@Elijah Scott

Mes fringues tombent au sol dans un bruit mat et je les laisse là où ils sont sans prendre la peine de les plier ou même de les poser ailleurs. J'incline la tête légèrement, à gauche puis à droite, pour m'étirer et chasser cette douleur que je traîne dans les cervicales. Je pousse un long soupire de soulagement quand j'arrive à obtenir un craquement et entre alors dans le bain brûlant que je viens de me faire couler. C'est peut-être bien le seul moment où je me sens bien dans l'eau, autrement, je ne fous ni les pieds dans une piscine ni dans aucune autre sorte d'étendue d'eau... D'autant plus après les évènements du jour. J'suis pas prête de foutre les pieds à la plage.

Je m'allonge, m'étend en soupirant une nouvelle fois et cherche machinalement une cigarette dans le paquet que j'ai gardé à portée de main.
Quelle journée de merde.
A tâtons, je cherche mon briquet et je dois m'y reprendre à trois fois pour obtenir du feu. Faudra que je pense à le changer, il commence à faiblir, ce briquet... Ma tête bascule en arrière tandis que je tire sur ma clope pour finalement laisser une volute de fumée s'élever au-dessus de moi, comme s'il s'agissait d'un genre de serpent d'éther. C'est autrement poétique et beau de le regarder lui plutôt que le plafond craquelé qui se dispute une couleur entre le blanc crade et le jaune délavé. Mon appart n'est pas insalubre, mais, clairement, on est loin du luxe. En même temps, mon petit salaire me permet pas vraiment d'envisager mieux et, soyons honnête, j'y passe tellement peu de temps que j'm'en fous un peu.

Je ne suis pas vraiment ce qu'on peut appeler une fée du ménage non plus : peut-être par pur esprit de contradiction, puisque c'était si attendu de la part de mes parents que je serais la parfaite petite ménagère. Du coup, j'ai freiné des quatre fers. Bon, qu'on s'entende, hein. Je suis loin d'être maniaque mais, j'suis pas crade non plus. Disons simplement que j'fais pas plus que le strict minimum.
Chez moi. C'est un bien grand mot. Cet appart, c'est seulement pour dormir, finalement, parfois y manger, quand j'y pense. D'ailleurs, mon frigo sert plutôt de cave à bière qu'à autre chose. J'ai pas encore utilisé les plaques de cuisson, depuis que je suis arrivée, j'suis même pas sûre qu'elles fonctionnent, quand j'y pense... Bref, tout ça pour dire que j'suis surtout là en coup de vent. J'me sens chez moi au boulot, j'suis dans mon élément là-bas. Ici... Ici c'est impersonnel.

Mon regard balaye la salle de bain : y'a encore des cartons de mon déménagement qui traînent et qui ne sont pas défaits alors que ça fait deux semaines que j'ai débarqué. Spoiler alert : ça va sûrement rester comme ça encore un bon moment... Je ne suis pas très matérialiste, y'a rien de vraiment inutile chez moi. Y'a pas de déco, non plus, à part une seule et unique photo de mon oncle Doug et moi, à ma sortie de l'école de Police. Elle est importante cette photo pour moi.
Putain, j'avais dis que je l'appellerais, et j'l'ai toujours pas fait. Je sais bien qu'il est sûrement occupé et que lui et moi on n'est pas vraiment des gens très expansifs. Mais je dois avouer qu'il me manque, mon oncle...

D'un autre côté, j'ai pas vraiment hâte de lui parler de mon nouveau partenaire : on a eu un accrochage dès le début mais bon, il est moins pire que mon ancien, je dois l'admettre. On arrive à bosser et mettre de côté nos différends au moins, quand il le faut...

Je sens des vibrations dans le mur qui attirent mon attention : c'est un peu comme quand on claque la porte trop fort et que ça en fait trembler tout le placo de la maison. Faut dire aussi que les murs pourraient être en papier mâché ici, ça serait la même. C'est pas la première fois que j'entends les voisins du dessus se disputer. Je ne les connais pas bien encore, mes voisins, je sais juste qu'on est deux studios sur le même palier, et un appartement au-dessus. Je sais qu'en haut, ils sont deux, un couple, et qu'ils se braillent souvent dessus en claquant les portes, sans prendre l'heure en considération. Mon voisin de palier, je crois qu'il est discret, je ne l'ai encore jamais croisé, je crois bien. On doit vivre en décalé.

