Je me sens bien et j’ai l’impression que ça va durer pour toujours. J’aimerais que ça dure éternellement. C’est comme si soudainement, j’ai compris qu’il était temps de commencer quelque chose de nouveau et faire confiances aux nouvelles choses. Pour la première fois de ma vie, j’ai envie de sortir, de sourire, de rigoler, de profiter, de faire tellement de choses, de rattraper le temps perdu, de pouvoir toucher la lune et observer le soleil, je veux que le soleil touche ma peau et qu’il brûle mon épiderme, que la chaleur réchauffe mes maux intérieurs, la lumière à fait table rase sur les ténèbres, j’ai presque envie de faire les choses mieux, je suis soulevé par un élan de surpuissance, d’euphorie, de joie, de bien-être. Je me sens respirer, vivre, que j’ai envie de faire demi-tour. Je veux rentrer chez moi, j’ai plus besoin de venir ici et gaspiller mon argent ici.

Mon myocarde tremble dans ma poitrine pendant que je regarde le grand édifice, hésitant, je sais que je n’ai pas le choix d’y aller, parce que je vais bientôt manquer d’Oxycodone, ils vont probablement me faire tout de même la dialyse par précaution.
Mes pas suivent, ignorant mes sombres désirs de fuir, j’arpente les couloirs blanc et terne de l’hôpital, qu’est-ce que je déteste cet endroit, cela me rappelle bien trop de mauvais souvenir et je préfère éviter le plus possible de prendre à nouveau les mêmes couloirs.
J’arrive doucement auprès de l’accueil ou une infirmière me guide jusqu’à mon box où je suis censé attendre le médecin qui ne devrait pas tarder à venir selon ses dires.
La femme s’éloigne, me laissant seul dans mon box.

Allongé sur la table d’auscultation, mes yeux sont rivés sur le plafond sous lequel ces lampes et ampoules blanches pétantes me crament la rétine. Le faisceau blanc est puissant et j’ai encore du mal à comprendre pourquoi ils ne mettent pas quelque chose de plus agréable pour ceux qui s’installent en dessous. Je lâche un soupire nasal, je ne sais pas ce qui est le pire parmi tout ça, l’attente, le traitement, les questionnements du médecin, l’attente de l’ordonnance et pouvoir être libéré du cathéter par l’infirmière, la meilleure partie reste bien ; rentrer dans ma voiture et filer aux larges.
Je sais que je vais devoir mentir pour avoir ma dose d’Oxycodone, s’il voit que je suis bien, jamais il ne me fera de prescription et j’en ai terriblement besoin.

Alors que la porte s’ouvre, mes yeux se posent sur la jolie femme qui entre. Je ne savais pas qu’aujourd’hui ça serait une femme, mais ça ne me déplaît aucunement, elle est plutôt pas mal quoiqu’un peu jeune pour moi. D’ailleurs… Elle n'est pas un peu jeune pour être médecin ? C’est sûrement une interne. Je reste dans ma position pendant que celle-ci entre dans la salle d’examen, ses futures questions sur ma santé générale me fatigue d’avance, mais je ne peux retenir un sourire sur mes lèvres.
Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment, je me sens tellement bien, je me sens presque heureux, tout est à porter de mes mains. Mais si je continue à sourire comme ça, c’est clair que je vais pouvoir dire au revoir à mon ordonnance.

Pourquoi je souris comme ça moi ? J’ai l’air débile, mais en même temps… Je me sens tellement bien ! Je pourrais monter sans problème la montagne la plus dangereuse du monde, en grimpant l’Annapurna 1 ou encore le K2, je la monte sans problème, sans oxygène et sans entraînement… À moi le sommet ! Bon… Je vais peut-être me détendre un peu parce qu’à ce rythme-là, ces blouses blanches ne me fileront jamais ma belle ordonnance.
Telle une pièce de théâtre, je jouerai le rôle du parfait malade, souffrant, à l’agonie, il y a cette petite chose en moi qui me souffle de reprendre une autre gélule par-dessus celle que j’ai pris, les soirs sont terribles, bien qu’elles sachent me calmer, je me réveille en douleurs et en sueur, pour devoir prendre cette merveille qui me soulage dans la demi-heure, un médicament n’a jamais aussi bien fonctionné que l’Oxycontin, si j’avais su… Oui, si j’avais su, j’aurais commencé bien plus tôt à prendre ces douces choses qui me procurent vraiment de bien-être.

