Nevar

Jill

« Personne ne blesse mieux qu'un homme. Personne ne se venge mieux qu'une femme. »

Donne-moi quelque chose de fort s’il te plait… que je demande presque suppliante au serveur qui se fait appeler Elijah.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi. J’arpente ces couloirs maudits depuis bien trop longtemps, tout comme cette stupide vie mensongère que j’ai épousée pour une mission qui n’en voit pas la fin et qui me semble compromis depuis que j’ai pactisé avec l’ennemi. Je n’ai plus les idées claires. Je me suis mis à apprécier tout ce que je suis sensé mépriser, à commencer par lui…

Depuis un certain moment déjà, je fais ces rêves étranges où, enfiévrée par nos fougueux baisers, je frémis sous l’impétuosité de ses mains aventureuses, la tête en arrière, au bord du vertige, je me laisse posséder par l’exquise volupté de nos deux corps enlacés. Puis, j’en soupire, exaltée, j’en soupire, déchaînée, j’en soupire excitée, et je me réveille brusquement, seule dans mes draps mouillés, haletante, brûlante et transpirante. Comment ? Pourquoi ? Je n’aime pas ça...Quand il est là, qu’il se tient tout près, lorsque son regard se plante impétueusement dans le mien pour me tenir tête, je perds pied, je me languis malgré moi de ses lèvres, de sa chair…et je me maudis de cette avidité criminelle, de cette soif meurtrière, parce qu’elles me consument toute entière. Je voudrais gommer ces faux souvenirs, chasser ce poison qui pervertit mon esprit et obscurcit mon jugement. Malheureusement, il est l’objet d’un désir qui ne cesse de croître à mesure que je l’étouffe sous de faux semblant : insolence, provocation, indifférence, je m’efforce de le tenir à distance. Et pourtant ce soir, je sais qu’il est là. Il est toujours là et toujours ses prunelles s’attardent sur moi, et toujours je faiblis.

Il y a soudain comme un silence inhabituel dans la salle. Le regard tendu de la clientèle me laisse présager un danger imminent. Quelque chose ne va pas. Je me retourne discrètement et découvre un visage familier qu’il me tardait de revoir. Milo. Et lourdement accompagné. Je plisse un instant les yeux avec méfiance, car je sais que bientôt ça tournera au vinaigre.

Oswald ! T’es un homme mort ! qu’il braille en brandissant un couteau. Instinctivement, mon regard revient à Oswald et s’y attarde un petit moment. J’ignore pourquoi l’idée qu’il soit en danger me contrarie, mais je suis très vite interpelée par le bruit répété de canons qui se chargent en même temps. Mise en alerte, je jette une brève œillade inquiète derrière moi, découvrant le nombre incalculable d’armes braquées sur moi. Sans réfléchir plus longtemps et avec la plus grande agilité d’un agent, je passe au-dessus du comptoir du bar et entraine le serveur avec moi sur le sol quand éclate l’orage et que fuse une pluie de balles. Couchée sur Elijah, je bascule sur le côté pour le laisser se redresser. Ce dernier, inquiet, me demande si je suis touchée : Non. Je vais bien. Merci. Et vous, est ce que ça va ? demandai-je en posant une main sur son épaule.

Une balle venant s’échouer sur une bouteille qui éclate au-dessus de nous, nous force à nous recroqueviller davantage et à baiser la tête pour nous protéger des éclats de verre. Je connais cet enfoiré, lâchai-je irritée, il m’a piqué mon téléphone. Il ne paie rien pour attendre ! j’humecte mes lèvres et dévisage le jeune serveur. Je viens me saisir de mon arme de poing qu’Oswald m’autorise à porter dans l’enceinte du Raven et observe de nouveau mon compagnon de route : Vous avez une arme ? quelque chose pour vous défendre ?

Et tout à coup, j’ai l’affreuse sensation d’être foudroyée d’inquiétude. Je le cherche à nouveau. Et à mesure que les secondes s’égrènent je sens cette grosse bulle d’air qui m’oppresse la poitrine, me noue la gorge et me tord l’estomac tandis que la pluie ne semble guère s’être arrêtée. Lors d’une courte accalmie, le voilà qui apparait enfin dans mon sillage. Je n’arrive pas à expliquer. Je n’arrive pas à comprendre et je ne veux rien savoir. Je voudrais faire taire ce sentiment. Mais, je me perds quelques instants au gré de ses iris bleutés et le laisse me posséder.
En tant qu’Agent, je dois vite réagir pour mettre cette bande de racailles hors d’état de nuire. Il ne va certainement pas aimer, lui qui ne cesse de me mettre des bâtons dans les roues, soi-disant pour me protéger. À son grand regret, je lui fais comprendre mes intentions d’un simple regard mais très éloquent. J'en reviens finalement à Elijah.

