Livia & Selena

Yeah, some days, I just wanna leave the negativity in my head.
I just want relief from my stress.
My stress - NF

Les nuages grisâtres envahissent le ciel de Miami, les gouttes de pluie perlent sur le goudron humide, l’odeur de pluie douce et musquée, l’humidité se fait ressentir, la température est fraîche. J’observe la pluie s’écraser fortement sur la vitre du bureau dans lequel je me trouve, seule et assise sur le fauteuil face au bureau vide, je me mords la lèvre intérieurement. Seule, les claquements des aiguilles de l’horloge m’accompagnent dans l’attente que mon chef de service pousse la porte. J’ignore encore pourquoi il a demandé à me voir, mais je reste assise à bouger nerveusement l’une de mes jambes, le myocarde rapide, j’imagine un peu le pire.

Les minutes sont longues, quand finalement la femme arrive à nouveau pour prendre place en face de moi et pose ses deux mains sur le bureau, elle me regarde et me donne un léger sourire. Celle-ci se racle la gorge et prend la parole.

《 Désolée de l’attente, comment allez-vous Selena ? 》
《 Je vais bien, merci, pourquoi est-ce que je suis ici ? 》
《 Ne vous en faites pas, rien de grave, j’avais juste une proposition à vous faire. 》
《 Je vous écoute. 》
《 Cela va faire bientôt deux ans que vous êtes avec nous, vous êtes toujours dans le même service, on voulait savoir si un potentiel changement de service pourrait vous intéresser ?  》
《 Je… Je ne sais pas vraiment, j’imagine que oui. 》
《 Une de nos infirmières est partie, elle a déménagé et le médecin en chef se retrouve un peu… sur la sellette. On aurait besoin de quelqu’un, assez rapidement. 》
《 Et… ça serait pour quand exactement ? 》
《 Le plus tôt possible, vous pouvez l’intégrer dès cette après-midi, les autres infirmières vous expliqueront. C’est en médecine générale. 》
《 Je veux bien. J’y serais. Merci beaucoup pour l’opportunité. 》
《 Le plus tôt possible, vous pouvez l’intégrer dès cette après-midi, les autres infirmières vous expliqueront. C’est en médecine générale. 》
《 Je vous libère, vous pouvez aller prendre une pause repas avec les autres. 》
《 Merci. 》

Alors que je quitte le bureau avec un sourire fin sur mes lèvres, je suis plutôt ravie de pouvoir travailler dans le même service de Livia, je lève ma main pour observer la montre que j’ai au poignet et remarque que j’ai encore un peu de temps pour aller prendre mon repas avec ma meilleure amie.
Une fois arrivé à la cantine, j’attrape un plateau et pose dessus une petite assiette et un désert placé entre mes couverts, je te cherche du regard et affiche un plus grand sourire quand je t’aperçois dans une table un peu plus au fond. Je me dépêche et arrive à ta hauteur et pose mon plateau en me retenant un peu de sauter au plafond.

《 Désolée, je suis en retard pour manger... 》 J’essaye d’extérioriser ce que ces retards me procuraient à l’épaule, je me mords la lèvre inférieure pour penser à autre chose. Mon anxiété et mon stress et tellement visible, que ça voit directement sur ma tête, tu sais à quel point j’ai du mal sur les horaires de passage à table, même si tu ne sais pas encore les raisons que me pousse à être pénible, tu dois me prendre pour une fille stricte, mais la vérité c’est que même après tout ça, j’ai encore peur qu’on me tombe sur le coin de la tête pour venir me sanctionner, car ce n’est plus l’heure du repas, je laisse échapper un souffle entre mes fines lèvres, tout en posant mes yeux sur ton visage et te souris tendrement.