Et toi, la petite brune, toi aussi t’as l’impression que ces lumières scintillent ? Le blanc est électrisant, comme si des particules se propageaient autour d’elle, cette lumière efface la part d’ombre qui m’écrase depuis si longtemps, le voile se lève enfin et me montre toutes mes erreurs commises, j’ai besoin d’avance et de laisser derrière toutes ces mauvaises choses, je ne pourrais éternellement éviter ce que j’évite. Je vis une réelle métamorphose, un matin, je me suis levée et j’avais enfin compris, que dans le silence avait été trop lourd a porté, je me suis trop laissé aller et tout ça, c'est terminé…

 « Wow…. »

T’as l’air si jeune putain, ils recrutent les médecins au bac à sable maintenant ? Tu es plutôt jolie. Je me demande t’as quel âge, même si jamais freiner jusqu’à maintenant, mes yeux te détaillent discrètement, je crois que j’aimerais bien enlever cette blouse qui épouse tes formes presque parfaitement. Mais…. Je crois que j’en fais un peu trop, tu remarques que je suis ravi, je ravale mon sourire et m’enfonce sur la table d’auscultation pour me faire un peu plus petit. C’est dur de ne pas sourire quand on se sent si bien dans sa vie, je crois me souvenir de la chanson, il en faut peu pour être heureux, oui vraiment très peu pour être heureux… Désormais, quand je regarde ma vie, je crois que le livre de la jungle avait plutôt raison, mes pupilles glissent sur ta carte clippée à ta blouse blanche, il y a ton nom d’inscrit dessus, déjà docteur ?
Eh bah… je n'ai peut-être pas pris la bonne filière, là, c'est sûr que je n'aurais pas manqué d’argent ! Au final, ça serait une très mauvaise chose, car je sais très bien que ça aurait été trop tentant de draguer mes patients ou encore mes confrères.

 « Bonjour Docteur Williams. Vraiment ravi de faire votre connaissance. Je suis ravi de pouvoir constater que nous avons… de ...très bons médecins dans cet hôpital. Il était d’ailleurs temps que l’on me donne un rendez-vous, il y a quelques précisions que je dois vous donner... »

Ta proximité me fait sourire au coin, je crois que ce bien-être est bien trop puissant pour que je le cache, mais je vais avoir le choix de remballer tout ça dans mon sac, ces docteurs sont vraiment de plus en plus jolis, je ne dirais pas non pour une auscultation poussée… Je hoche lentement la tête quand tu commences à m’expliquer que tu vas t’occuper de moi ce matin, aucun problème… Je peux occuper tout ton planning si tu le désires, je serai vraiment pas pénible, tu verras…

 « Oui, vous pouvez, mais faites attention, c’est un peu sensible sur l’hypocondre gauche. »

Ma main glisse sur le bas de mon t-shirt et le soulève pour le remonter au niveau de mon torse, depuis le temps que je viens ici, vous avez que mon abdomen est assez sensible et que même si l’Oxycontin me soulage, j’ignore si les douleurs internes soient réellement parti, je prends une inspiration, au pire des cas même si ça me fait pas mal, je prétendrai que la douleur est intolérable, quitte à faire autant jouer le jeu jusqu’à la fin.

Elle est belle, délicieusement jolie, la lumière la met en valeur comme si elle était le Saint-Esprit, ses cheveux d’or bouclés, rebondissent sur ses épaules, on dirait un mannequin tout droit sortie de Victoria’s Secret. Ne me demandez pas comment je connais ça… Suivie du halo de clarté, elle est rayonnante, mise en valeur parfaitement, j’ai l’impression de voir une femme pour la première fois ou… peut-être que je délire.
Mes yeux pétillent devant les tiens, quand je t’admire et je me joue certains scénarios intérieurement, mais je me sens tellement bien, que je pourrais m’y brûler et laisser mes ailes sur place, as-tu toi aussi cette sensation de chaleur ? Elle est si agréable… si… intense… si… vivifiante.

