1988, le deuxième bambin des Mannoia pousse son premier cri un après-midi d’août où une vague de canicule sévit sur la jolie ville côtière. Gabriel, alors âgé de cinq ans lorsqu’il connait la joie qu’est d’avoir un petit frère. Le nouveau bambino portera alors le nom d’Orazio Fédérico. En grandissant, les Tic et Tac des Mannoia étaient toujours fourrés ensemble, partageaient absolument tout, du plus insignifiant jouet à la plus grosse des conneries. Leur grand-père n’était pas un symbole de sévérité, toutefois, il mettait un point d’honneur au sens et respect de la famille.

1995 : Il Nonno s’éteint à l’âge de soixante-sept ans à la suite d’une crise cardiaque plongeant la famille Mannoia et notamment Nonna dans une profonde tristesse.

1995 : Un drame touche la famille. En effet, Franco meurt assassiné par balle dans le braquage de sa superette. La police, ne veut pas se mouiller et conclut à un simple braquage qui a mal tourné. A nouveau endeuillés, les fils Mannoia, doivent apprendre à avancer sans leur père et Nonna sans son fils. Quelques mois plus tard, notre Nino légendaire, alias Il pucino voit le jour par une belle journée automnale, où les arbres se délestent lentement de leur robe rougeoyante, où les routes se tapissent d’orange flamboyant. Leur mère, bien que présente pour reprendre le flambeau familial, il est coutume d’avoir une figure masculine au sein de la famille. C’est pourquoi, Gabriel devient en quelque sorte l’homme de la maison. Un changement plus que radical pour Orazio, qui ne peut concevoir son grand frère comme une figure paternelle. Leur lien fraternel est alors écrasé par le poids des responsabilités de l’aîné. Gabriel se montre plus autoritaire, sévère et étouffant. Orazio, n’appréciant pas les airs que se donne son grand frère, prend alors un peu de distance, sans pour autant le mépriser avec ce perpétuel espoir de retrouver un jour son frère. De son côté, Nonna reprend les rennes de la maison et tandis que Gabriel travaille à la supérette aux côtés de sa mère au dépend de sa scolarité. Orazio quant à lui, s’est beaucoup occupé de Nino. En grandissant, ils ont noué un lien fraternel très solide basé sur un respect et une confiance mutuels, mettant inconsciemment Gabriel à l’écart. Aujourd’hui encore, c’est devenu presque naturel, les Titis et Grosminet des Mannoia.

1998 : Orazio est admis d’urgence à l’hôpital suite à une piqûre de guêpe qui lui a provoqué un œdème de Quick. Il est alors âgé de dix ans et passe à deux doigts de la mort. Les examens supplémentaires réalisés ont révélé une fragilité cardiaque, son électrocardiogramme montre que le jeune Mannoia souffre d’un souffle au cœur. La pratique d’un sport devient alors une nécessité pour éviter des complications futures. Il s'inscrit donc à la boxe mais n'en pratiques pas en haut niveau.


2004 : Orazio rencontre Suzanna, une belle italienne et premier amour dont la famille est installée à Miami depuis plusieurs générations. Il tombe immédiatement amoureux et sortent rapidement ensemble.

2006 : Il obtient son diplôme lycéen.

Les années qui suivirent n’ont guère changé. Gabriel s’est davantage aigri à mesure que les années passaient. Trop embourbé dans les obligations familiales, il en oubliait de vivre pour lui et a sacrifié une bonne partie de sa jeunesse pour offrir le meilleur à ses deux petits frères. Un choix qu’Orazio a toujours trouvé ridicule et n’a jamais approuvé. Il s’est d’ailleurs engueulé très souvent avec lui à ce sujet. L’entrée de Nino dans l’adolescence n’a fait qu’empirer le climat tendu à la maison familiale. Nino, téméraire et rebelle dans l’âme, en faisait voir de toutes les couleurs à Nonna, attirant les foudres de Gabriel. Orazio a maintes fois fait tampons entre les deux frères qui ne parviennent absolument pas à dialoguer sans brailler : Gabriel, vieux jeu, qui s’offusque à la moindre déviance des coutumes ancestrales et Nino qui modernisent les traditions Mannoiennes. Orazio, est en quelque sorte le pivot de la fratrie. Les déjeuners dominicaux sont devenus insupportables, car ils s’achèvent très souvent en nœud de boudins. Gabriel et Nino ont des visions bien différentes : Gabriel veut un grand avenir pour le cadet. Constamment sur son dos, il l’incite à faire de hautes études pour décrocher un métier prestigieux et à cesser de batifoler avec les donzelles pour se trouver una donna qui lui donnera de beaux enfants. Malheureusement, Nino n’a pas la fibre pour les études et son caractère volage donne à Gabriel des cheveux blancs. Orazio a beau aimer ses frères, il a attendu avec impatience que sa relation avec Suzanna devienne plus sérieuse pour quitter le domicile des Mannoia et s’installer avec sa petite amie, une décision que Gabriel a eu du mal à accepter.  

Sur le plan professionnel, après le lycée Orazio s’est lancé dans des études professionnalisantes, puis a suivi une formation pour devenir plombier. Longtemps, il a bossé pour une société de sous-traitants avant de bosser à son compte et emménager avec Suzanna dans le quartier de Design District à vingt-six ans. Passionné de musique, il prend des cours de guitare à l’insu de ses frères. Il voit déjà les réfléxions de son aîné et les railleries du cadet s’ils venaient un jour à l’apprendre. C’est le seul secret qu’il n’a jamais partagé avec sa fratrie. Huit ans de vie commune dans laquelle le projet de fonder une famille était au cœur des discussions. Toutefois, le jeune homme n’avait pas prévu que Suzanna, son grand amour, lui soit infidèle et tombe enceinte. Derrière sa grande carrure, son aspect bourru, sa fierté italienne, derrière cette indifférence qu’il reflète aux yeux de tous, elle venait de lui briser le cœur. A l’annonce de son infidélité, il n’a pas fait d’esclandre. Il lui a simplement demandé de prendre ses affaires et de partir pour ne jamais revenir. Voilà maintenant quatre mois que le couple est séparé et personne ne semble encore avoir eu vent de la nouvelle. Orazio ne se sent pas encore prêt à l’annoncer à Gabriel qui avait misé tant d’espoir sur cette relation. Pour panser ces moments de peine, il s’isole avec sa guitare et joue un peu pour s’oublier.