Affalé comme un grosse loque dans le canapé, rincé de ma journée, j’ai opté pour glander un peu devant la télé et me refaire la Casa De Papel. Nonna m’avait proposé de dîner avec eux ce soir, mais, j’ai préféré reporter. D’ailleurs, parlant de dîner, je vais sûrement me faire livrer chinois. J’ai trop la flemme de jouer les cuistots ce soir.

Cazzo ! Mon estomac se met à gargouiller et lâche un énorme râle. Je choppe mon téléphone sur la table basse et tandis que je cherche le numéro du restau sur Internet, je reçois un message d’une connaissance de la boxe. Tiens ? Judicael. Il fait partie du club. Il est plutôt bon d’ailleurs. Je le croisais souvent quand je faisais mes petites séances hebdomadaires, le matin. Un mec plutôt cool et sympa. Si je me souviens, maman avait souvent épaulé la famille Jackson après la mort de leur père. Quelle tragédie quand on y repense…je me demande pourquoi il me contacte ? On a échangé nos numéros il y a des semaines et je n’ai jamais vraiment eu de ses nouvelles. Que le vaut son message ?

Hum, je vois. Evier bouché. Je peux oublier ma soirée devant la télé. Je pars enfiler un tee-shirt et un jeans, attache mes cheveux et enfile ma veste en cuir avant de sortir. Au rez-de-chaussée, je croise la belle Elisabeth qui rentre du travail, que je salue d’une bise et d’un doux sourire. Je vérifie ma caisse à outils dans la camionnette et écris à Judicael avant de démarrer. Il m’envoie l’adresse sans grande surprise, je me retrouve à arpenter les routes de South Beach. Judicael se fait pas mal de fric avec ses combats. J’imagine qu’il doit crécher dans les beaux quartiers de Miami et que sa baraque est à la hauteur de son compte bancaire. Ça doit être cool de pouvoir jouir d’un tel confort, mais ce n’est pas un luxe que la famille Mannoia peut se payer.

Toutefois, je préfère de loin ma petite vie rangée à Design District que la vie clinquante et superficielle des célébrités. Je ne suis pas le genre de mec qui aime se faire remarquer, au contraire je déteste ça. Monsieur Schevchenko, le gérant du club, voulait m’intégrer à leur programme de boxe, mais j’ai poliment décliné sa proposition. Pour être honnête, ça ne m’intéressait pas. J'avais du potentiel qu'il disait. Mais, pas question d'embrasser une vie sous le feu des projecteurs.

Sans surprise, l’adresse me mène à une putain de villa qui doit sans doute valoir des millions. Je reste un instant figé devant la bâtisse avant de siffler, impressionné par le caractère luxueux et indécent de son architecture. Le bruit apaisant des vagues qui claquent sur le sable est sans doute ce que j’apprécierais le plus ici. Porco Dio ! je fais tache à côté avec ma petite camionnette ridicule !

Je soupire avant de me diriger avec ma caisse à outils vers ce que je suppose être la porte d’entrée, en jetant quelques coups d’œil tout autour. Je sonne attendant patiemment qu'il vienne m'ouvrir.

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J’ai eu cette opportunité. Monsieur Shevchenko m’avait même convoqué dans son bureau pour me faire une offre. J’aurais pu accepter, surtout après le départ de Suzanna. Mais la boxe n’a jamais vraiment été une passion pour moi, juste un bon exutoire, un petit plaisir après une journée bien remplie. J’aurais sans doute réussi. J’avais le potentiel, je ne me voyais pas m’y faire une place alors que certains bossent d’arrache-pied pour devenir champions : Quelles sont tes perspectives ? Tu comptes pas rester croupir ici à miami ? Avec ton potentiel tu peux voir encore plus grand grand...

Il ne répond pas tout de suite. Et quand je lève les yeux vers lui, il semble absent. J’espère ne pas l’avoir mis mal à l’aise…Finalement, il hausse les épaules et change de sujet en me parlant de ses frangins. Ok. Sujet sensible. Je me tais. Et puis, sortant de nulle part, il retrouve sa jovialité :Viens à la salle un jour où je m'entraîne. Je veux voir si je te couche en deux, ou en trois minutes. Il sourit comme un benêt et commence à faire le mec. Je ne suis pas débile, je sais que je finirais au tapis, mais ça m’amuse de le provoquer. Ou si c’est moi qui te couche. À ce rythme-là, on va organiser un match de ping-pong. Sa vanité un jour le perdra.