Je soupire un peu, éteignant ma clope presque terminée en la plongeant dans l'eau de mon bain et abandonne son cadavre sur le rebord de la baignoire. C'est plus fort que moi, ma vigilance me chuchote d'écouter, de tendre l'oreille parce qu'on ne sait jamais... Et ce soir, j'ai l'impression que ça va plus loin. C'est pas comme d'habitude. Je crache un juron et sors du bain, pour enfiler rapidement mes vêtements, ne prenant pas la peine de sécher mes cheveux. D'un pas décidé, je traverse mon appart' et passe la porte. Je grimpe quatre à quatre les marches conduisant à l'appartement du dessus où j'entends les éclats de voix plus distinctement et le bruit caractéristique d'objets qui se brisent au sol. Les sourcils froncés, méfiante, je frappe à la porte et j'insiste jusqu'à ce qu'on vienne m'ouvrir :

▬ Eh ! Ouvrez !

Le silence se fait et je colle mon oreille à la porte. Ils hésitent ? La porte s'entrouvre finalement sur un grand type barbu qui me fusille du regard alors que je le dévisage avec méfiance, cherchant à regarder derrière lui s'il y a de quoi s'inquiéter.

▬ Qu'est-ce que tu veux ?

▬ Je viens voir si tout est ok parce que vous faites un bordel monstre.

▬ Fais pas chier et occupe-toi de ton cul, p'tite conne. me menace-t-il en jouant de sa taille comme si ça pouvait m'intimider mais je ne me laisse pas démonter et alors qu'il essaye de fermer la porte, je glisse mon pied dans l'embrasure de la porte pour l'empêcher de fermer.

▬ Madame, sortez de là, venez avec moi. j'appelle un peu plus fort en poussant la porte un peu brusquement pour essayer d'apercevoir la compagne qui se fait discrète.

▬ T'as de la merde dans les oreilles ? Tu veux que j't'en colle une peut-être ? rugit-il en refermant son énorme main sur mon épaule.

Je ne fais pas le poids -littéralement- face à un tel adversaire, c'est un fait, mais en Ecole de Police, on m'a appris que peu importe la taille, certains points faibles sont les mêmes. Je lui saisis rapidement les doigts pour les tordre dans une clé de bras annulant tout l'avantage de sa masse et de sa taille. Je force volontiers, mettant à rude épreuve la flexibilité de son poignet et de ses articulations.

▬ Vas y, j't'en prie, fais-moi ce plaisir... Et j'te jure que tu vas pourrir en taule. Madame ? Sortez. dis-je en relâchant le type en lui glissant un regard aussi mauvais que le sien. Espèce de fumier. Des mecs comme lui, j'en ai trop connu. Et cette femme, là, je ne la laisserai pas seule avec lui.

J'ai assez d'un visage qui me hante.

Elle finit par sortir, tremblante, le visage souillé d'un mélange affreux de khôl, de sang et de larmes. Je lui tends la main pour qu'elle me suive...
Mais l'autre n'a pas dit son dernier mot et revient à la charge...

@Elijah Scott

La main de la femme dans la mienne, je me place devant elle, faisant barrage de ma silhouette pourtant menue. Tu ne la toucheras pas. Je me dresse entre la menace et la victime comme un ultime rempart, poussée par une rage intérieure qui semble inscrite à l'encre indélébile. Des roustes, j'en ai déjà pris, et c'est justement pour ça que je ne la fermerai plus jamais. Et je ne laisserai pas une de mes paires se faire écraser de la même manière. Les mecs comme lui ne méritent pas d'exister. J'ai envie d'abuser de mon propre pouvoir pour qu'il découvre ce que ça fait, d'être impuissant. J'voudrais que les mecs dans son genre ressentent cette urgence impérative de fermer sa gueule, cette peur de dégoupiller une grenade, ce besoin de devoir changer de trottoir. J'voudrais écraser sa face contre le bitume et briser ses côtes si ça pouvait garantir qu'une ordure de moins sévirait sur Terre.

Mes pensées se bousculent et j'ai bien du mal à garder la tête froide, assaillie par des souvenirs peu agréables et des flashs de ce connard qui pleure ses dents. Il amorce un pas vers moi, dans une attitude menaçante et c'est là qu'il fait son entrée : le voisin de palier. Je ne peux pas vraiment l'affirmer, je ne l'ai jamais croisé avant ça mais, c'est la supposition que je fais quand, une fois qu'il s'est interposé entre moi et l'autre connard.

▬ Je dormais espèce d’idiot et je sais pas pour toi, mais mon sommeil est assez important, alors tu les laisses.

