Marko & Selena

Grab my hand, I'm drowning, I feel my heart pounding.
Why haven't you found me yet ? I hold you so proudly. Traumas, they surround me
I wish you'd just love me back.
Trauma - NF

2005.
La lumière de l’astre solaire se faufile et se fraye un chemin entre les rideaux gris de ma chambre, la chaleur me réchauffe et me donne presque une sensation de réconfort. J’aimerais que ce sentiment dur éternellement, mais soyons honnête, tout est éphémère dans cette maison. À peine levé du lit, j’entends déjà les cris incessants de mes parents à l’étage inférieur, les voix résonnent sur les murs, comme si les cris trouaient et perforaient ceux-ci. Ma gorge est nouée, mon estomac est lourd, je n’ose lever le pas sur le parquet de ma chambre et prendre mon courage pour affronter une nouvelle fois cette situation.
Ma couette quitte mon corps qui semble si frais par cette si belle et douce chaleur solaire, mes yeux se posent sur la fenêtre. J’aimerais me rendre à l’extérieur, la porte de ma chambre s’ouvre, mes yeux légèrement humides se figent sur ma mère qui fait son entrée discrètement à l’intérieur, elle s’installe dans mon lit sur lequel je viens poser ma tête sur ses cuisses, ses douces mains me procurent un léger sentiment d’apaisement, malgré tout, j’ai du mal à cacher cette anxiété.

《 Je suis désolée que tu aies dû entendre notre dispute, mon cœur. 》
《 Pourquoi vous vous disputez ? 》
《 Pour... rien, ce n'est pas important. 》
《 C'est vrai ? 》
《 Oui, Selena. 》
《 J'ai envie d'aller manger une glace en ville. 》
《 Non, on ne peut... pas aujourd'hui. 》
《 Tu me dis ça à chaque fois... 》
《 Je sais. La prochaine fois, on ira, mais pas maintenant. 》
《 Qu'est-ce que t'as au visage ? 》

Les marches de l’escalier grincent, on se lève en même temps et qu’elle sorte de la chambre aussitôt, comme si on avait fait quelque chose d’impardonnable. J’enfile aussitôt, mes vêtements oversize que j’ai pris l’habitude de porter pour cacher les hématomes et toutes marques apparentes de maltraitance. La porte s’ouvre violemment, je sursaute sur place quand je sens le regard froid et moralisateur de mon père.

《 T’es en retard, t’as vu l’heure ? Le petit-déjeuner va refroidir.
Dépêche-toi, je ne tolère pas ton insubordination. 》

Alors que le petit-déjeuner défile, je trouve que les heures sont longues, extrêmement longue, le repas se passe en silence, l’ambiance est pesante, terriblement troublante quand je lâche ma cuillère, mon père se lève en trombe et s’en va en pestant quelque chose que je n’ai pas compris, je lâche un soupire nasal discret, dans pas longtemps il va aller faire sa sieste dans son canapé et je pourrais enfin, m’enfuir de cette maison et me rendre jusqu’au lac. Le seul endroit où je peux enfin respirer.

L’air est frais, le vent souffle et s’écrase sur mon visage me procurant un bien fou. J’ai l’impression que mes poumons se décompressent et respirent enfin, ma respiration est troublée par l’anxiété, je suis nerveuse de savoir si mon père finira sa sieste plutôt que prévu et qu’il remarque mon absence, j’arrache doucement l’herbe qui chatouille ma paume de main et entends des pas se diriger auprès de moi.
C’est l’un des nouveaux voisins, je l’ai vu l’autre jour par la fenêtre quand ils ont emménagé, quand je vois une tête blonde se diriger auprès de moi, un sourire se forme sur mes lèvres et me tourne doucement vers le garçon.

《 Salut… ça va ? Je t’ai vu l’autre jour emménager. On est voisins. 》
《 Je m’appelle Selena et toi ? 》

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Été 2005

La voix de Maman fait trembler toute la maison. Je crois que je ne l’avais jamais vue aussi en colère. Je crois...qu'elle m'en veut  Je les entends, ils parlent de moi, mais je n’arrive pas à tout comprendre. Mais...arh...j’ai mal au ventre. Pourquoi j’ai mal au ventre comme ça ?

Je me mets à faire les cent pas dans ma chambre, engouffrant mes mains dans mes cheveux. J’ai le cœur qui bat trop vite, ça me fait mal. Je souffle en me disant que ça le calmerait. Je regarde la porte. Je devrais y aller non ? Je m’y dirige mais finalement, je n’ose pas. Je suis nul. J’aime pas les entendre s’engueuler. Papa a l’air de s’en foutre que le vieux a crevé. Il a même l’air content. Enfin là pas vraiment, je l’entends brailler depuis le rez-de-chaussée et ça me fait sursauter comme une fiotte. Je me laisse tomber dans mon lit puis plaque les mains sur mes oreilles et je ferme les yeux très fort. C’est long. J’en ai marre. Faut que je sorte d’ici. Je me lève à la hâte pour ouvrir la fenêtre. J’attrape la gouttière et descends tout en bas. Mes pieds claquent le sol. Je regarde en haut, vers la fenêtre de ma chambre. Les voix me paraissent un peu plus lointaines, ça me soulage.