Avec ou sans blouse blanche, je suis sûr que… tu m’aurais fait le même effet et qu’il m’en faut peu pour non, j’ai eu beaucoup d’aventure et de mésaventure avec la gent féminine, je n’ai pas de quoi être fier, je ne suis pas stable côté cœur, la stabilité n’a pas de place chez moi, je m’amuse pour dire de profiter de ce qu’il me reste à vivre le temps que je suis encore là, mais toi, de mon point de vue, tu as l’air si fragile, comme une poupée de porcelaine que j’ai peur de te briser entre mes doigts, ta beauté est vraiment ta particularité.

 « Le soir… Quand je prends la gélule pour aller me coucher, ça me calme, mais je me réveille en sueur en pleine nuit, avec des douleurs vraiment prenante… Je… J’aimerais augmenter la dose pour que ça ne me réveille pas constamment. Mais globalement, je dirais que ça réduit les douleurs, mais sur un court terme. » Bon... ce n'est pas totalement faux étant donné que je me réveille brusquement dans la nuit en ce moment et que c'est vraiment très douloureux.

Je souris au coin que j’entends que tu es doté d’une douceur extrême, ta main… douce main, ton épiderme bouillant réchauffe ma peau agréablement sous le geste de tes… caresses ? Je dois avouer, tu ne me fais pas mal, j’appréhendais la douleur, bien que ta main se trouve bien plus haute que prévu et que mes reins ne se trouvent nullement à cet endroit, je n’en prends pas compte étant donné que j’ai l’esprit ailleurs, je te laisse m’ausculter mon diaphragme, malgré ma légère maigreur, j’ai encore une certaine musculature que j’ai gardée et qui se dessine sous tes yeux.
Comment décrire la sensation que tu me procures ? C’est comme si tes doigts caressaient mon âme et venait la rassurer que tout irait bien, elle est si chaleur et si chaleureuse, ta main transperce ma peau est guérie mes maux, tu fais partir ce qu’il y a de mauvais et que tu le remplaçais par quelque chose d’agréable, je respire et prends une bouffée d’air comme si j’avais besoin d’oxygène pour m’aider à vivre le moment présent qui s’offre à moi, le tourbillon de lumière pétille dans mes yeux pendant que je fais glisser mes iris sur toi, pour t’encourage à continuer, je ne sais pas ce que tu me fais mais… tu n’as pas idée du bien-être et de la sensation que ça me fait, je voudrais que tu recommences encore et encore… s’il te plaît, ne t’arrêtes pas… Continue dans ta lancée.

Nos yeux se croisent et se rencontrent pour s’y fondre ensemble l’espace d’un instant, non ce n’est pas douloureux, absolument pas même et plus, tu descends plus j'ai envie de te dire de continuer dans ta lancée, je prends une inspiration pour m’aider à mentir, bien sûr que tu me fais du bien par-dessus tout ça, mais… j’ai besoin de cette ordonnance, donc je vais prétendre que j’ai mal, même si je ne pense que je serai vraiment convainquant vu ce que tu me fais.

 « C’est douloureux... »

Je fais un petit oui de la tête quand tes doigts descendent, j’ai mille et un frissons qui se déplacent à travers mon corps, tu peux les voir prendre forme, je ne sais pas ce qu’il m’arrive mais… je crois que je me sens vraiment bien et que c’est la première fois que quelqu’un me fait autant de bien rien qu’en touchant ma peau de cette façon.

 « Oui, Docteur... »

Tes mains sont douces, tes doigts sont fin et chaud. La chaleur fait comme un effet de baume réconfortante, je ne sais pas comment tu fais mais continuer ce que tu as commencé. Dans ce bien être, je me retrouve à m’en aller dans mes pensées, tout en restant à l’affût de ce que tu pourrais me dire.
Certains jours, j’aimerais retourner en arrière, pas pour changer quelque chose, mais pour faire en sorte de ressentir les choses, comme je les ressens actuellement.
Certains jours, j’aimerais pouvoir garder ce sourire idiot que je porte depuis que j’ai début l’Oxycontin.
Certains jours, j’aimerais que tout soit aussi facile qu’aujourd’hui.
Certains jours, j’aimerais que tout dur éternellement.
Certains jours, je voudrai ne pas être confus, blessé, ou encore stressé, juste bien.
Certains jours, je voudrais effacer ce faux sourire que je arpente quotidiennement, et que tout le monde me croit enfin.
Certains jours, je me demande si on m’entendra, si un jour je reviens pas.