Je glisse ma main au creux de mes reins pour aller sortir mon couteau militaire qu’Ezekiel m’avait donné après l’affaire des Proxénètes, de son étui bien camouflé sous mon jeans et le tends à mon compagnon ; Tiens, prends ça. Ça peut toujours servir. Tu me le rendras quand on sera sortie de cette merde, lançai-je en abandonnant les bonnes manières du tutoiement. Un genou à terre, je charge mon 9 millimètres : prêt à descendre ces enfoirés ?

S'il n'est pas déjà mort, alors il souhaitera n'avoir pas survécu à cette descente des Bones & Ashes. Voici la pensée qui me traverse alors que je songe au videur et à mes employés de vestiaire alors que bientôt les Bones se mettent à grouiller comme des fourmis dans mon établissement. Nous avions un accord tacite. Du moins, il semblait assez clair, à partir du moment où j'ai fait d'Alexander mon associé. Du haut du balcon menant à mon bureau, je darde la raclure qui partage la part la moins noble de mon sang. Je doute que cette soudaine attaque soit de l'initiative de M. Jimenez qui, d'ailleurs, brille par son absence...

Mon très cher cousin sort son couteau pour me promettre la mort. Ridicule. Pourtant, l'expression sévère et contrariée de mon visage se trouble alors qu'un fin rictus vient étirer le coin de mes lèvres. Appuyé sur le parapet du balcon, je me redresse en levant le menton, une lueur maligne de défi brûlant dans mon regard. Cet idiot vient de faire un mouvement qui lui vaudra la défaite sur cet échiquier. Venir m'attaquer, dans mon établissement, sans la présence de son chef... Soit. Je ne me contenterai pas de le mettre échec et mat, mais veillerai à ce qu'il rejoigne son paternel, dans les limbes...

Derrière moi, je sens Hans s'agiter, alors qu'en contrebas, les armes émettent des cliquetis qui me déplaisent. Pas de grabuge dans mon bar. Je soupire intérieurement, déjà agacé par les travaux que cela va nécessiter. Mais je n'ai pas le temps de m'y attarder, puisque mon regard la cherche, elle. Je la trouve au bar, en même temps que son propre regard me cherche. Bien sûr, qu'elle ne se tiendra pas tranquille. Bien sûr, qu'elle n'en fera qu'à sa tête. Je fronce les sourcils alors que les premiers coups de feux retentissent, les lèvres pincées d'agacement. Pourtant, je n'abandonne mon point d'observation qu'une fois certain qu'elle soit à couvert derrière le bar. Et j'entre finalement dans mon bureau pour récupérer mon arme, dans mon coffre, non sans donner quelques directives à mon limier.

▬ Assure toi qu'il ne lui arrive rien, lui dis-je, sans prendre la peine de lui préciser que je parle évidemment de Miss Valentine. Chargeant mon arme avant de refermer mon coffre, j'ajoute : Fais ce qu'il faut, mais elle ne doit ni mourir ni finir entre leurs mains.

Un dernier échange de regard. Hans n'ignore plus que le statut de notre renard impose quelques prudences. Je lui avais donné la tâche de sa surveillance, pour sa protection ainsi que pour la mienne... Si l'on apprenait sa véritable identité, ce serait fâcheux, pour nous deux...

▬ Milo est à moi. Tue les autres., dis-je finalement, lui laissant comprendre que nous n'en sommes plus à quelques intimidations. Pas de quartier.

J'aurais pu rester à l'abri, au sommet de ma tour et attendre que le chaos prenne fin, certes. Mais si je suis plutôt stratège qu'homme d'action, je ne suis certainement pas un lâche qui accepte l'affront quand il se présente sur le pas de ma porte. Je retire ma veste et la pose proprement sur le dossier de mon fauteuil, comme pour lui éviter quelques déconvenues, et pour m'épargner l'inconfort des coutures qui limitent les mouvements. C'est donc en chemise et gilet de costume que j'envisage de descendre pour aller extirper le renard de cette meute de chiens de sang. Je sais déjà qu'elle ne sera pas de cet avis mais peu importe : ce combat n'est pas le sien et je n'ai clairement pas envie que le reste de la ruche fédérale vienne mettre son nez dans mes affaires...

