Une gélule et c’est parti ! J’avale et je bois un grand verre, ça va beaucoup mieux ! Je me sens de bonne humeur aujourd’hui, je ne sais pas ce que j’ai, ça fait plusieurs jours, franchement le fait de devoir me taper de tronche de Mannoia me fait rire.
Je me rappelle vite fait du dossier, je l’ai lu diagonal, je me prépare et saute dans la voiture pour me rendre au point de rendez-vous avec Mannoia, je n'aime pas travailler en équipe, surtout quand ce sont des gens comme lui, ou quand ce sont des gens tout court, d’habitude, je le fuis comme la peste, mais là, je m’en fous complètement.

Je mets mes lunettes de soleil quand j’arrive auprès de lui, pas un bonjour, ni de salutation, je fronce des sourcils derrière mes lunettes de soleil et attrape les clés en vol, c’est moi qui conduis ? Cool.
Je joue avec le trousseau de clés entre mes doigts et fait tourner autour de ceux-ci.

 « Bonjour à toi aussi ! »

Rien que de voir ta tronche, je sais que tu n'as pas envie que je sois là et rien que pour ça, j’ai autant de rester et te faire chier, bon ça, c'est parce que je suis vraiment de bonne humeur, t’en a de la chance !
Avant que décide de me reprendre les clés, je vais pour me placer à l’intérieur de la belle voiture et fais glisser mes doigts le long du volant, je suis tellement content de pouvoir conduire… Mais j’en avais presque oublié notre prisonnier, franchement, je m’en tape mal de ce qu’il a fait, chacun sa merde, moi, je vais juste le chercher et escorter l’inspecteur Jesuispaspoli. Je lui fais un sourire, j’ai déjà hâte d’arriver, je mangerai bien un bout au distributeur en arrivant, on n'est pas à cinq minutes près.

Alors que je démarre, le véhicule roule jusqu’à l’hôpital, l’ambiance à l’intérieur de voiture est aussi joyeuse qu’un enterrement, Gabriel a dû faire vœux de silence, je suis déjà étonné qu’il n'ait pas remué ciel et terre pour pas me coltiner, ah ! Bien fait…
Même si je me serais passé de toi, je me serais encore plus amusé avec Collins, elle au moins, elle est cool, pas comme toi. Je suis sûr que tu vas tirer la tronche tout le long.

Je regarde la route à travers mes lunettes de soleil, venant pointer mon doigt sur la radio pour ambiancer la voiture, non parce qu’on dirait vraiment que quelqu’un est mort. Je change la radio et augmente le son, on va quand même pas passer le trajet dans un silence monastique.

Je sais que tu ne m'aimes pas et ça m’amuse vraiment. J’ai envie d’être omniprésent, juste pour te faire chier. Cette idée me fait sourire, quand je vois ta tête, tu as l’air vraiment déprimé, dépité, au bout de vie, soûlé… Je dois continuer ?
Mais contre tout étonnement, tu me réponds et même que tu me demandes comment je me sens. Quelle progression ! On passe du boudage au moulin à parole. Je sais que c’est ironique, mais je compte bien prendre ta question au pied de la lettre et te répondre aussi franchement que je le peux, d’un air ironique.

 « T’as vu le soleil ? ‘Fait beau hein ?
Si j’avais pu, je serais resté dans mon lit, mais je voulais pas rater ça. Je ne savais pas s’il allait faire chaud...froid...j’ai pris une veste, tu ne vois pas ?
Et toi ? Alors ? »

Je te montre ma veste en cuir, tu n'as aucune idée à quel point, je vais être chiant aujourd’hui et ça me rend HEUREUX. Je suis déçu, tu n'as pas remarqué mes lunettes de soleil, d’un côté, je ne vais pas m’en plaindre… Au moins, il y en aura l’un de nous deux qui aura l’air cool, évidemment, c’est moi. Tu tires tellement la tronche que notre invité va déprimer.

La sphère orangée brille et reflète sur le par-brise pendant que je profite des musiques qui passent. Un feu rouge se dessine en face de nous, je ralentis et m’arrête pour attendre de repartir. Je te regarde dans ton silence et me fais klaxonner parce que je rate le feu vert.
Fais chier. Je démarre à nouveau le véhicule et continue le parcours jusqu’à l’hôpital.
La radio crache un son et je tapote sur le volant au rythme de la musique. J’aime le fait que tu me laisses faire absolument – de toute façon, c'est moi qui conduis et c’est moi qui décide. Je me dis que tu vas sûrement remarquer que je ne suis pas comme d’habitude. Moi-même, je me surprends, mais ces putains de cachetons font leur effet et c’est peu le dire !
De toute manière, tu n'as rien à me dire et tu ne diras rien parce que tu as zéro preuve.

Soudain, la radio se coupe. Je souffle théâtralement, j’écoute ce que tu me dis tout en regardant notre chemin.
Quel idiot ce gars, je me demande c’est quoi le délire des danseuses en ce moment. On a une enquête presque similaire – bon, ce n'est pas totalement pareil – mais quand même !
Bla-bla, je m’en fiche pas mal de ce qu’il a fait, je m’occupe juste de le transporter avec toi, le reste, je m’en tape.

 « Pas net ? T’inquiètes, j’en ai transport des cas. »J
J’affiche un sourire amusé.
 « N’ai pas peur, je te protégerai. »

Quand tu me demandes mon avis, je hausse les épaules et lâche un soupir nasal, je te regarde quelques secondes à travers mes lunettes sombres et regarde à nouveau devant moi.

