Can you forgive me ?

Jayden & Elisabeth

Août 2022

D’une main fébrile et tremblante, je rabats une mèche de cheveux derrière l’oreille tandis que l’autre, esseulée, reste plaquée contre ma poitrine, comme si elle pouvait empêcher mon cœur de marteler ainsi ma cage thoracique. Je ne cesse de fixer mon reflet fatigué et cerné dans le miroir de l’entrée. Mon souffle saccadé, la gorge nouée, j’ai du mal à respirer. J’ignore encore si c’est l’effet du manque ou simplement l’idée de te revoir après m’être volatilisée de Los Angeles alors que toi, tu agonisais en silence. Je n’ai appris que bien trop tard la mort d’Eve et je n’ai compris que bien trop tard mon erreur. J’ai été faible. J’ai été lâche. Je t’ai abandonné. Je vous ai tous abandonnés. Est-ce que tu pourras me pardonner ? Pourtant, au fond de moi, je sais que je ne le mérite pas.

Je ferme un instant les yeux, pince très fort mes lèvres, prends une puissante inspiration puis expire un profond soupire. J’essaie de me donner un peu de contenance, de trouver la force de passer cette porte mais…j’ai peur…non. Je suis terrorisée, à l’idée de te perdre. C’est peut-être déjà fait, et cette pensée affreuse me tourmente. Mes mains se mettent soudain à trembler de nouveau. Je…j’ai besoin de…il me les faut…

Mon regard désespéré se tourne vers le tiroir où ils sont cachés. Je déglutis, ferme très fort les yeux. Non…tu n’en as pas besoin. Tu n’en as pas besoin….tu n’en as pas besoin que je me répète inlassablement pour m'en convaincre.

Puis finalement, je me redresse, arrange la lanière de mon sac sur l’épaule puis m’empresse de quitter mon appartement à pas à la fois hésitants mais décidés. Une fois en bas de l’immeuble, je m’arrête pour reprendre mon souffle. Je crois, que ça va…enfin, là encore, j’essaie de m’en convaincre. J’emboîte le pas en direction du café où tu m’as donné rendez-vous, sans pouvoir me délester de cette appréhension qui me colle à la peau et la nausée qui me gagne à mesure que je me rapproche de notre destination.

Une fois là-bas, je m'installe à une table, le regard glissant partout, à ta recherche. Mon téléphone vibre. C’est toi. Tu es là, à quelques mètres de moi. Le cœur sur le point d’imploser, je me lève pour doucement venir à ta rencontre, puis, je m’arrête, face à toi, dont le regard céruléen rencontre le mien. J’esquisse un sourire très fébrile, celui qui te témoigne la joie de te revoir ainsi que la peur de ne plus avoir cette place dans ton cœur…

Ma voix timide brise ce silence entre nous: salut… Jay...J’aimerais te prendre d’en mes bras, mais j’ignore j'ai probablement perdu ce droit depuis un moment. Alors, je reste simplement, plantée devant toi, pantoise avec ce faible sourire dessiné au creux des lèvres…

Can you forgive me ?

Jayden & Elisabeth

Août 2022

Salut Eli… ta voix me parait si fade, presque froide, et, lorsque tu glisses les mains dans tes poches, je comprends que les accolades ne seront pas pour aujourd’hui. Tu gardes une certaine distance. Comment t’en vouloir ? ce n’est que juste punition et ma nouvelle pénitence. Je déglutis, avec cette boule énorme au fond de ma gorge, sans pour autant parvenir à camoufler mes sentiments. Je joins mes mains puis les étreins fortement, pour limiter les tremblements.

On s’installe… ce même ton détaché. Ce n’est pas une demande mais j’acquiesce d’un petit signe de la tête. Je m’assois à la table de ton choix, prenant soin d’accrocher la lanière de mon sac sur la chaise. À nouveau, je joins les mains, puis les étreins. Mon cœur ne cesse de tambouriner. Il y a cette tension dans l’air…elle est si lourde, si palpable que je ressens ta colère, ta déception lorsque le silence s’installe entre nous et que ton regard cerné me fixe. Je laisse mes prunelles te découvrir. Tu es pâle et fatigué. Tu sembles avoir maigri. Et lorsque je te dévisage ainsi, j’ai l’impression d’observer mon propre reflet et ça me tue...Tu souffrais et je n'était pas là, noyée dans mes propre tourments...

Tu n’as pas besoin de parler, ton regard en souffrance est une évidence. J’humecte mes lèvres et brise ce silence : ça faisait longtemps… je ne peut pas te demander si ça va, ça serait ridicule alors je me contente de répéter, trop longtemps… je déglutis tandis que mon regard vient choir sur mes doigts. je suis désolée… je tente de contenir mon souffle qui s’accélère sous les assauts de mon cœur contre ma poitrine.

Je sais que tu m’en veux…et je ne sais pas…quoi te dire hormis que… mes iris bleutés soudain se mettent à briller en venant accrocher tes prunelles, je suis désolée… que je souffle de nouveau. J’aimerais pouvoir tout te dire, mais je ne suis pas sûre que tu puisses comprendre. Tu crois que… je me retiens un instant, hésitante. tu pourrais un jour…me pardonner ?