Nevar

Jill

« Personne ne blesse mieux qu'un homme. Personne ne se venge mieux qu'une femme. »

Tout le monde le connait. Ça ne me surprend pas. Je me doutais bien que ce n’était pas un enfant de cœur le jour de notre rencontre. Je côtoie des criminels depuis des années maintenant. C’est si facile de les reconnaître. Toutefois, même s’il joue les caïds au Raven, il n’a pas le profil de la plupart des tueurs que je traque. Ce n’est qu’un trou du cul et je compte bien m’occuper personnellement de son cas. Je sors mon flingue et refile mon couteau militaire à mon compagnon du bar qui l’observe avec une pointe d’ironie dans les yeux : Vous voulez que je vous coupe des limes.

Je souris : crois-moi, ce petit bijou a tranché bien des gorges. Tu vas beaucoup l’apprécier. soufflai-je en penchant le visage sur le côté.

Oh Milo ! Tu n’apprends donc jamais. Il semblerait que ces deux-là aient aussi un contentieux, ce qui me ramène en direction de la rambarde où il a disparu. Mille et une suppositions se bousculent dans ma tête. Son absence dans mon sillage ne me laisse pas de marbre et suscite malgré-moi une étrange inquiétude. Ils l’ont eu ? me suis surprise à demander. Je secoue la tête pour me déleste de toute distraction qui serait susceptible de me mettre en danger. C’est son territoire. Il s'en sortira...


Les balles ne cessent de fuser tandis qu’Elijah et moi nous recroquevillons afin d’éviter les éclats de verre qui s’éparpillent. Je tire sur la queue de détente de mon flingue afin de l’arme, mais notre ami barman m’interpelle : Première porte à droite, elle se barre à clé. Allez- y. Il avait rampé à l’autre bout du comptoir pour me désigner la porte des vestiaires. Je lui souris de nouveau : c’est gentil beau gosse, mais j’ai un compte à régler avec ce trou du cul.

Je me redresse en position accroupis, main accrochée à l’autre bout du comptoir pour guetter les intrus en prenant soin d’éviter les balles. Je jette à nouveau un regard à Elijah et d’un signe de tête j’ajoute: reste en vie qu’on puisse trinquer après, petit clin d’œil avant de me concentrer sur mon côté, attendant patiemment que la pluie de balles cesse.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur mon royaume en plein chaos tandis que je rejoins moi-même la lice qu'est devenue le Raven. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur les dégâts entraînés par cette intrusion en force mais je gage que les réparations seront coûteuses... Mon regard cherche celui qui ne tardera pas à rejoindre son patriarche sur les rives de l'Achéron... Nos regardes se croisent un instant, mais le mien est attiré par la présence de Miss Valentine que j'ai juste le temps d'apercevoir avant d'être empoigné et jeté contre mon propre mobilier de jeux. Damnée soit elle, de me rendre si imprudent. Je peste, les sourcils froncés de mécontentement, tant par l'humiliation d'avoir été jeté avec cette nonchalance que par l'opportunité offerte par mon manque d'attention. Ne pouvait-elle pas simplement se tenir tranquille, à sa place ?

Ma canne ayant échappée à ma main, en même temps que mon arme, je me redresse en m'aidant de la table. Mais mon opposant ne tarde pas à revenir à l'assaut, ne me laissant que peu de répit. Sans doute se dit-il que c'est une aubaine, de m'avoir ainsi servi sur un plateau. Mais il a tort de penser que je ne suis qu'un estropié incapable de se protéger. Ses doigts se glissent dans mes cheveux pour les saisir d'une poignée solide alors qu'il frappe un coup solide derrière ma jambe la plus faible, pour me mettre à genou. L'inconscient pense pouvoir s'octroyer le plaisir de la jubilation, de m'avoir ainsi, vulnérable. Alors que je faisais mine de ployer, ce n'était finalement que pour mieux m'emparer de ma canne, au sol, et en dégainer le pommeau qui dissimulait une lame. La jubilation prend fin pour lui, alors que sauvagement, je viens planter le poignard dans son flanc, à l'aveugle, pour qu'il me relâche finalement.