 « C’est con que l’alibi soit mort. Que dit l’autopsie ?
Attends, pendant l’arrestation, il n'a rien dit ? J’sais pas, c'est bizarre.
Quand tu ne dis pas net, c’est-à-dire ? S’il n'a pas les neurones en place, c’est possible qu’il soit jugé instable pour la prison, retour à la case psychiatrie.
Elle voyait quelqu’un d’autre ? Qui ?
En général, les meurtriers essayent toujours de se faire passer pour des innocents.  Ils pleurent, jurent sur leur vie, s’apitoie sur leur sort, parfois, c'est presque bluffant. Mais t'as sûrement dû déjà avoir le cas plus d’une fois.
Mais ce n'est pas rare d’avoir des gros psychopathes qui assument pleinement. »

▬ Tu casses les couilles, Whitmore. 

Heureux de te casser les couilles, sincèrement et honnêtement.
Normalement, je n'aurais même pas ouvert la bouche et je t’aurais envoyé chier et j’aime te clouer le bec, l’espace de quelques secondes.
Qu’est-ce que j’aimerais que ça soit éternel !
Je te donne un grand sourire bête et amusé.

 « Tu m’as demandé, je t’ai répondu. »

C’est pour ça que je n'aime pas traîner avec les flics, ils ne se sentent plus pisser. Nous, au moins, on ne passe pas nos journées à mettre des contraventions sur le par-brise des voitures. Nous, les Marshall, on a une réelle utilité !
On escorte les détenus, on parcourt le globe entier à la recherche de fugitif, et toi ? Qu’est-ce que tu fais hein ?
Tu m’accompagnes. J’aurais pu le faire seul, je ne sais pas pourquoi on me colle toujours quelqu’un. Ils savent que je n'aime pas être en binôme.

▬ Ouais t'as raison, protège-moi.

Telle une petite feuille, je sens ta peur face à notre terrible prisonnier ! Tu acceptes même que je te protège, ça coûtera juste 20 Dollars si j’en viens aux mains. Tarif d’ami… de collègue ! On n'est pas ami tous les deux.
 « Je serais ton épée et ton bouclier. »
Je te regarde avec ta clope, enfumer l’habitacle du véhicule, je me pince les lèvres.
 « Tu m’en files une ? »
Je ne fume pas, je n'aime pas fumer, le pire, c'est que je n'ai pas le droit de fumer avec ma pathologie, je veux juste t’en piquer une et t’embêter par la même occasion, je veux voir jusqu’où vont tes limites.
J’appuie sur l’allume-cigare pour que tu allumes ta cigarette, tristement mise derrière ton oreille qui ne demande qu’à être consommé.
Je te tends l’embout brûlant.

▬ L'autopsie elle dit qu'il est tombé, que son cerveau a rebondi dans la boîte crânienne et qu'il est mort dans les deux minutes...

Je bâille quand tu me parles de l’autopsie, pas que je m’ennuie…
Mais ce n'est pas le sujet le plus divertissant.

 « On peut dire qu’il ne s'est pas raté. »
Il est con ou quoi ? Pourquoi il a fait ça cet idiot ? Je hausse les épaules, pas de chance pour le procès, mais avec un peu de chance, il va clamer la folie et on va devoir l’amener direct en psychiatrie, chez les foufous du bocal.
Les jetés. Les cramés.
Crois-moi, quand on amène un détenu dans ce genre d’endroit, ça fait tout drôle. C’est pire que dans les films, tu entends les cris et les patients se promènent avec des gros filets de bave tellement ils sont retournés aux médocs.

▬  Luis a dit que c'est la chute qui l'a tué, l'équipe scientifique a dit qu'un nœud s'était desserré et qu'il était plus assuré... un accident à la con, quoi...
 « La mort conne quoi. 'Faut être débile pour se lancer dans des trucs comme ça, à croire qu’il le cherche un peu. »
▬ Tu sais, c'est des camés... il a essayé de se barrer mais quand Collins lui a dit de plus bouger, il a plus bougé quoi. Comment dire ? Docile, mou.
 « Des camés ? Es-tu sûr de toi ?
Ouais, il n'a pas bougé, peut-être parce que tu t’es mal pris avec lui. »
Je me tends légèrement quand tu parles de camés, d’un seul geste, je remonte mes lunettes de soleil sur mon nez pour cacher mes magnifiques yeux.
▬ Ouais enfin, c'était une camée aussi, elle faisait peut-être le tapin, qu'est-ce que j'en sais.  
 « J’pourrais pas te dire. » et je m’en fous pas mal, qu’elle fasse la pute si ça lui fait plaisir, ça me fait une belle jambe. Pour moi, ils sont tous fautifs, avec leurs yeux de biche à pleurer innocence.
Comment tu peux penser une seule seconde qu’on enverrait un Marshall si son innocence serait possible ?

 « Guette, on arrive. »

Je suis la route pour entrer dans le parking, j’ai hâte d’aller au distributeur.
Je connais tellement cet endroit, que je sais que ce n'est pas celui de l’entrée qu’il faut prendre parce qu’il se bloque toujours. Une bonne barre de chocolat ne serait pas de refus.
Envieux par la tentation, je me gare devant l’entrée à la place des taxis-ambulances, je coupe le moteur et te regarde une dernière fois avant de sortir de la voiture.

 « Tu vois ? J’ai regardé la route, comme tu me l’as demandé. »