《 Tu ne devineras jamais… J’étais dans le bureau de la chef de service et... dévine Liv' ! 》

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– Best friend is all the therapy you need
Clap. La bulle de mon chewing-gum éclate un peu plus fort que d’habitude me valant le regard réprobateur de la vieille assise un peu plus loin. Les yeux écarquillés, je m’arrête de tournoyer sur ma chaise puis jette quelques œillades innocentes autour. La gamine au fond sur la gauche ne semble pas y avoir prêté attention, trop occupée à habiller sa poupée pendant que sa mère elle, sourit niaisement devant l’écran de son téléphone. Plus loin, un jeune en train de taper la meilleure sieste de sa vie, avec, à sa droite, une nana, sans doute sa copine, agitant la tête au rythme de ce qui braille dans ses écouteurs. Nope, personne ne m’a remarquée hormis ce vieux fossile édenté qui ne me lâche pas des yeux. J’arque un sourcil en la fixant : Quoi? outrée de ma désinvolture, elle lève les yeux aux ciel en m’insultant dans sa tête avec mille et une expressions du Moyen-Âge, puis me tourne le dos.

Tss! je me penche en avant pour m’accouder contre mon bureau mais mon coude forcément manque de près la surface et se laisse choir dans le vide. Ce mouvement vif et brutal m’entraîne en avant et la conne que je suis manque tomber. Heureusement je me rattrape de justesse avec mon autre main et empêche ainsi l’humiliation. Je me redresse comme un piqué sur ma chaise et guette les alentours pour vérifier que personne n’ait assisté à ce fiasco.

Pas de témoin. Voilà une bonne chose.

Lina. Oh non. Voilà maintenant la racoleuse aux gros tétés ! Je relève la tête et la vois arriver avec ses deux gros obus en évidence. Et en plus elle prononce mal mon prénom…

J’esquisse un sourire hypocrite: C’est Livia.

Abygaëlle agite sa main en levant les yeux au ciel avec prétention : Ouai. Peu importe. Tu peux aller déjeuner. Je prends la relève. Je lui jette un regard haineux pendant qu’elle zieute son téléphone. D’ailleurs, je récupère le mien et fuit aussi vite que possible loin de cette chienne en chaleur. J’ai la flemme d’attendre l’ascenseur alors je passe par les escaliers pour descendre au rez-de-chaussée et m’installe à une table de la cafette.

Ma petite Selena ne tarde pas à me rejoindre avec son plateau déjà garni :  Désolée, je suis en retard pour manger...

Les jambes croisées, accoudée sur la table, la tête apposée contre mes mains, je la regarde avec un sourire chaleureux : T’inquiète je viens d’arriver. Alors qu’elle s’installe, je remarque qu’elle est fatiguée et semble soucieuse. Depuis que je la connais, elle a toujours été anxieuse. Je sais qu’elle travaille dur. J’essaie de faire ce que je peux pour lui changer les idées mais souvent la réalité la rattrape. Elle m’esquisse un sourire avec douceur : Tu ne devineras jamais… J’étais dans le bureau de la chef de service et... dévine Liv' ! 

Oh ! Elle a piqué ma curiosité. Humm quelque chose me dit que c’est plutôt une bonne nouvelle vu ce sourire! j’humecte mes lèvres. Laisse-moi deviner. Je fais mine de réfléchir. T’as enfin couché avec Kovalski? dis-je pour la taquiner. Allez dis moi. Je veux tous les détails !

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 Livia & Selena

Yeah, some days, I just wanna leave the negativity in my head.
I just want relief from my stress.
My stress - NF

Non, tu ne comprends pas Livia, on est EN RETARD pour manger ? Tu ne sais pas ce que ça veut dire, les jeunes filles n’ont pas le droit d’être en retard pour le repas, sinon, elles finissent – ah oui… Cette période est terminé, bien qu’elle m’angoisse encore, quand je m’assois sur cette table, je m’attends à ce que papa apparaisse de nulle part pour me discipliner, le retard est un vilain défaut, disait-il avec froideur. Si je n’étais pas sur ma chaise à l’heure précise, ou que maman ne posait pas son plat à l’heure précise, les bras collés à la table, ou il disait les bénédicités du Seigneur, ensuite, silence.

