Du haut de ses presque deux mètres, Vladimir est un homme qui ne baisse habituellement les yeux, sinon pour trouver ceux de son interlocuteur. Il est sans doute bien difficile d'imaginer cette montagne avoir peur, pourtant, pour l'heure, Vladimir transpire de crainte. J'ai cessé mes activités à mon bureau dès le moment où il a franchi ma porte avec cet air penaud de celui qui sait que le courroux ne tardera pas à s'abattre. Et dès lors que j'aperçois ses traits tracassés, je sais que ce qu'il va m'annoncer va me déplaire. Je me redresse dans mon fauteuil et joins mes mains gantées, relevant le menton, les lèvres pincées, le toisant de haut quand je dois pourtant lever les yeux pour trouver les siens.

▬ Il me semblait avoir été clair... dis-je d'un ton passablement agacé. J'ai mandaté Vladimir pour qu'il assure une surveillance de Jill quand cette dernière a décidé de quitter la villa pour retourner à son appartement. Bien entendu, c'était sans préavis ni consentement. Vladimir était son ombre et mes yeux. Discret et vigilant, il doit assurer sa sécurité et me rendre compte des journées de mon renard, que je suis censé relâcher de sa sécurisante captivité sans craindre qu'elle ne m'échappe à jamais.

Nous gardons un contact permanent. Des échanges téléphoniques parfois silencieux ou peu loquaces. Mais je ne peux me contenter de ces quelques rares nouvelles qu'elle veut bien me donner. Pas maintenant qu'elle est mienne. Ce n'est pas en elle, que je n'ai pas confiance. Je sais que ma méfiance perpétuelle l'exaspère au moins autant que sa témérité irréfléchie me dépasse...

Alors, oui, Vladimir désertant son poste ne me dit rien qui vaille. Mon regard sévère et circonspect ne lâche pas celui fuyant du russe qui peine visiblement à choisir ses mots. Il m'apparait que cet idiot s'est fait démasquer et que bientôt, je recevrai un appel incendiaire de celle qui m'appartient.

▬ Je vous avais dit de rester discret.

Il passe une main inconfortable dans sa nuque et sur son visage en sueur, marmonnant de vaines paroles dans sa langue natale. Je sais, alors. Cela m'apparait comme une évidence.

▬ Où est-elle ?

▬ J'étais en bas, Monsieur Novák, en bas de chez elle, je pas quitter la voiturrre ! J'ai vu lui rrrentrer, mais pas eux rrressorrrtirrr !

Quel est ce pincement ?

▬ Où. Est-elle ? je répète, en articulant, fronçant les sourcils, mon regard acéré ne laissant aucun échappatoire au sien.

▬ Je... Je tourner la tête seulement quelques secondes, da ? Police demander papiers de véhicule !

Plus il parle, plus il évite le moment fatidique de me répondre et plus je peux sentir mon sang bouillir dans mes veines. Mon poing s'abat impatiemment sur la surface boisée de mon bureau alors que je me redresse sur mes jambes en aboyant furieusement :

▬ OU EST-ELLE ?!

▬ Je ne sais pas... Je ne sais pas, Monsieur Novák...

Alors que je le fusille du regard, ma main vient chercher mon téléphone pour composer le numéro de Jill. Plusieurs fois. En vain. Je lâche brusquement mon cellulaire, au profit de ma canne, passant une main dans mes cheveux avant de frapper, sans prévenir, Vladimir au visage avec son pommeau. Je l'agrippe par le col, ce dernier se retrouvant avec la lame de mon poignard sous la gorge. Hans a bougé, imperceptiblement, au fond de la pièce, mais reste docilement en dehors de ça. Et il fait bien, car je suis trop aveuglé pour faire preuve de discernement...

▬ Qui !? Avec qui était-elle ?!

▬ Attendez, attendez, c'est...! L'homme qui venirrr soigner, da ? Larrry, Larrry, son prrrénom, c'est Larrry !

Le prénom prononcé s'attire toute ma répulsion. Larry Johnson, l'infirmier qui gravite et tourne autour de Jill. Que faisait-il chez elle ? Mes dents émettent un grincement sourd tant je serre les mâchoires et ce n'est que lorsque j'entends la tonalité de mon téléphone que je consens à relâcher Vladimir dont le front laisse ruisseler un liquide carmin. Je discipline mes cheveux d'un passage de main dans ces derniers avant de lire le message reçu. Je suis contrarié. Plus que cela, même. Un numéro inconnu me contacte en me servant la véritable identité de Jill... D'un geste d'humeur, d'un revers de bras, je renverse tout ce qui se trouve méticuleusement posé sur mon bureau. Furieux, j'attrape de nouveau Vladimir, par la gorge cette fois, serrant sans en jauger la force :

▬ Retrouve-la ! RETROUVE LES TOUS LES DEUX !

Puis après avoir récupéré mon arme, dans mon tiroir, je fais signe à Hans de me suivre...


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