Vendredi 3 juin 2022 - 10h00

J'écrase ma clope avec ma semelle, après avoir fermé la porte de la cage d'escalier qui mène sur la route. Je sais que ça a quelque chose d'assez contreproductif, de fumer alors que je pars courir, mais c'est comme ça, j'ai mes sales petites habitudes que je me traines depuis trop longtemps pour m'en passer. Et puis qui pourrait bien me faire la morale ? Je m'étire un peu la nuque, en inclinant la tête sur les côtés, les lunettes de soleil sur le nez avant de me mettre en route pour le parc où j'aime bien aller courir.

Gamine, j'ai toujours eu une constitution assez fragile, et faut dire que j'ai toujours eu l'air menue. C'est vrai qu'à l'Académie, j'étais pas vraiment la plus forte, pour certaines épreuves, mais là où j'écrasais presque tout le monde, c'était en résilience. En plus d'être quelqu'un de parfaitement obstiné, je l'avoue, l'un de mes trucs préférés, depuis gamine, c'est courir. Ça coûte rien, ça demande très peu de matériel, ça vide la tête et en plus de ça, ça développe l'endurance. Alors, c'est vrai, au début, j'étais pas la plus sportive, mais quand mon oncle m'a prise en main, pour l'académie de Police, là, je n'ai fait que progresser. Alors certes, je jetterai jamais de bagnoles comme Hulk, mais je suis à peu près certaine de pouvoir courser un suspect jusqu'aux confins de la Terre !

Ce matin, y'a pas trop de monde, et ça me va bien. Et à force de venir ici, y'a des visages qui finissent par être familiers. C'est le rendez-vous des joggers, mais pas seulement. J'ai pas vraiment besoin de musique pour courir, généralement, j'me concentre surtout sur mes pensées, les trucs qui ont besoin que je les tourne et tourne encore dans ma tête pour que je les digère, je suppose. C'est sans doute pour ça que les cris de la gamine m'interpelle, alors que je m'arrête pour boire un coup.

▬ Au secours ! S’il vous plait ! Aidez-moi !!

Je me tourne, cherchant d'où provient cet appel à l'aide et remarque enfin la petite. Je pose un genou à terre pour me mettre à son niveau, après avoir jeté un coup d'œil à l'entoure, des fois que sa mère ou père ou je sais pas qui encore la chercherait. Des fois, dans les parcs, y'a aussi des types louches, alors c'est aussi pour ça que je prends le temps de la dévisager et d'observer ses vêtements, son visage et finalement lui demander en jetant un coup d'œil au-dessus de son épaule :

▬ Hé, tout doux, qu'est-ce qui t'arrive, petite ?

En détresse

Jill

Un pas devant l’autre, chaque fois plus énergique que le précédent, le souffle régulé par le rythme de ma course, je progresse tranquillement dans les hectares déserts du Kennedy Park. Mes cheveux charbonneux, soigneusement relevés en queue de cheval, se dodelinent doucement sous le poids de mes baskets talochant sur la terre sèche du sentier. Ecouteurs lovés au creux de mes oreilles, j’agrémente ma course avec la délicieuse voix de Janny den adel, célèbre chanteuse du groupe Within Temptation. Le soleil, déjà haut dans le soleil promet encore une chaude journée.

Au bout d’une petite heure, je m’octroie une pause dans une petite clairière, pas très loin du sentier forestier. Mains posées sur la taille, je marche doucement pour reprendre mon souffle. Puis, tout à coup, au loin, à la lisière de la forêt, je crois apercevoir une petite silhouette qui agite les bras. Je me redresse, plissant les yeux pour mieux distinguer. On dirait une petite fille. Je retire instinctivement les écouteurs de mes oreilles et c’est alors que je peux entendre bien distinctement : Au secours ! S’il vous plait ! Aidez-moi !!  Je ne réfléchis pas et me précipite aussitôt vers elle.

Je ne suis visiblement pas la seule à l’avoir entendue car elle est vite rejointe d’une femme. A son langage corporel, je devine qu’il ne s’agit pas de sa mère, mais, tout comme moi, d’une passante. Je les rejoins tandis qu'elle s'accroupit au niveau de l’enfant pour l'interroger: Hé, tout doux, qu'est-ce qui t'arrive, petite ?

Hey, m’exprimai-je essoufflée. Je viens m’accroupir au niveau de la gamine et lui prends la main. Je jette une œillade à la femme avec moi, celui qui vous dit que oui, moi aussi, j’ai entendu.. Mon regard revient à l’enfant : qu’est-ce qui t’arrive ma puce ?