« Honte à ceux qui arrivent en retard, excusez-la, elle ne sait pas ce que c’est, une enfant stupide, volatile, son jugement est altéré. Elle répondra à la punition qu’elle mérite après le repas en attendant... Bénissez-nous, Seigneur, bénissez ce repas, ceux qui l'ont préparé, et procurez du pain à ceux qui n'en ont pas ! Ainsi soit-il !
Les jeunes filles n’ont pas le droit d’être en retard, tu devrais avoir honte – où  étais-tu passé ? Non – Tais-toi, je ne veux pas savoir, puisque tu es en retard, que ça te serve de leçon, tu ne mangeras point ce soir.»
« La privée de manger ? C’est vraiment nécessaire ? Je crois que ..---»
« J’aimerais bien que vous arrêtiez de me manquer de respect – elle doit apprendre l’éducation, tu as mal élevé ta fille – regarde ce qu’elle est devenue – une jeune fille mal élevée, qui n’a aucune conscience du devoir, des responsabilités…
Je n’ose imaginer ce que les voisins doivent imaginer de nous, on a une bonne réputation et ...- »
« Elle était aux toilettes ! ---»
« Je n'en ai rien à faire ! L’heure, c'est l’heure, les toilettes ça peut attendre. Comment elle fera plus tard ? Si elle sait pas respecter un cadran avec des aiguilles ?»

J’ai mal au ventre et j’ai ce qu’on appelle des problèmes de filles, son visage est si dur, que je me rappelle encore, trait pour trait, de chaque expression, de l’intonation. Les yeux humides, je regarde mes deux parents, ma fourchette tremble dans ma main droite pendant qu’il pose son regard observateur et pleine de méchanceté dans le mien.

« Va dans ta chambre. Tu mangeras demain, imprime ça dans ton putain de crâne.
7h30 – 12h00 – 19h00. »

J’ai eu faim toute la nuit et j’ai aussi sangloté dans ce lit, mal à l’aise par ce que maman m’a dit de prendre pour calmer ces douleurs puissantes et qui me faisait visiblement perdre tout le sang de mon corps.

Quelle heure est-il ? Je lève les yeux sur l’horloge murale, 12h15. J’essaye de pas penser, mais c’est plus fort que moi, ça revient sans cesse en tête, comme si c’était là pour aussi me punir de pas continuer ce qu’on m’avait appris depuis ma naissance, j’ai vécu dix-sept années avec des règles dans une maison presque moyenâgeuse, où l’image de la femme était ternie par un homme qui devait leur donner des ordres – l’obéissance, la vertu, la discipline, tout ça dirigé par l’homme de la maison, c’était humiliant, quotidiennement, le rabaissement, les coups, les insultes, le mauvais traitement, les punitions.
Je respire longuement, je prends sur moi pour pas faire une crise d’angoisse comme j’en ai l’habitude de faire – tu ne sais pas que j’en fais et je préfère éviter que ça soit le cas, j’ai honte ! C’est vrai qu’il y a beaucoup de chose que tu ignores de moi, entre mon passé et ces crises d’angoisses, ce n'est pas facile de prendre sur moi et je dois parfois aller dehors pour essayer de me reprendre quand les crises sont trop importantes.

《 Mais… On est en retard Livia. 》

Je viens piquer un concombre avec ma fourchette et croque avec mes dents, je te regarde pendant que tu essayes de deviner ce que m’a annoncé la responsable de l’unité des infirmières, cette pensée me fait de nouveau sourire, comme si mes mauvaises pensées avaient été chassées d’un coup, grâce à toi, tu me fais rire, je tire sur les grandes manches de ma blouse durant que j’imagine le docteur Kovalski, c’est exact qu’il est charmant, mais on va se mentir, je pense qu’il a mieux à faire que de coucher avec moi.

《 Il s’en foutre de moi ! Et même si j’avais couché avec lui… Je te le dirai pas ! Tu serais capable de faire tourner l’informatation dans tous les étages avec ta patate ! 》 Je hoche la tête quand je pense à la bonne nouvelle, un changement de service me fera extrêmement de bien.
《 Je changer de service, on va travailler ensemblèrent! 》

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