Je ne me salis que trop rarement les mains moi-même, mais ça n'a jamais voulu dire que j'en étais incapable ou bien que je ne l'avais pas déjà fait auparavant. Avant de reprendre mon arme de poing parterre, je passe ma main gantée dans mes cheveux pour les rabattre en arrière, comme pour regagner de la dignité et un peu de standing. Puis, je me saisis de l'arme pour m'approcher de mon opposant qui tente misérablement de retenir le sang qui s'écoule entre ses doigts et sans un mot ni une once d'hésitation, je clos ce chapitre d'une balle dans sa tête.

▬ Pas de grabuge. C'est pourtant simple... dis-je avec un soupire d'exaspération avant de récupérer et reconstituer ma canne.

Tâchant de me tenir à couvert, je cherche ma cible du regard pour la voir aux prises avec mon renard à peine apprivoisé. Je ne sais pas ce qui me déplaît le plus : qu'elle puisse accomplir l'acte que je lui réserve à ma place ou bien qu'elle risque d'être blessée par ce que j'estime n'être qu'une ligne dans un arbre généalogique aux branches partiellement infestées...

Nevar

Jill

« Personne ne blesse mieux qu'un homme. Personne ne se venge mieux qu'une femme. »

Lorsque les sifflantes cessent enfin et qu’une petite accalmie intervient, j’en profite pour me relever et guetter les ennemis dans mon sillage. Le balcon semble toujours désert m’assurant ainsi la meilleure des concentrations sur le front. Mon cher cleptomane se tient là, face à moi, un couteau lové au creux de sa main droite, dans une expression mêlant l’étonnement et la satisfaction. Un sourire en coin étire la commissure de ses lèvres : toi qu’il laisse échapper, ravi. Je penche le visage sur le côté, esquissant ce même sourire narquois au coin des lèvres, puis m’avance doucement et le désarme de son arme blanche d’un coup de pied fugace.

toi, que je souffle à mon tour sans quitter ce scélérat des yeux.

Stupéfait, il voit son petit joujou atterrir un peu plus loin. Ses yeux écarquillés me découvrent sous un autre jour, et avant même qu’il ne puisse réagir, je lui décoche un coup de poing directement au foie. Fatalement, il s'agenouille dans un râle de douleur, les traits grimaçant et les miens jubilant.

Faisons un peu d’histoire. Doucement, je l’allonge sur le dos pendant qu’il geint comme une truie aux portes de la mort. J’appose mon genou sur son torse pour le plaquer à même le sol et prends sa main entre les miennes dont mes doigts meurtriers caressent lentement les siens.

Tu sais ce que font certains soldats de Russie aux sales voleurs comme toi? Je me permets de lui répondre en empoignant fermement ses doigts pour les lui briser avec violence. Un cri s’ensuit et mon sourire luit. On lui brise les doigts.

Mon genou vient très vite faire pression et bloquer l’articulation de son bras tandis que je lui susurre: tu sais ce que moi je leur fais ? en guise de réponse, et d’un coup sec, je lui déboîte l’articulation du bras avant de lui briser le membre. Un nouveau cri s’ensuit et mon sourire à nouveau luit. Je lui brise le bras.

Je le libère un instant, mais ce n’est que pour grimper au dessus de lui et le tirer violemment par le tee-shirt. Un premier coup de poing vient éclater son joli minois: ça c’est pour m’avoir posé un lapin.

Un deuxième meurtrit à nouveau sa pommette: ça, c’est pour m’avoir piqué mon téléphone.

Le choc de mes coups ne lui permettent presque plus de gémir comme un agneau. Je rapproche doucement mon visage du sien et pour finir, je lui chuchote au creux de l’oreille, comme une furie ne pouvant contrôler le venin qui s'échappe de ses lèvres : Personne à part moi ne peut le toucher. et je clôture ce joli petit discours en lui assénant un violent coup de tête qui le met définitivement K.O pour le moment.

Je le relâche puis me relève et le sonde avec un sourire fier et narquois: fais de beaux rêves. Je l’enjambe pour me délester de cette vermine entre mes pattes. Puis, essoufflée, mes prunelles inconsciemment viennent le chercher, là-haut, à ce putain de balcon. Mais il n'est pas là, pourtant, je sens son regard. Je cherche. Et je cherche, dans chaque recoin, dans chaque son qui résonne dans l'air,  dans chaque coup porté. Et je le trouve enfin, pas très loin, près des ascenseurs. Pourquoi ? Pourquoi descendre ? Pourquoi risquer sa vie pour une poignée de clients ? Pour un empire qu'il pourra reconstruire ailleurs ? Il aurait mieux fait de rester à l'abri. Il est là, pas très loin, près des ascenseurs et il me dévisage. Le chaos règne et j’ai cette étrange sensation de rester figée un moment.