Vendredi 3 juin 2022 - 10h00

La gamine a bien du mal à retrouver son souffle et son calme pour parler. J'ai mis un genou à terre, pour me retrouver à son niveau et alors que je commence à lui expliquer qu'il faut qu'elle prenne une profonde inspiration pour calmer ses sanglots, une femme nous rejoint et s'agenouille face à la gamine en lui prenant la main. Je la regarde faire, fronçant légèrement les sourcils en me demandant d'abord s'il s'agit de sa mère mais je ne tarde pas à avoir ma réponse quand la nouvelle venue s'adresse à la petite. Elle me glisse également un regard et je comprends qu'elle a simplement entendu comme moi son appel de détresse.

Malgré son souffle saccadé par les sanglots, j'arrive à comprendre qu'il s'agit de son frère qui est semble-t-il tombé dans un trou, quelque part dans le parc. J'allais l'inviter à nous montrer l'endroit mais elle nous attrape déjà les mains pour nous entraîner dans la forêt. Je glisse un coup d'oeil à mon portable pour surveiller le réseau et la batterie.

▬ Il est profond, ce trou où il est tombé ? Il va sûrement falloir qu'on appelle les pompiers. dis-je en glissant un regard à l'autre femme.

J'ai bien remarqué que la gamine en elle-même n'a pas l'air blessé, mais est-ce que l'on pourra en dire autant de son frère ? Je suis d'avis d'appeler directement les secours pour pas trop que ça tarde : de toutes manières, blessé ou pas, il faudra une prise en charge des gamins... D'une seule main, je compose le numéro des pompiers pour signaler l'incident et le lieu où ça se déroule en prenant tout de même la peine de signaler ma profession ainsi que mon identité.

En détresse

Jill

La petite est sous le choc. Elle peine à s’exprimer, entre sa respiration saccadée, et l’émotion qui la submerge. La jeune femme, tout comme moi, essayons de savoir ce qui a bien pu lui arriver. Ce qui m’inquiète, c’est qu’elle soit toute seule ici. Le parc est gigantesque.

Lorsqu’elle parvient enfin à nous donner plus de détails, elle nous prend chacune la main pour nous entrainer avec elle dans la lisière de la forêt, là où visiblement son petit frère serait tombé dans un trou. Je me laisse guider, tout comme ma comparse qui ne tarde pas à faire remarquer qu’il serait sage de prévenir les pompiers. Je lui jette une œillade : Ouai…bonne idée je sors mon téléphone puis le brandis dans les airs dans plusieurs directions en plissant les yeux, le problème c’est que je ne capte rien du tout avec ce téléphone. Et vous ? mais visiblement elle a plus de chance. Je la laisse donc se charger des renforts.

La gamine, nous entraine toujours avec elle, plus profondément dans la forêt, et je ne peux m’empêcher de jeter plusieurs coups d’œil méfiants aux alentours. J’ai comme un mauvais présentiment : vous étiez tous seuls dans la forêt ? où sont vos parents ? demandai-je en fronçant les sourcils, sur mes gardes, sans quitter des yeux les buissons et arbres qui nous entourent tandis que l’autre femme essaient de signaler notre position aux secours…

Vendredi 3 juin 2022

Evidemment, que ça ne capte pas... Réseau de merde. Je me répète plusieurs fois dans mon smartphone avant de pousser un juron -que je ne prends pas la peine de maquiller malgré la présence de la gamine- alors que la communication se coupe définitivement. Mon regard capte celui de l'autre joggeuse qui m'interroge du regard :

▬ Ils entendaient quedalle, y'avait trop de coupures. Après avoir pris connaissance de l'étendu de la chose, faudra sans doute que l'une d'entre nous tape un sprint pour appeler les secours et leur signaler notre position. Inspectrice Dylan Collins, de la brigade criminelle. C'est quoi, votre nom ?

Parce que quitte à bosser ensemble, on va pas se faire des politesses et s'appeler madame... La gamine me répond finalement, en nous entraînant toujours un peu plus loin dans les bois. L'autre joggeuse soulève un bon point : qu'est-ce qu'ils foutaient à jouer ici sans surveillance, leurs parents, ils sont où ? Ils se sont perdus, donc... Un regard à mon équipière de fortune :

▬ On aura un signalement un faire, en plus de ça... On est pas à l'abri de les entendre ratisser les bois pour les retrouver, tendons l'oreille...

Et finalement, nous y sommes : le fameux trou où la gamine a vu son frère tomber. Quand je la vois s'y précipiter, je ne peux pas m'empêcher de la faire reculer d'un pas, la mettant en garde de ne pas tomber à son tour. Alors que la gamine supplie l'autre joggeuse, j'observe la profondeur du trou et surtout l'état du gamin qui se trouve à l'intérieur.

▬ Tomy, c'est ça ? