ensuite me poser dans l’avant dernier rayon, me pare d’une grosse poêle puis attends l’arrivée de nos poursuivants : T’es prête ?

Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

Tiens, une partie de mes gains. Puisque je t'ai emmenée là-dedans, autant que ce soit pour quelque chose. Je reste un peu interdite face aux billets qu’elle me tend. C’est bien la dernière chose à laquelle je pensais. Je suis bien trop préoccupée à sauver nos fesses. Au diable le fric ! il ne me servira à rien si je suis morte. On n’a pas le temps pour s’offrir de telles faveurs. Je me contente de prendre ce qu’elle me donne : Merci. C’était pas la peine tu sais ! J’dois t’avouer que ce qui m’intéresse là tout de suite, c’est de ne pas finir au fond d’une benne…

Nous partons chacune à notre position. La bande ne tarde pas à nous retrouver et pénètre à l’intérieur. Toutefois, ils sont chaleureusement accueillis par les assauts fruités de ma comparse. Elle réussit à en mettre deux KO tandis que le moustachu réussit à se frayer un chemin jusqu’à mon rayon. Le cœur battant à toute vitesse, la peur me prenant jusque dans les entrailles, je sens l’adrénaline monter, m’offrant toute la force et le courage nécessaire pour passer à l’attaque. Et puis, sans réfléchir, je lui assène un énorme coup de poêle sur la figure. Sonné, il recule de quelques pas, se prend les pieds dans le savon avant de finir au sol comme un gros caca. La vache ! c’est moi qui ai fait ça ?

Atterrée de ce que je viens de faire, je lâche instinctivement l’ustensile qui se heurte au sol dans un fracas puis m’échappe de l’épicerie, complètement paniquée suivie de près par Caitlin. Seigneur dieu…pourvu qu’on soit loin quand ils reprendront connaissance…si  ce n’est pas déjà fait…

Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

Seigneur ! La douleur fulgurante d’un point de côté me prend à la taille et me force à ralentir le rythme : J’en peux plus… soufflai-je complètement essouflée.

Les muscles de mes jambes sont tendus et me tirent. J’ai super chaud et j’ai du mal à respirer : Bon, ok, on est dans la merde là... Je me retourne vers Caitlin et découvre finalement un cul-de-sac droit devant. Oh non…on est mal ! Je lui jette un regard à la fois blasé, dépité et résigné, le buste qui se gonfle et se dégonfle à un rythme rapide et irrégulier. Je pose mes mains sur ma taille et réfléchis à l’éventualité de faire machine arrière sans se faire prendre. Mais plus les secondes s’égrènent et moins j’y crois.

 Tu crois qu'ils iraient fouiller dans une benne à ordures ? mon regard interrogateur la sonde puis je comprends alors qu’elle parle de cette grosse benne verte près du mur. Des mouches survolent autour, de la crasse qui déborde du bord…oh putain ! ma bouche se gonfle d’air tandis que la nausée qui me gagne me fait avoir un haut le cœur. Je grimace et pleure intérieurement l’état dans lequel je vais être en entrant dans cette horreur. D’un autre côté, si c’est le seul moyen de sauver ma peau…ai-je vraiment le choix ?et moi qui ne voulais pas finir au fond d’une benne… dis-je désespérée…

Sans y réfléchir à deux fois, nous amorçons un mouvement vers la grosse boîte à ordures, mais je crois qu’il est trop tard…ils sont déjà là…

Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

On vous tient les pétasses.

Merde…cette fois, je crois qu’on est fichue…Il se met à rire fièrement à la manière d’un psychopathe tout juste sorti de l’asile psychiatrique. Je déglutis avec cette boule logée au fond de ma gorge en le voyant s’approcher. Il envoie ses larbins s’occuper de Caitlin, tandis qu’il esquisse un sourire affreusement malsain en s’empressant d’ajouter : Je m’occupe de celle-là Mon cœur, sur le point d’imploser par la peur, je fais quelques pas en arrière mais il s’avance plus déterminé que jamais à me faire payer… À nous deux sale petite garce !

Je tente une fuite sur le côté, mais en vain, il m’attrape tandis que je hurle en me débattant: Non !!!! lâchez-moi !

Reviens ici ! vocifère-t-il en me repoussant violemment en arrière, mon dos contre se heurtant ainsi contre la grosse benne.

Alors comme ça, on donne des coups de poële hein ! il achève sa phrase en m’envoyant une énorme gifle qui m’extirpe un gémissement tortueux . Sa force colossale me fait perdre l’équilibre tandis une douleur lancinante me prend au niveau de la pommette. Sonnée, je suis alors interpelée par un goût métallique désagréable dans la bouche. J’amène ma main contre ma lèvre puis remarque qu’elle s’est fendue sous la violence du coup.

ça ce n’est rien, comparé à ce qui t’attend ! je le dévisage aussi apeurée que choquée tandis qu’il revient à la charge et je hurle à plein poumons, lâchant échapper un cri déchirant.

Alors que je m’attendais à prendre d’autres coups, je me recroqueville sur moi pour protéger mon visage. Et, finalement, Caitlin a réussi à se débarrasser des deux autres car elle arrive comme éclair en lui fonçant dessus avec son dos. Ce dernier ne parvient pas à l'arrêter et s’écrase violemment contre le mur: Caitlin ! hurlai-je en accourant vers ma comparse. Je lui tends une main pour l’aider à se redresser : ça va ? demandai-je inquiète et notamment lorsque sa bouche et ses dents sont couverts de sang. Je la dévisage un peu horrifiée.

Un râle se fait tout à coup entendre. Je tourne la tête quand mes yeux océaniques, aussi apeurés que furieux se posent sur l’horrible bonhomme plié en deux, le souffle coupé par l’impact. Une évidence. Mon regard se voile puis s’assombrit, ma mâchoire se serre vigoureusement tandis que mes doigts s’enroulent et se recroquevillent dans ma paume. En ce bref moment, un élan de colère me transperce. Puis, rassemblant toutes mes forces et dans un élan de courage, je lui envoie directement mon poing en plein dans le nez. L’impact fut brutal et très douloureux. Mes yeux s’écarquillent, j’ouvre en grand la bouche aspirant une bonne bouffée d’air puis pince ardemment les lèvres, qui se closent et se pressent l’une contre l’autre pour retenir un puissant cri de douleur. Mon regard crispé se tourne vers le moustachu : ça c’est pour m’avoir frappée ! j’attrape Caitlin, par le bras et l’entraîne avec moi pour sortir de la ruelle, malheureusement, les deux autres nous attendent…

Le pari de trop

Nino & Caitlin & Bella

17 septembre 2022 – 16 h 00

— Tu peux prendre les poubelles en partant ? demande le patron alors que je m'apprête à partir. Je jette un coup d'œil à ma montre et acquiesce.

—Ouais, pas de problème. dis-je, de toute façon c'est pas vraiment ça qui va me mettre en retard. Ce soir, je ne bosse pas, j'ai des heures à rattraper depuis le soir où je me suis retrouvé en cuisine pour la première fois. Et je dois avouer que ça doit être la première fois que je me prends pas le bec avec mon patron. Du coup, ça ne me dérange pas de faire quelques efforts, parce que de son côté, il en fait aussi, finalement. Donc j'ai pas l'impression d'être pris pour un con. A demain !

Je prends les deux gros sacs poubelle que je passe sur mes épaules et me dirige tranquillement dans la ruelle où nos containers pour les poubelles se trouvent un peu plus à l'abri des regards. J'ouvre le couvercle du container d'où l'odeur nauséabonde des détritus chauffés par le soleil s'échappe d'un coup, me faisant légèrement grimacer tandis que j'y balance mes propres sacs.