J'arque un léger sourcil : je n'ai pas vraiment l'habitude d'être traitée comme la demoiselle en détresse mais, je ne m'en offusque pas. Avoir un voisinage réactif, ça peut être vital parfois. Et je crois sincèrement que sans notre intervention à tous les deux... Un frisson me parcourt et je fronce les sourcils : autant ne pas y penser. Je profite de cette diversion pour conduire la femme dans le couloir, la poussant gentiment mais elle ne parvient pas à détacher son regard de son compagnon qui semble encore plus furieux.

Pourquoi. Qu'est-ce qui peut la pousser à endurer ça ? On dirait ce genre de petit oiseau trop longtemps resté en cage qui n'ose même pas franchir la porte quand on la lui laisse ouverte. Et ça me touche. Je voudrais la rassurer, lui dire que ça va aller, qu'elle peut vivre sans lui, qu'on l'aidera. Qu'elle peut quitter tout ça sans crainte parce qu'il y a forcément mieux en dehors de la cage.

Mais ça attendra.

Parce que notre dernier voisin passe un mauvais moment et doit sûrement regretter de ne pas être simplement resté au lit. Le poing de l'homme ivre vient s'abattre avec fracas dans le mur en placo, y laissant un cratère comme s'il s'était agi que d'un mur en papier de cigarette loupant par miracle le visage du jeune. J'amorce un mouvement mais voilà qu'il riposte d'un coup si sec et précis que j'en hausse les sourcils de surprise. Peut-être que ça lui remettra les idées en place, à l'autre... Je ne vais sûrement pas le plaindre.

▬ Viens là, p'tite merde ! rugit-il, contrarié et probablement vexé de s'être fait toucher aussi facilement. Mais n'attendant pas que le voisin du dessous consente à le rejoindre, il lui fonce carrément dessus, l'éjectant dans la cuisine où son dos percute de plein fouet le mobilier dans un bruit fracassant qui arrache un cri gémissant à la femme dans le couloir.

▬ Putain… marmonne le brun, en se protégeant le visage alors que le gorille commence à le ruer de coups.

J'avise un peu autour de moi puis, trouvant l'objet parfait, je m'en saisis.

▬ Hé ! je l'interpelle, en me plaçant derrière lui, avant d'abattre un coup de poêle derrière sa tête qui le fait tomber dans un gros bruit mat. Je soupire en relâchant l'ustensile de cuisine et pose un genou à terre pour vérifier son pouls. Il est assez faible mais il est là... Ce qui m'inquiète bien plus, c'est le sang qui s'échappe de son crâne.

▬ Merde... Fais chier ! je peste en tâchant de faire basculer l'homme sur le côté pour ensuite chercher la blessure derrière son crâne. J'arrache un bout de sa chemise -j'vais pas sacrifier mes fringues pour cette ordure quand même, y'a des limites...- et exerce une pression sur la blessure.

Tout en maintenant la pression, je jette un coup d'œil au troisième voisin, dans la cuisine.

▬ Hé, ça va ? T'as un portable sur toi ? ... Tu veux bien appeler les secours, s'il te plaît ?

Vraiment, ça ne me tient pas particulièrement à cœur, mais j'ai un boulot, un devoir et quand même un certain sens de l'éthique. J'peux pas risquer de perdre mon travail pour un truc aussi con...

J'espère qu'il se souviendra que parfois, le Karma peut tomber sous la forme d'une poêle...

Spoiler:

@Elijah Scott

Du coin de l'œil, je devine que le voisin du dessous se remet tant bien que mal sur ses pieds alors que je maintiens la compresse de fortune à l'arrière du crâne de ce prédateur devenu victime. Je ne vais sûrement pas le laisser comme ça, même s'il mériterait bien de goûter à sa propre médecine... A la place, je demande à ce qu'on appelle les secours. Il va s'en sortir, et après il va comparaître, ça c'est clair. Après tout, ma parole aura plus de poids que la sienne, pas vrai ? Je suis un agent de police qui a prêté serment : on m'écoutera, pas vrai ? Ce n'était finalement que de la légitime défense.

Et pourtant, j'ai beau me répéter tout ça, j'ai une appréhension, là, tapie tout au fond de moi. Un voile de doute et de méfiance. La justice, malheureusement, elle est souvent à deux vitesses et ça, je l'ai remarqué bien assez tôt...

▬ Hey Raiponce, tu m’as vu, j’ai l’air d’être le génie de la lampe ? Laisse-le crever.