J'ai un contrat pour le moment... du genre bien serré tu vois ? Je fronce les sourcils, un peu sceptique. Qu’est-ce qu’il entend par serré ? Je ne m’aventurerais pas à le lui demander, surtout qu’il vient trinquer sa bouteille contre la mienne. Je me gratte l’arrière de la tête, sourire en coin : Ouai…

Tu connais toujours le chemin, pas vrai ? Tu veux venir prendre ta raclée à quelle heure, monsieur Cazzo Cazzo ?

Je fronce les sourcils, sans effacer ce rictus au coin de mes lèvres. Je lui frotte le haut du crane : c’est qui que t’appelles comme ça Cazzo Cazzo hein Coniglio mio ! Je m’appuie au comptoir avec la banane et termine ma binouse puis la pointe dans sa direction : Bien sûr. Ça dépend. À quelle heure tu veux prendre ta fessée Coniglio mio?

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Sa trogne me fait marrer quand je lui lâche ce petit sobriquet à l’italienne. Il en rigole mais tu sens qu’il n’est quand même pas serein le bonhomme. Il a ce petit sourire en coin, en faisant genre tout va bien, mais je suis sûre qu’il crève d’envie de savoir. Je ne veux pas lui laisser ce plaisir, c’est marrant de le voir s’imaginer des trucs. Je finis ma binouse et dois écourter la soirée car demain je dois passer chez ma voisine Elisabeth pour changer la tuyauterie de sa machine à laver. Judicael me dit de passer à neuf heures à la salle. C’est qu’il est sérieux en plus. Il veut vraiment perdre son temps avec moi ? Ça serait marrant que je parvienne à le foutre au tapis rien qu’une fois. D’ailleurs, en refermant la porte derrière moi, je jette un bref regard au-dessus de mon épaule, et cette pensée m’arrache un sourire.

Le lendemain, la demoiselle Parker m’offre un chaleureux accueil avec en prime un chouette petit déjeuner. D’ordinaire, je ne mange jamais chez mes clients, mais Elisabeth, c’est différent, c’est ma voisine. Je le fais de bon cœur. Elle gentille et mignonne, c’est le genre de fille, comme dirait Gabriel, avec qui tu te maries. Mais, elle est jeune. Avec quelques années de plus, je m’y serais bien laissé tenter. Je m’occupe donc de sa machine et l’abandonne quand cette dernière part bosser.

Comme convenu la veille, je rejoins Judicael au complexe sportif de Design district. Sac sur l’épaule, je rentre dans le gymnase : Il ne s'est pas dégonflé, le grand garçon ! je marche dans direction et sourit en arquant un sourcil. Il n’est pas sans ignorer notre règle d’or. Un Mannoia ne se dégonfle jamais Coniglio moi ! que je réponds la démarche assurée.

Tu as prévenu ta copine que j'allais te rendre en pièces détachées ou tu lui laisses la surprise ? Je le fixe amusé et puisqu’il a décrété que j’étais casé, autant rentrer dans son jeu. t’inquiète pas pour elle et prie plutôt pour toi, je lui lance petit clin d’œil en laissant la bandoulière de mon sac glisser sur mon bras.
Non je rigole, viens je te ferai pas de mal. J'ai même prévu de quoi te redonner des forces ! Je lâche un petit rire, halluciné par sa vanité. J’humecte mes lèvres et le dévisage avec curiosité. Ne sois pas si sûr de toi Coniglio mio, je pourrais bien te surprendre. D’ailleurs, le gagnant paie sa tournée !

Je l’abandonne un moment pour m’assoir sur le banc un peu plus loin et retire mon tee-shirt, mon froc, chaussures et chaussettes puis enfile mon short. J’attache brièvement mes cheveux en chignon, récupère mes bandages ainsi que mes gants puis pars m’échauffer un moment avant de le rejoindre sur le ring. Je fais craquer mon cou et le fixe sourire narquois en coin : Alors, prêt pour la défaite du siècle Coniglio mio ?

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