Can you forgive me ?

Jayden & Elisabeth

Août 2022

Ça c’est sur… En même temps, tu as disparu sans même laisser un mot… Envolée à l’autre bout de l’Amérique comme une voleuse.” Je pince les lèvres, aussi fort que mon cœur qui se resserre sous tes paroles. Chaque mot qui traverse tes lèvres est une affreuse torture. J’aimerais qu’ils restent enfouis, ne jamais les entendre, revenir en arrière où je t’inspirais encore cet exquis sourire sur ton visage d’ange.

Je ne sais pas… j’ai l’impression de me prendre une énorme gifle…Pour l’instant, je ne comprends pas pourquoi, sans savoir le pourquoi, comment pourrais-je te pardonner ? tes mots sont le poison qui meurtrit mon cœur. J’ai comme une masse dans l’estomac, ça me donne la nausée, sans doute parce que je me retiens de pleurer devant toi…Sans savoir pourquoi tu m’as abandonné ? Jayden…

Ma gorge est si nouée que j’ai l’impression de suffoquer…Sans savoir pourquoi tu préfères venir ici alors que cela n’a pas vraiment réussi semble-t-il ? mon palpitant s’affole et assène ma poitrine. J’ai du mal à me contenir. Je sens les larmes monter mais je les retiens. Mes yeux doivent sans doute briller tristement. Pourquoi as-tu préféré partir loin de nous, de moi, alors qu’on a toujours combattu de front nos soucis ensemble, hein ? J’aimerais tant pouvoir te dire…

Je déglutis. Je me retiens. Mon souffle, est comme bloqué. Je le sens durement s’échapper de mes narines avec rapidité. Sans savoir pourquoi je ne suis pas sûr de pouvoir amorcer un quelconque pardon Je la retiens, cette souffrance. Je la sens me torturer, m’étrangler et m’oppresser. Mais, mes forces s’amenuisent, puisqu’une larme vient lentement mourir sur ma joue.

La vérité en contrepartie de ton pardon ? C’est là ton ultimatum ? Mon regard fuit le tien pour choir sur la table. J’aimerais tant pouvoir te dire cette vérité qui pèse sur mon cœur, mais si jamais tu ne m’aimais plus après ça ? Si jamais ton regard changeait ? Je crois que je ne le supporterais pas. Alors quitte, à choisir, je préfère que tu sois en colère tout en m’aimant, plutôt que déçu en me regardant : J’ai… amorçai-je quand le serveur nous interrompu pour prendre notre commande. Je tourne le visage à son opposé pour essuyer mon visage pendant que tu choisis. Je pose mes yeux rougis sur le jeune homme esquissant un semblant de sourire fébrile : Un thé à la menthe s’il vous plait.

Alors qu’il s’en va, mes prunelles affligées affronte ton regard courroucé, avec cette même douleur dans la poitrine qui me consume je reprends là où j’ai été coupée, brisant le silence qu’il a laissé : Je comprends…à ta place, j’aurais sans doute réagi de la même manière. j’humecte mes lèvres un instant, je ne t’ai pas abandonné…je sais que c’est difficile à croire, mais ce n’est pas le cas. J’avais besoin de prendre un peu de recul, de m’éloigner de Los Angeles. Je soupire doucement. Jayden…il y a certaines choses que tu ne sais pas et… ma voix se fait de plus en plus hésitante et lointaine, j’ai peur qu’un jour…tu ne m’aimes plus…lorsque tu sauras, je sens de nouveau les larmes monter tandis que mes mains se mettent à trembler.

Je les joins l’une l’autre, puis les serre très fort pour cesser les tremblements, si bien que je viens à les cacher sous la table afin que tu ne vois pas à quel point je suis devenue pitoyable. Je me racle la gorge, feins un sourire pour garder un peu de contenance face à toi : Valérian m’a dit que tu habiterais chez lui. j’acquiesce d’un signe positif. c’est bien. Il m’a beaucoup aidé quand… quand je revenais d’entre les morts. Je n’achève pas ma phrase. Pas besoin de faire Saint-Cyr pour en deviner la fin. Je dis ça parce que…tu n’as pas l’air très bien. J’ai l’impression de voir mon propre reflet.

Can you forgive me ?

Jayden & Elisabeth

Août 2022

Toi et moi, on ne s’est jamais rien caché. Pourtant, cette fois, je ne me sens ni la force ni le courage d’avouer ce qui me ronge les sangs, le fruit de mes tourments. Ce n’est pas toi. C’est moi. Parce que si ces paroles venaient à franchir le seuil de mes lèvres, elles prendraient une dimension réelle et… je ne suis pas prête à confesser ce péché. Jusqu’ici, ce noir secret ne subsistait que dans mes pensées, un fardeau qui pesait lourd sur mes épaules et sur ma conscience.  Et, même si le cauchemar semblait avoir touché à sa fin, j’ai alors réalisé que l’enfer s’ouvrait sous mes pieds. Il n’y a pas pire fléau que la culpabilité, elle m’a poussée à tant de lâcheté que j’ai choisi de fuir tout ce que j’aimais…

J’ai conscience que cette attitude n’a pas joué en ma faveur…et je suis persuadée que cela apaisera ta conscience de connaitre la vérité, mais je ne m’en sentirais jamais soulagée et…je mourrais à l’idée que ton regard sur moi puisse à jamais changer. Tu es en colère certes, mais tu m’aimes toujours. J’ai si peu confiance en celle que je suis devenue. Et même si Valérian l’a deviné, dieu seul sait comment, je suis remplie de doutes. Je me dégoûte et parfois, je voudrais juste que tout s’arrête et que ma mort puisse marque un point finale à cette histoire.