J’entame mon ascension, je me fraye un chemin entre les ombres, entre le plomb et le sang. Et puis je la trouve finalement, après son exécution pure et simple d’un Bones qui s’en prenait initialement à un client que j’identifie comme le rejeton de Madame Parks. S’il venait à mourir ici, dans de telles conditions, ce serait… regrettablement problématique…

Le regard de mon renard croise le mien alors que je la scrute sévèrement, laissant mes yeux faire un rapide contrôle de son état. Bien, il ne me reste plus qu’à l’extirper d’ici pour la mettre à l’abri dans mes appartements, loin de querelles qui ne concernent pas les fédéraux… Alors que nos regards s’attrapent sans se lâcher, ma main directrice s’arme de mon pistolet que je pointe subitement dans sa direction. A cet instant, doute-t-elle de ma parole ? Peut-elle deviner mes intentions ? S’imagine-y-elle une trahison, une opportunité que je saisirais de lui porter un coup fatal sans avoir le mauvais goût de le faire dans son dos ?

Une détonation. Un sursaut de ses paupières, peut-être. Et derrière elle, le Bones qui songeait à s’en prendre à elle s’écroule. Mon poing redescend, le canon de mon arme toujours fumant alors que je la laisse réaliser ce qui vient de se passer. En m’aidant de ma canne, je m’approche d’elle, prêt à lui sommer de monter avec moi, quand mon pied se heurte à un corps que je reconnais que trop bien. Je reste là, à me demander s’il est déjà mort et si cela me contrarie plus que ça ne devrait.

Tout serait si simple. Mais quel plaisir aurais-je de lui prendre son dernier souffle s’il n’est même pas conscient d’être échec et mat ?

Un cri. Mon nom. Sa voix. Je fronce les sourcils, relève les yeux pour comprendre l’origine de la mise en garde. Je ne peux que me retourner et distinguer le croc acéré de sa lame avant de me sentir brutalement projeté et arraché.

Une nouvelle détonation. Elle est au-dessus de moi. Contre moi. Et je n’ai pas le temps d’exécrer le parfum de tiaré de ses cheveux. Son regard et le mien se tiennent de nouveau et je ne peux finalement pas me retenir de vérifier qu’elle n’a pas été la cible de ce coup de feu.

Sans un mot, je laisse mes mains gantées la tenir par la taille pendant que mon regard scrute son corps à la recherche d’une blessure que je ne trouve finalement pas. Un silence, un échange de regard et puis je prends finalement l’initiative de me libérer de son étrange emprise pour la basculer sur le côté, sans accorder d’importance au fait qu’ainsi, mon corps représente un nouveau rempart pour elle…

▬ Montez. Cette querelle ne vous concerne pas. Je soupire, m’entendant alors lui dire avec agacement : Et je ne peux pas me laisser distraire par votre sécurité. J’ai d’autres chats à fouetter… dis-je finalement en conclusion, en laissant mon regard sévère glisser jusqu’à mon très cher cousin.

Je ne peux pas. Clairement pas. Quel idiot je fais déjà d’être venu jusqu’ici pour la chercher personnellement… Mes mains insensibles se défont de l’étreinte qu’elles exercent sur sa taille et je relâche alors le renard, prenant le risque qu’il n’en fasse qu’à sa tête une nouvelle fois, et ne s’échappe…

Nevar

Jill

« Personne ne blesse mieux qu'un homme. Personne ne se venge mieux qu'une femme. »

Désormais que notre Belle au Bois Dormant est plongée dans un profond sommeil et que ma vengeance fut des plus délicieuse, je vais pouvoir me concentrer sur les ennemis ici présents. Des coups de feu, des éclats de verre par milliers, des chaises et tables brisées, la descente de ce groupe cause un sacré carnage. Je relève la tête pour examiner le terrain qui se profile dans mon sillage. Voilà Corey, visiblement en très mauvaise posture. Instinctivement, je sors mon arme puis descends son assaillant qui s’écroule sur le côté.

Puis, assurée que mon pote du Diner soit pour le moment tiré d’affaire, je fais volte-face. Toutefois, me jambes m’empêchent d’avancer lorsque ses prunelles me fixent et que son arme me vise. Mon souffle se coupe, l’espace d’une seconde tandis que la pensée de mourir de sa main me traverse fâcheusement l’esprit. Alors c’est ici que nos chemins se séparent Oswald ? Vous décidez de la fin.