Les étoiles brillent ce soir. Il fait bon. Svetlana joue du violon, je l’entends, elle a laissé sa fenêtre ouverte. Niko, je sais pas ce qu’il fout, sûrement en train de regarder sa série débile. J’en peux plus de cette baraque. Je me casse. Je m’éloigne en empruntant le petit chemin de terre qui mène au lac. L’air est bon. Ça sent l’été. Les mains dans les poches, je traîne doucement les pieds, shootant dans quelques cailloux qui traînaient sur la route. Je regarde le vide devant moi, puis la lueur céleste de la lune qui se reflète à la surface du lac et ces milliers d’étoiles qui parsèment le ciel. Je me sens bien tout à coup. C’est calme. C’est vide. Je respire enfin : Salut… ça va ? Je t’ai vu l’autre jour emménager. On est voisins. Je m’appelle Selena et toi ? 

Hein ? Je lève les yeux vers cette voix de fille qui émerge soudain du silence. Je remarque une petite tête blonde qui me regarde. Je me trouve un peu con, moi qui pensais être le seul à venir ici. La lune est si brillante, qu’elle éclaire son visage. Elle...elle est jolie. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle ne devrait pas être chez elle ? Ses parents doivent sûrement la chercher non ?

Salut... je m’avance dans sa direction et m’arrête devant elle. J’ai pas envie de dire que ça va parce que si je suis ici, mais bizarrement, là ça va. Je lui réponds d’un petit signe de la tête, puis m’assois à côté. Je regarde un moment la surface de l’eau lisse et sombre : Marko. J’avale ma salive puis la regarde. Elle est plus près. Je peux mieux la voir. Elle...elle est vraiment très jolie. On dirait une poupée de porcelaine. Elle a les traits fins et des yeux magnifiques, un bleu turquoise dont je pourrais passer des heures à regarder : Tu viens souvent ici ?

:copyright: Grey WIND.

 Marko & Selena

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I wish you'd just love me back.
Trauma - NF

L’astre solaire reflète sur le lac dominant, le vent dessine des vagues sur la surface. Le vent souffle doucement et caresse mon visage, le calme me fait du bien, il est rassurant, c’est comme profiter du calme après la tempête, les cris sont lointains, seuls les petits oiseaux brise ce silence.
Je crois que j’aime de plus en plus cet endroit, il permet de s’éloigner si loin et cette nouvelle tête blonde, me fait sourire tendrement.
Toi aussi, tu es venu perdre ton esprit dans ce lieu réconfortant ? Même si tu ne me connais pas, je crois savoir qui est ta famille.

Ta venue a fait parler plus d’un voisin, j’ai entendu l’autre voisin parler de ta famille et ton nom, je n’ai pas totalement tout compris, mais de ce qu’ils ont dit, il faudrait vous éviter comme la peste et le choléra. Mon père a dit à ma mère, que vous n’étiez qu’une famille de pourri et qu’il ne voulait absolument pas me voir auprès de la clôture qui sépare nos maisons. Je suis un peu gêné pour toi, parce que je me dis que ce n'est peut-être pas vrai. Ton visage n’est pas si horrible que ce qu’ils prétendent tous, je n’aime pas me faire des avis sur ceux des autres.
Je me contente de te sourire, pendant que les yeux croisent les tiens, je viens replacer ma mèche de cheveux dorée, derrière mon oreille et tapote doucement l’herbe à mes côtés pour que tu viennes prendre place vers moi.
Moi, je n'ai pas peur de toi et je crois même me dire que tu as l’air gentil au fond.

《 Tous les soirs ? Enfin… Je viens le plus souvent possible. 》

Je ne peux pas te dire ce que je fuis réellement, mais ça ne me dérange pas de partager cet endroit avec toi. Parfois, j’aimerais me diriger dans ce lac et sentir l’eau caresser ma peau, mais la réalité, c'est que je n’irais pas plus loin que cette bouée rouge au loin et encore, je ne suis pas sûr d’arriver jusqu’ici. Je te transmets un franc sourire en me disant, qu’au moins à la rentrée, j'aurais peut-être quelqu’un à qui parler.

《 Tu vas aller dans l’école de Dostoïevski ?
On sera peut-être même dans la même classe…  》

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Été 2005

Tous les soirs ? Enfin...je viens le plus souvent possible. Le plus souvent possible ? Comment ça se fait que je tombe sur elle seulement ce soir ? Elle venait peut-être à d’autres heures. Sans doute pour ça qu’on ne s’est pas croisé avant. Je me demande si elle habite dans le coin. J’imagine que oui, si elle est toute seule à cette heure-ci. À force de réfléchir, j’avais pas fait gaffe qu’elle me regarde toujours. Hum...c’est...j’aime pas ça. Enfin si je...non...ça me fait bizarre. Je trouve ça agréable mais...j’sais pas pourquoi ça me gêne : Ah... je me frotte la nuque et venant regarder le reflet de la lune sur le lac. D’accord. Cool. j’avale ma salive. Je sais pas trop quoi lui dire. J’ai pas l’habitude de parler aux filles. En fait, Svet, Niko et moi, on a jamais eu l’occasion de parler avec d’autres enfants. Selena est la première. J’imagine que c’est pour ça que je me sens bizarre. Ça me fait tout drôle dans le ventre, comme si je voulais aller aux toilettes mais...j’ai pas envie : T’habites dans le coin?