Tu aurais simplement voulu partir de Los Angeles, tu nous aurais prévenues, et on t’aurait suivi… En-tout-cas moi... Tu as voulu t’éloigner de nous tout simplement…

Je pince les lèvres si frustrées de ne pas être aussi courageuse que tu l’aurais souhaité, alors c’est sur un ton plus sec que je m’emporte: C’est faux ! je m’en étonne et en reste même interdite. Alors, je me radoucis aussitôt. c’est faux… que je souffle presque dans un murmure. Je tente d’avoir les bons mots, parce que je veux que tu comprennes la peur qui paralyse à l’idée de n’être qu’une meurtrière à tes yeux. Je t’aime Jayden. Je t’aime de tout mon cœur mais je ne peux pas te dire la vérité pour le moment, c’est au-dessus de mes forces.

Parce que tu espères que notre relation s’améliore avec un secret entre nous ?  Nouvelle gifle, et je la sens m’atteindre si profondément que c’est mon cœur qui se brise. Je te dévisage incrédule, les larmes au bord des yeux mais je me contiens, surtout lorsque le serveur interrompt notre conversation pour prendre nos commandes. J’essaie de toutes mes forces de faire bonne figure, mais c’est dur. Je ne sais pas encore combien de temps je tiendrais face à ta dureté : Oui…je l’espère…de tout mon cœur… j’humecte mes lèvres, Tous les secrets ne sont pas bons à dire Jayden…tu es bien placé pour le savoir. Silence. Je suis accro aux anxio. Et toi tu tournes à quoi ? parce que je doute que ce soit un simple joint qui te mette dans cette état là. Je désigne son visage d’un signe de la tête. Il n’y a pas besoin d’être devin pour le comprendre…

Je sens une nouvelle crise monter. Je joins bien mes mains afin de contrôler mon corps à deux doigts de craquer. À nouveau ce besoin vient me parasiter, le besoin d’apaiser la détresse qui me submerge. Mon regard vient choir sur mon sac à main, contenant une boîte de pilules que j’ai dissimulée à Valérian pendant qu’il vidait mon armoire à pharmacie. Je déglutis, respire puis décide qu’il est temps de changer de sujet, pour notre bien à tous les deux. Je sais que Valérian vit à tes côtés et prends soin de toi comme je n’ai pas été capable de faire ces derniers mois. Et même si je m’en veux terriblement de na pas avoir été présente pour toi dans ces moments des plus difficiles, je sais que tu n’étais pas seul. Valérian a beaucoup fait pour moi, et si j’ai su me relever aujourd’hui, c’est en parti grâce à lui. Je sais que j’ai failli à mon rôle, mais je veux me rattraper, redevenir cette rambarde sur laquelle tu peux te raccrocher, l’épaule sur laquelle tu puisses pleurer, l’ancrage qui t’empêchera de sombrer. Je sais que j’ai encore beaucoup de travail sur moi-même à faire, mais je veux essayer, parce que tu es petit frère et que je t’aime.

Je suis déjà chez lui depuis une bonne semaine en effet. Tant fait pas, il a toujours fait des allers-retours entre Miami et LA pour s’occuper de moi. Je mords ma lèvres inférieure en détournant les yeux et laissant échapper un soupire d’impatience. Pour s’occuper de nous…

Parce que je ne vais pas bien depuis le départ d’Evee, ce n'est pas nouveau. Mes prunelles viennent s’attarder sur tes iris céruléens. C’est vrai que je n’ai appris que plus tard son décès, alors que toi, tu soutenais qu’elle t’avais simplement quitté. Si j’avais pu être à tes côtés et prendre soin de toi…mais je n’arrivais même pas à subsister moi-même. Je me laissais dépérir, l’esprit tourmentée par la Mort à qui je tendais les bras…Oui…tu penses vraiment que cette overdose était un vulgaire accident ?

Alors que j’amorce un geste tendre de la main dans ta direction, je me rétracte. Puis croise les bras en laissant mon regard vagabonder sur le côté. Je mordille l’intérieur de ma joue. Je suis là maintenant. Je viens de nouveau poser les yeux sur toi. et comme tu peux le voir, pas au mieux de ma forme. Mais je vais être là maintenant. Reste à savoir si tu veux de moi. Mais en tout cas, moi, j’ai besoin de toi… Je reste fixée sur tes prunelles un certain temps avant d’ajouter, Je t’aime Jayden.

Le serveur nous amène nos boissons et je m’empresse de boire deux ou trois gorgées de ma boisson chaude.