Et puis c'est là que je les entends. Des cris, dans la ruelle à proximité. Mon frère m'aurait probablement dit de m'occuper de mes affaires, de filer, parce qu'un jour je vais me retrouver mêlé à un truc qui me dépasse. Mais c'est plus fort que moi, j'peux pas faire comme si je n'avais rien entendu du tout. J'avance d'un pas rapide mais prudent jusqu'au coin de la rue pour apercevoir une fille à terre, maintenue au sol que je crois identifier comme étant Caitlin, la collègue du bar. Et un autre type, qui se présente dos à moi, tenant une autre fille sans que je puisse voir son visage ni ce qu'il tient sous sa gorge. Je regarde autour de moi et ne trouve rien de mieux qu'une brique qui servait de cale à je ne sais trop quoi. Je la prends avec précaution pour ne pas faire de bruit et ne pas attirer l'attention des hommes et abandonne mon sac à dos derrière moi. Je croise le regard de Caitlin et lui intime d'un doigt sur mes lèvres de ne rien dire alors que j'avance à pas feutrés... avant d'abattre violemment la brique sur le crâne de celui qui retenait l'autre fille en otage... Je profite de la surprise pour le dégager d'un coup et colle un coup de pied dans le couteau pour l'envoyer sous une benne à ordures...

— Allez vous mettre à l'abri ! ... Bella ?? dis-je alors un peu surpris de la découvrir ici, dans une telle situation.

Mais on n'a pas vraiment le temps de parler de tout ça pour le moment : Caitlin est encore maintenue au sol, en train de se débattre.

— Lâche la, connard ! je gronde, en l'attrapant par les épaules et en l'arrachant du sol pour le coller au mur. Cassez-vous de là, avant que les flics rappliquent !

C'est du bluff, c'est vrai, je n'ai pas pris le temps de les appeler... mais eux ne le savent pas. J'éjecte le type vers le premier que j'ai un peu sonné et me place entre les filles et ces derniers... Alors que j'en suis conscient : je ne suis pas le rempart infranchissable que je voudrais être à cet instant...

Le pari de trop

Elisabeth

«On ne peut pas arrêter les vagues, mais on peut apprendre à surfer.»

Je n’ai pas le temps de jubiler pour avoir frappé cet imbécile, d’abord parce que mon poignet me fait terriblement souffrir, c’est affreux…et ensuite parce qu’il faut vite s’enfuir d’ici.

Malheureusement, tout va si vite. Les deux hommes nous barrent la route et le troisième que je pensais avoir mis K.O m’attrape violemment contre lui et menace de m’égorger en brandissant un couteau sous ma gorge. Je peux déjà sentir la lame glaciale me lacérer la peau. La douleur est fulgurante, si bien que je ne retiens pas la douleur.

Contre toute attente, un énorme bruit sourd s’abat derrière moi. L’étreinte de mon agresseur se desserre d’un coup et le voilà qui se fait violemment éjecter un peu plus loin, tout comme son couteau. Que se passe-t-il ? Allez vous mettre à l'abri ! cette voix…au même moment, je fais volte-face, ramenant ma main contre ma gorge qui commence à saigner et c’est à ce moment-là que je comprends. Bella ? s’exprime-t-il dans la stupéfaction la plus totale, tant dans le timbre de sa voix que dans ses yeux.  

Nino ? répondis-je sur la même note de stupéfaction, tant dans le timbre de ma voix que dans mes yeux.

Pas le temps pour des explications, Nino part aider Caitlin. Pendant se temps, je fais volte-face pour aller récupérer le couteau sous la benne, d’une main, tandis que l’autre, qui se couvre lentement de rouge, maintient toujours ma gorge. La blessure ne doit pas être profonde, mais c’est une partie qui saigne énormément. Le couteau en main, je me redresse pour retourner auprès de Nino et Caitlin qui visiblement se connaissent : Cassez-vous de là, avant que les flics rappliquent ! il bluff là non ? Peu importe. Pourvu que ces idiots y croient. Nino se poste devant nous pour empêcher nos ennemis d’approcher. Je dois avouer que le voir ici est un réel soulagement. Il est…toujours là quand ça ne va pas…Oh mon dieu ! s’ils s’en prennent à lui. S’ils…s’ils lui font du mal…Je m’en voudrais tellement qu’il lui arrive quelque chose par ma faute !