Je prends conscience que cette putain de maladie m’a gâché tellement de chose, j’aimerais boire, prendre ma valise et voyager jusqu’au bout de la nuit.
Quelques bagages en soute, comme une idée claire je veux effacer et apprécier le goût de la vie. Rentrer à l’aube suite à une nuit endiablée par l’ivresse, la première gueule de bois dans les bus où tout le monde pourrait me remarquer. Parler fort, rien de bien méchant.
Posséder des nuages indolores, aller taffer, avoir de l’empathie pour les gens.
Mais je suis condamné à me planter les reins.

Tu es le soleil et je suis aveugle. Tu es aussi aveuglante que la lumière du plafond, j’essaye de retrouver pied dans ces pensées qui m’emmène dans cet état plus qu’euphorique. Il faut absolument que je me reprenne. Je cligne des yeux comme pour me faire revenir à la raison. J’ignore comment je fais pour taire cette émotion qui était belle et bien inexistante pendant tant d’années.
Je croise tes beaux yeux, si ça tenait qu’à moi, je t’enlèverai ta blouse. Mais… ça ne tient pas qu’à moi.
Mes pensées deviennent sombrement non-catholique, j’essaye de les chasser tant bien que mal mais tu n’aides pas réellement à les repousser au contraire tu les fais grandir d’avantage.

J’en ai rien à foutre d’augmenter la dose ma jolie, j’ai juste besoin d’une ordonnance ou plusieurs… J’ai besoin de ce médicament autant que j’ai besoin d’oxygène pour vivre et respirer, sans cette merde, je ne suis plus rien. J’en veux et je… Je sens une pointe de nervosité, que j’arrive à chasser rapidement. C’est normal… Je veux dire, je suis stressé, j’ai peur que mon histoire ne prenne pas et que je ressorte bredouille d’ici les mains dans les poches. Je me pince la joue intérieurement, pendant que mon regard est toujours rivé sur toi.

 « Il me calme la douleur mais pas entièrement. Et si je prenais une gélule en plus ? Pour être sur que ça ne me réveille pas le soir. Vous avez pas idée des nuits de merde que je passe. Désolé du vilain mot Doc’. »

Tes mains continuent de se balader sur moi, tes doigts effleurent mon flanc gauche. Bon ça fait un petit peu mal, mais je te pardonne parce que t’as vraiment des doigts de fées.
Je viens prendre ta main et la fait glisser à mon flanc gauche pour que tu vois la région où j’ai vraiment mal. Je forme un sourire idiot sur mes lèvres, ta main est toute petite dans la mienne, ta peau est lisse. T’as pas fait de sale boulot, ça se voit. Pas d’alliance hein ?
Un petit bracelet au poignet, je remarque rien d’autre.

 « Juste ici… Docteur Williams »

Je sépare mes doigts de ta main quand je vois que tu recules, maintenant qu’elle m’a mise en boîte, elle veut se barrer ? Je la regarde un peu perplexe. Tes yeux ont l’air inquiet, je comprends pas. Tout se passait bien jusqu’à maintenant, je ne pense pas avoir dit quelque chose de trop bizarre, j’ai attrapé la perche que tu me tendais. Mes pupilles suivent ce que tu regardes, un autre médecin se tient debout face à nous deux.

 « Wow ! Deux docteurs pour le prix d’un ! Je suis vraiment chanceux aujourd’hui. Ko-va-lski ? C’est pas américain ça ? »

Comment on prononce son nom de famille ? Ah, non, mais je préfère la brune moi ! Pourquoi il est là lui ? Il peut pas partir sérieusement ? Je suis un peu blasé, moi qui voulait passer du bon temps, voilà que c’est fichu en l’air !
Alors que vous papoter ensemble, je fais une moue.

 « Non, moi je la veux elle. On a déjà commencer en plus… »
Et elle est déjà partie, quelle dommage. Je souffle un peu en regardant le nouveau médecin, il a pas intérêt à me peloter celui-là.