La détonation s’harmonise avec ce concert de violence qui fait rage et pourtant, pas l’ombre d’une douleur qui me déchire, mais le bruit sourd d’un corps qui s’effondre derrière moi attire mon attention. Je comprends. Je réalise. Ce qu’il a fait, compte tenu de ce que je représente dans son monde, dans un certain sens, sans que je comprenne pourquoi et tout au fond de moi, me réconforte. Mon souffle que je retenais alors dans l’attente de ma mort, explose. J’ai l’impression de pouvoir enfin respirer et pourtant, je n’ai guère bougé. Ses prunelles restent figées sur les miennes tandis qu’il se rapproche. Mais, il semble très vite distrait par notre princesse dormante qu’il regarde avec un certain intérêt si bien qu’il ne sent pas le danger prêt à s'abattre sur lui. La lame d’un couteau fort aiguisé s’apprête à s’enliser dans son dos et l’idée même qu’il y puisse y succomber me dérange. Cette pensée me déplait. Je me rue sur lui, sans trop réfléchir à la suite, en hurlant son nom pour l’avertir.

Mes bras l’entourent, le protègent et l’entrainent vaillamment avec moi. Dans l’élan, mon corps se colle au sien, le couvrant de tout danger. Cette soudaine chaleur soudain nous enveloppe. Mon regard s’ancre dans le sien, derrière lequel j'y découvre quelque chose de différent, où je m’y perds quelques instants. Et puis, ses mains gantées accostent ma taille, quand ses prunelles, elles, semblent chercher une éventuelle blessure. Serait-il…soucieux ?

Doucement, il me bascule sur le côte. J’ai comme une étrange sensation. Je ne pourrais l’expliquer, mais, je saurais la décrire. Pourtant, je préfère m’abstenir. J’ai peur des mots qui pourrait s’y apposer. Je ne veux rien savoir, ni chercher à en comprendre le sens. Je préfère rester dans l’ignorance.

Montez. Cette querelle ne vous concerne pas. il soupire, visiblement très agacé. Et je ne peux pas me laisser distraire par votre sécurité. J’ai d’autres chats à fouetter… qu’il ajoute toujours plus piquant. Je le dévisage, déconcertée tout en me redressant doucement. Distrait par ma sécurité ? Où il veut en venir ?

Je frotte mes vêtements et le fixe avec un peu plus de contenance. Merci. Et pas de quoi. que je siffle un peu plus sèchement. Je le fixe avec insistance avant d’armer de nouveau mon pistolet: Alors ne vous laissez pas distraire, dis-je sur un ton très directif. Et moi, une mission à mener.

Milo crève:

Attendrait-elle des remerciements de ma part ? Je fronce les sourcils. Nous nous relevons, tous les deux, et je demande expressément qu'elle monte, pour cesser de me distraire. Autant essayer de capturer le vent à l'aide d'une épuisette... Bien entendu, elle n'en fait qu'à sa tête, avec sa lubie de mission à mener alors que ce n'est très certainement pas le moment pour ça. Je lève les yeux au ciel d'exaspération, poussant un soupire nasal, les sourcils froncés. J'envisage déjà d'ordonner à Hans de la traîner de force jusqu'à mes appartements mais nous sommes pris de court. Les Bones sont venus à grand renfort. Je songe à n'en garder qu'un seul en vie, pour qu'il puisse transmettre un message à son patron et rapporter le massacre de ses pairs.

Mon regard sévère s'abat une nouvelle fois sur cette femme têtue dont je tolère la présence ici depuis des semaines. Alors ne vous laissez pas distraire. Qu'imagine-t-elle ? Comment ne pas se laisser distraire quand ma tranquillité dépend de sa survie ? Si elle venait à mourir, il me faudrait maquiller sa mort pour ne pas la relier à moi. Agacé, je balaye cette hypothèse en même temps que je ramène mes cheveux en arrière pour les discipliner. Mon arme à la main, je chasse vite cette pensée qui me traverse, où la mort de l'agent Valentine pourrait me déplaire pour une toute autre raison...

Quatre. C'est le nombre de nos opposants. Mes compétences martiales ne valent pas celles de l'agent Valentine, c'est une évidence. Mais ce serait une erreur d'estimer que je ne suis qu'un estropié qui craindrait de se salir les mains. Alors que je prends l'un d'eux en joue, le cliquetis du pistolet me fait savoir que le magasin de ce dernier est vide.