Mon regard glisse vers l'homme en face de moi qui ne porte qu'un jogging, les pieds nus. C'est vrai, il essayait de dormir, avant de débarquer, il n'a sans doute pas pensé à prendre son téléphone. Je ne suis pas sûre de comprendre pourquoi il me sort ce charabia et ce surnom par contre, alors je fronce un peu les sourcils d'incompréhension mais n'en fait pas cas. Et puis, je réagis surtout à sa dernière phrase. Laisse-le crever. C'est vrai qu'il y en a qui ne mériterait que ça... Mais, j'suis pas comme ça, moi. J'suis pas comme eux. Je crois encore un peu aux valeurs de mon métier... Alors, peut-être que ça changera, un jour, qui sait...

Mais pas pour le moment.

▬ Si on ne fait rien et qu'il crève, ça sera un homicide...

Je n'ai pas besoin d'en dire plus, ni d'expliquer qu'on serait tous les trois, la femme, le voisin du dessous et moi-même, embarqués dans une sale histoire... Et entre nous, j'ai pas envie que ça vienne faire tâche sur mon casier... Sans dire un mot, le voisin du dessous se dirige vers le salon alors que je le suis du regard. Quand je l'entends en communication avec les secours, je me détends légèrement, continuant de surveiller la respiration du mec, sous le regard inquiet de sa compagne.

▬ ...est-ce.... est-ce qu'il va... ? hasarde la femme, emmitouflée dans un châle. Elle doit avoir la trentaine, pas plus.

▬ Non. Je ne sais pas ce que je lis dans son regard : de l'inquiétude ou du soulagement ? Hé, on va faire ce qu'il faut, ok ? Il vous touchera plus.

Elle semble paralysée, son regard comme hypnotisé par la tâche cramoisie, au sol. Elle doit être sous le choc et malgré moi, des souvenirs ressurgissent : est-ce qu'à sa place, je n'aurai pas espéré qu'il crève ? Pour me débarrasser définitivement de mes chaînes ? Je n'entends pas l'autre voisin terminer son appel. Il me sort de mes pensées quand il s'adresse à la femme.

▬ Vous avez de la glace ? Pour votre œil ?

Je leur glisse un regard : il s'est approché avec prévenance de la femme et j'apprécie qu'il soit resté. Je prends le temps de les observer un peu tous les deux et je me fais la réflexion que c'est la première fois que j'ai une véritable interaction avec tous mes voisins... La femme a toujours le regard perdu au sol.

▬ Vous vous appelez comment ? je demande à l'un comme l'autre, tenant toujours la compresse. Elle répond alors vaguement et je répète : Alice, c'est ça ?

J'attends qu'elle acquiesce et cherche son regard. Quand j'arrive à le capter, je lui indique l'autre voisin d'un coup de menton.

▬ Montrez-lui où se trouve la glace... dis-je d'une voix plus douce sans pouvoir m'empêcher de détailler la peau violacée sous son œil. Elle acquiesce, d'un air un peu absent, ses cheveux blonds s'échappant d'un chignon qui ne tient plus rien, et ils filent jusqu'au congélateur pour prendre de la glace.

Combien de temps encore ? Pas tant que ça, puisque j'entends finalement une sirène au loin et bientôt les secours débarquent. Alors qu'on emmène le mec sur une civière, je me retrouve à expliquer la situation, à donner mon nom et ma fonction pour garantir que cette affaire n'est pas ce qu'elle pourrait sembler être. Demain, je m'en occuperai. Un urgentiste demande à Alice si elle veut accompagner son compagnon à l'hôpital. Je fronce les sourcils, les bras croisés : pour qu'elle soit sa cible à son réveil ? Sûrement pas. Elle hésite et je pose une main sur son épaule :

▬ Rien ne vous y oblige... puis d'une voix un peu plus ferme, j'annonce à l'urgentiste : J'ai besoin de sa déposition. Elle reste avec moi. Prévenez peut-être sa famille, à lui.

Quand ils repartent enfin, je demande à Alice de préparer un sac, de prévenir sa famille et de partir d'ici. De refaire sa vie. Que si elle restait là, la prochaine fois, ce serait elle, dans la civière... Elle s'inquiète pour des trucs futiles, elle dit qu'elle peut pas tout emmener, qu'elle a son matériel, ici, qu'elle ne sait pas où aller, qu'elle n'a pas assez d'argent... Je regarde autour de nous :

▬ J'vois rien d'irremplaçable : c'est que d'la peinture et des pinceaux. Une vie par contre, ça se rachète pas.

Elle finit par disparaître derrière la porte d'un taxi. Et il ne reste plus que le voisin du bas et moi.

▬ Merci, au fait. Pour ton aide et... tout, quoi. J't'offre une bière ?

Drôle de soirée...