Dans un élan d’adrénaline, mon regard se durcit et croise celui de Caitlin. D’un signe de la tête, je lui réponds avec détermination : hors de question de fuir et d’abandonner Nino. Ma main abandonne ma gorge et l’autre brandit le couteau prête à les recevoir. Trois contre trois, ou plutôt deux maintenant, car on dirait bien que le moustachu fait de beaux rêves. Pourvus qu’ils croient à la venue imminente de la police…

Le pari de trop

Nino & Caitlin & Bella

17 septembre 2022 – 16 h 00

J'entends déjà Gabriel, à mes obsèques, dire que je suis un abruti qui aurait mieux fait de l'écouter et de pas faire de vagues. De m'occuper de mes affaires et de rester en dehors de ce qui me concerne pas, alors que Nonna et Orazio pleureraient à chaudes larmes... Est-ce qu'il me tirerait encore l'oreille, même dans un cercueil ? Est-ce que finalement, ça serait pas un peu une manière de boucler la boucle et achever de le décevoir ? Je laisserais quoi, derrière moi, de significatif, à part Lilo ? Et encore... Je ne suis pas celui dont elle a besoin, et la vie prouve bien qu'elle a très bien pu le faire sans moi, pendant ses premières années...

Pourquoi je pense à ça, là, maintenant ? Parce que j'ai beau jouer les héros, je n'en suis pas un. Et que même Gabriel s'est déjà retrouvé aux portes de la mort dans une situation similaire... Ils sont trois, disons deux si l'autre ne se relève pas... A part la surprise, je n'ai rien de plus à mon avantage... Je me dresse en rempart parce que malgré tout ce que je pense de bons sur les femmes, il y a cette injonction de protection qui est toujours là, prenant soit la voix de Nonna, soit celle de mes frères. Parce que c'est normal que ce soit moi qui prenne à leur place, après tout, et c'est pas par machisme... seulement parce que c'est dans l'ordre des choses, non ?

Je ne m'imagine pas une seule seconde livrer ce combat en me reposant sur la participation de Caitlin et encore moins celle de Bella, alors même que je ne me figure même pas comment ces trois ordures peuvent s'en prendre à elles. Il y a des règles, chez les Mannoia, des trucs parfois un peu archaïques et qui mériteraient d'être remis au goût du jour, mais lever la main sur une femme, ça... C'est plus que pécher.

Alors c'est vrai, j'me suis déjà foutu sur la tronche, avec des mecs, des fois pour moins que ça, mais j'en reste pas moins conscient du danger qu'ils représentent là, maintenant. Et du coin de l'œil, ça ne m'a pas échappé, j'ai bien vu du sang autour du cou de Bella et ça m'alarme... Je dissuade les mecs, je joue la carte du bluff et miraculeusement, Dio, grazzie, elle fonctionne. Je retiens un profond soupire alors qu'ils déguerpissent, attendant qu'ils soient loin pour le laisser s'échapper. Mon regard mauvais cependant ne les quitte pas une fois. Je note mentalement que je devrais peut-être en parler à mon frère...

Je me tourne vers les filles et leur demande comment elles vont, toutes les deux.

— Ça va ? Putain... heureusement qu'ils ont marché, j'ai appelé personne... C'est qui ces mecs, bordel ? Pourquoi ils s'en s'ont pris à vous ? dis-je, en essayant de comprendre, cherchant alternativement le regard de Caitlin puis celui de Bella avant d'écarquiller les yeux.

— Bella ? Oh merde... dis-je en voyant le sang et me sentant immédiatement coupable : c'est forcément de ma faute, j'ai agi trop tard ou bien c'est en assommant son agresseur qu'elle a été blessée.

Je l'attrape par la main et ne lui laisse pas vraiment d'alternative quand je lui annonce :

— J't'emmène aux urgences.

Elle proteste un peu trop vivement pour que je ne prenne pas son inquiétude au sérieux alors je finis par céder en imposant toutefois de les raccompagner chez elles.