De petites vaguelettes déforment doucement la lune à la surface du lac, sans doute un poisson venu bouffer un insecte qui s’était perdu. Étrangement, je trouve ça apaisant. Le bruit de l’eau qui s’échoue sur la berge, les méandres à la surface, c’est comme se faire hypnotiser : Tu vas aller dans l’école de Dostoïevski ? On sera peut-être même dans la même classe… 

Sa voix me ramène tout à coup à la réalité. D’ailleurs, elle est douce et tout aussi apaisante que la nature ce soir. Mais lorsqu’elle mentionne Dostoïevski, je tourne le visage et la regarde incrédule. Mes lèvres s’entrouvrent et soufflent doucement : L’école? j’avais presque oublié qu’on était pas une famille comme les autres. Nous...on n’est pas comme les autres. Beaucoup disent qu’on mène la belle vie, qu’on a de la chance et qu’on est une famille de privilégié. Mais, moi, j’ai l’impression de vivre dans une prison. L’école, les amis...on ne sait pas ce que c’est. J’avale ma salive, avec la gorge qui me serre un peu quand je pense à la vie que nous menons. Je soupire et tourne le regard une nouvelle fois vers la surface, pensif : Nan. Aucune chance. Mon frère, ma sœur et moi, on va pas à l’école. On fait cours à la maison, avec des profs particuliers.. Petit silence.

C’est comment l’école ? je demande en le regardant.

:copyright: Grey WIND.

 Marko & Selena

Grab my hand, I'm drowning, I feel my heart pounding.
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Trauma - NF

Depuis que ça a commencé, j’aime venir me perdre ici, ça me permet de me sentir mieux, de libéré mon esprit trop encombré. Quand tu dis que c’est cool, je doute que ça soit si cool que ça… Si tu venais à la maison, tu verrais à quel point ce n'est pas cool du tout, entre les humeurs de mon père et qu’il décide de nous le faire comprendre, ce n'est jamais un moment de plaisir, je me demande si je suis la seule dans le cas, ce n'est pas possible, je sais que ce n'est pas normale au fond de moi, à l’école, les filles de ma classe n'ont pas d’hématome sur elles, elles n’ont pas à prétendre s’être pris une porte ou encore être tombé dans les escaliers, à part passé pour une idiote écervelée, c’est tout ce que je suis.

《 J’habite juste à côté de ta maison, je vous ai vu emménager l’autre jour. Ma maison, c'est celle avec les palissades en bois, j’ai toujours vécu ici, enfin… dans cette maison. Et toi ? Tu étais où avant ? 》

J’écoute le vent qui s’écrase sur le lac, c’est apaisant, la lune est belle ce soir, elle brille de mille feux, ça me fait du bien d’être avec quelqu’un, quelqu’un d’autre que je n’ai pas l’habitude de voir, mes yeux glissent le long du lac pour revenir sur toi et te donner un sourire avant de hocher la tête.

《 Oui, l’école. 》

J’aime bien aller là-bas, c’est mon seul moment de répit quand je ne suis pas à la maison, là-bas, je me sens en sécurité, je sens que c’est possible d’être plus libre, d’avoir l’esprit un peu plus ouvert, même si je n’ai pas le droit de parler aux autres, je profite des récréations pour jouer comme je peux avec les autres enfants de mon âge, mais une fois la sonnerie, je dois remettre ce masque et attendre l’arrivée de mon père devant les portes du grillage pour me ramener à la maison. Je déteste ce moment, parfois, j'aimerais qu’on remarque réellement ces hématomes sur mon corps, ça serait tellement plus simple et plus facile.

《 L’école à la maison ? C’est… Comment ? 》 Je n’ose imaginer l’horreur si mon père aurait eu cette idée en tête, je me dis qu’avec un peu de chance ça se passe mieux chez toi, après tout, tu es entouré de frère et sœur visiblement.
《 C’est bien, je… j’aime bien aller à l’école, mes camarades de classes ne sont pas terrible et... 》 Je hausse les épaules doucement. Je ne peux pas t’en parler.
《 C’est dommage que tu n’ailles pas là-bas, on pourra toujours se retrouver ici ? 》  La honte, à part aller dans le jardin, je suis totalement en inégalité. Tu vas me trouver bizarre, est-ce que je suis bizarre ? J’aime ta présence… Elle me fait du bien, mais je ne peux pas rester éternellement, je viens poser ma main sur ton bras pour attirer ton attention sur moi. Je ne veux pas partir, mais si on remarque mon absence, ça sera bien pire et je ne veux pas que tu aies d’ennui à cause de moi.
《 Marko… Je vais devoir y aller. Mais… On se revoit bientôt. 》

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