@Elijah Scott

Evidemment, après l'appel du voisin du dessous, les urgentistes ne sont pas les seuls à débarquer. Immédiatement, je vais à la rencontre des trois flics qui viennent de débarquer pour donner mon identité et leur faire comprendre que je suis de la maison. Vaut mieux que je donne ma version directement. Mais évidemment, on ne se connait pas et moi, je suis à Miami depuis trop peu de temps... Sans compter que je suis dans une brigade différente. C'est pas grave, je donne ma version, j'explique que c'est de la légitime défense, que l'homme en question s'est montré violent et qu'il fallait le neutraliser. Bref, je fais proprement ma déposition mais je tâche de protéger Alice, expliquant que je ferai moi-même le recueil de sa déposition.

Du coin de l'œil, je perçois que mon voisin et l'un des flics ont visiblement un passif puisque je l'entends prononcer ce qui semble être son prénom et son patronyme. Elijah, donc ? J'imagine que s'il le connait, c'est pas forcément bon signe. Pourtant, Alice s'interpose et moi-même je retiens le collègue en face de moi pour préciser que :

▬ Hé, il n'a rien à voir là-dedans, ok ? C'est moi.

Je glisse un regard vers Elijah et Alice qui s'est interposée entre le policier et notre voisin. L'inquiétude est lisible sur son visage, alors qu'elle a abandonné la poche de glace qu'elle garder sur son œil. Peut-être que c'est ça, finalement, qui achève de les convaincre de partir et de nous laisser, pour ce soir. Celui avec qui je parlais me fait comprendre que maintenant, tout repose sur le sort de l'agresseur. A mi mots, il me laisse entendre que s'il crève, il y aura une enquête, que je serai dans la merde. Mais que s'il s'en sort, ça va dépendre de lui : s'il veut porter plainte ou bien s'il préfère en rester là... Je fronce les sourcils et contient le fiel que j'ai bien envie de lui vomir dessus. Ok, donc dans tous les cas, sa parole à lui aurait plus de crédit ?

▬ J'ai fait c'qu'il fallait.

Je conclus fermement, en croisant les bras, les observant quitter l'appartement en même temps que les urgentistes. J'espère que j'ai réussi à le réinitialisé, ce connard, avec ce coup derrière la tête. J'espère qu'il sera pas assez con pour entreprendre de me poursuivre.

Je m'occupe d'Alice, la rassure, l'encourage à partir. J'ai pas envie qu'elle reste prisonnière de cette cage alors que la porte est ouverte. Faut qu'elle prenne son envol. Je la mets dans un taxi et la regarde s'éloigner. Et puis quand on est enfin seuls, avec le voisin du dessous, je lui glisse un regard, le dévisageant légèrement.

▬ Merci, au fait. Pour ton aide et... tout, quoi. J't'offre une bière ?

La proposition est sincère : c'est quand même une étrange soirée. Et puis, j'me suis mouillée pour lui alors, autant qu'on sympathise un peu et qu'on se mette d'accord sur la même version des faits... Surtout si on l'interroge à propos d'Alice.

▬ Je vais m’habiller. Sur le toit ?

J'esquisse un sourire en observant ses pieds nus et relevant les yeux sur son torse tout aussi nu. En effet. Même si, j'avoue qu'il n'y a rien de désagréable à regarder dans ce "tableau"... Je m'humecte les lèvres en acquiesçant :

▬ Ouais, ça marche.

C'est pas plus mal, le toit, c'est un coin neutre, ni chez l'un, ni chez l'autre. J'suis pas bien sûre qu'on y ait accès à la base, le propriétaire - le petit vieux qui tient l'épicerie d'en-dessous- n'a jamais vraiment était formel sur la question. Personnellement, j'y vais jamais. En même temps, quand je rentre chez moi, c'est pour dormir, et point. Même si le propio' dit que c'est pas possible, je fume dans mon appart' et j'ouvre la fenêtre pour me donner bonne conscience, comme si ça pouvais changer quelque chose.

Je passe par chez moi prendre des bières et un hoodie que je passe, et je cherche directement mon paquet de clopes pour placer une entre mes lèvres. Je bloque la porte pour qu'elle reste ouverte avec une brique qui doit visiblement servir de bloque porte aux habitués. Une fois là-haut, j'allume ma clope en attendant que mon drôle d'acolyte remonte. Quand je l'entends, je lui tends la bière après l'avoir décapsulée sur un rebord de muret.

▬ Elijah, c'est ça ? Dylan. dis-je, en tirant sur ma cigarette pour ensuite souffler une volute de fumée en tournant légèrement la tête sur le côté pour ne pas la lui cracher à la gueule. Tu fumes ? je demande, comme pour briser la glace...