▬ Petit veinard, je siffle, visiblement contrarié, en laissant tomber mon arme comme s'il s'agissait de la plus vulgaire des peaux de banane. Cette déconvenue aura le mérite d'équilibrer le combat, mais l'équité n'est pas vraiment mon affaire. Le Bones qui pensait probablement se faire tirer dessus a esquissé un geste de recul mais maintenant qu'il me pense désarmé, le voilà qui approche.

Le combat à mains nues n'a jamais été une matière où j'excellais, néanmoins, il m'est arrivé d'en arriver à de telles extrémités, et de frapper encore et encore jusqu'à obtenir une bouillie sanguinolente, sans sentir ni la douleur ni le sang poisseux sur mes mains. Mais avant d'en arriver là, il me reste toujours un atout. Ma canne est certes une aide pour marcher mais elle n'en reste pas moins une arme.

Mon ultime coup de canne se solde par le bec du corbeau doré qui vient se planter avec violence dans le crâne de mon adversaire. Je relève les yeux pour chercher la renarde qui en termine avec le dernier de nos opposants. Un rapide coup d'oeil me permet d'estimer qu'elle n'a subi aucune blessure. Je fronce les sourcils, en ressentant cet étrange soulagement. Je ne vois que trop tard cette injure à mon sang se relever, enfonçant sa lame dans le ventre de Miss Valentine.

▬ Vas en enfer pétasse, siffle cette souillure, tandis que, dans un état de sidération que je ne connaissais pas, je vois mon renard tomber au sol, allongée dans une flaque de son propre sang.

Une colère sourde s'empare de moi, alors que je la fixe sans bouger. Je ne vois pas Hans qui accourt à son chevet. Je ne vois pas non plus les autres Bones qui fourmillent bientôt dans mon établissement. Je ne vois que le visage de celui qui ne tardera pas à suivre le chemin de son paternel.

Le combat à mains nues n'a jamais été une matière où j'excellais, néanmoins, il m'est arrivé d'en arriver à de telles extrémités, et de frapper encore et encore jusqu'à obtenir une bouillie sanguinolente, sans sentir ni la douleur ni le sang poisseux sur mes mains. Et c'est exactement ce qui advient de mon feu cousin.
Ou presque. Si je dois lutter en matière de mobilité, une fois parvenu à le dominer, mes doigts viennent très fermement se refermer sur sa gorge, alors que son visage est déjà en sang. Aveuglé par la colère, assoiffé de violence et de son désespoir, je serre si fort les doigts sur sa gorge que ses yeux se révulsent tandis qu'il suffoque. Je serre si fort que je pourrais presque le sentir. Je serre si fort, que mes bras, mon corps en tremble, que mon visage à l'expression pleine de fureur rougit. Mes veines en gonflent, en même temps que le visage en face de moi se cyanose. Il lutte, entre mes mains, dans un gargouillis de désespoir et je pourrais jurer voir la vie s'échapper de son regard. Et je m'en délecte à ce moment précis. Je pourrais m'en satisfaire s'il n'y avait pas elle. Une telle sauvagerie, une telle violence, de mes propres mains ne m'avait pas dominé depuis plusieurs années, et je comprends à cet instant que je me suis laissé aller à devenir une simple bête pour elle.

Pas un mot. Pas de phrase cynique. Pas d'hommage. Il ne mérite pas une once de ma salive. J'achève une dernière fois cette strangulation avant de me relever. Chancelant, dépourvu de ma canne, j'arrange mes vêtements et mes cheveux souillés de sang, par habitude, avant de me rendre au chevet de l'agent Valentine. Le visage fermé, sévère, le regard pourtant soucieux, j'avise la blessure dans son abdomen et après hésitation, retire l'un de mes gants pour venir compresser la plaie sanguinolente de toutes mes forces.

Un liquide carmin vient recouvrir la peau brûlée de ma main.

▬ Je vous interdits de mourir... je m'entends lui souffler sévèrement, en maintenant la pression sur sa blessure.

Nevar

Jill

« Personne ne blesse mieux qu'un homme. Personne ne se venge mieux qu'une femme. »

Je n’ai pas le choix que de lui rabâcher ma mission. Oswald a tendance à oublier la vraie raison de ma présence ici. Cette manie de vouloir me mettre sur la touche a tendance à m’agacer. Je n’ai jamais battu en retraite ni reculé pendant un combat. Il règne peut-être sur le Raven, mais jamais il ne prendra une quelconque décision à ma place. Je l’encourage vivement à rester concentré. Il a plutôt intérêt. Nous ne sommes pas dans une querelle de cours de récréation. Le gang qui attaque semble vouer une haine tout particulière envers Oswald. Détestable ou pas, jusqu’ici, il a toujours tenu parole, sans compter que mon boulot est de protéger les autres, quel qu’en soit le prix. Je chasse ses piètres recommandations et décide de l’épauler pour cet énième assaut où le nombre d’ennemis en approche ne cesse de croître.

J’analyse notre environnement. Je compte les gaillards puis examine de nouveau notre zone de combat, cherchant scrupuleusement tout ce qui pourrait nous avantager afin de les neutraliser. Pour ma part, je ne réfléchis pas et fonce dans le tas, comme une boule de bowling sur des quilles : techniques de combats à mains nues classiques, entremêlées de quelques prises de Taekwondo et kickboxing, je laisse l’agent qui brûle en moi se déchaîner sur les assaillants. Entre temps, je glisse quelques coups d’œil vers Oswald pour m’assurer qu’il aille bien. Et, c’est avec un étrange soulagement que j’achève nos ennemis tantôt d’une balle, tantôt à l’aide d’éclats de verre tranchants en plein dans la trachée. Lorsque le dernier s’écroule à mes pieds, je me redresse pour l’observer lui, donner de sa canne, le dernier coup de grâce à son adversaire qui rend son dernier souffle. Un sourire incontrôlé étire le creux de mes lèvres en le voyant si habilement faire. Je m’y surprends, l’espace de quelques secondes à trouver ça terriblement sexy. Est-ce que je devient folle ou quoi ?

Je secoue la tête afin de me remettre les idées en place. Mais la froideur glaciale d’une lame me transperce l’abdomen et me coupe littéralement le souffle. Prise par surprise, je ne réalise que trop tard que ce putain de kleptomane s’est déjà réveillé de sa sieste et vient de me planter: Vas en enfer pétasse qu’il me crache en plein gueule avec tout la haine que je peux lui inspirer. Comment l'en blâmer, je lui ai cassé la gueule et pété le bras.

Il arrache très rapidement la lame, avec cette même violence tant dans le geste que dans le regard. Et ce n’est que lorsque le bout de métal tranchant quitte mon abdomen que la douleur me foudroie. Incapable de bouger, incapable de respirer, mes forces m’ayant brusquement abandonnée, je le fixe, impuissante. Attirée par la pesanteur, je m’effondre au sol sans aucune résistance. Ma respiration dès lors se saccade, chacune de mes bouffées est un supplice qui me torture le bide. Je rabats une main tremblante sur ma blessure pour constater sa gravité. Je sens ma quintuplé s’humidifier d’un liquide chaud et poisseux. Puis c’est en glissant furtivement un regard sur elle que je constate une quantité importante de sang me laissant présager une mort imminente. J’abdique alors, laissant ma tête reposer lourdement contre le sol puis la tourne sur le côté. Je peine à respirer, les yeux à demi-clos, je tente de ne pas m’endormir. Je ressens le besoin de le voir, rien une dernière fois, savoir qu’il va bien, qu’il est en sécurité.

Et puis, nos prunelles se retrouvent et longuement mon regard s’attardent sur lui. Et malgré la blessure, j’ai cet étrange pincement au cœur, ce sentiment de regret qui m’anime. Cette nuit-là…cette sensation étrange…ce désir que j’ai réprimé, parce que trop lâche j’ai été. Cette nuit-là où mon esprit torturé ne parvenait guère à trouver de repos parce que son visage me tourmentait.

Il y a quelque chose d’étrange dans son regard que je ne parviens pas à déceler, car ce dernier me quitte pour se focaliser sur mon agresseur. Je n'arrive pas à savoir la suite. Mes paupières deviennent trop lourdes. J'ai dû perdre connaissance quelques instants. Enfin...je crois. Je ne suis pas sûr. Je sens tout à coup comme une pression sur ma blessure, qui me ramène à moi. Je rouvre les yeux, respirant avec grande difficulté et je le vois, penché au-dessus de moi : Je vous interdits de mourir...

Essaie-t-il de me sauver ? Je tente de redresser la tête mais je n’y parviens pas. Je rassemble le peu de force qu’il me reste pour venir poster ma main sur la sienne pour l’empêcher de continuer. Mes iris fatigués viennent s’ancrer dans la clarté des siens: c’est trop tard pour moi. Vous devez partir. Tant que vous le pouvez. Sauvez-vous Oswald. Vous avez beaucoup à perdre en restant ici...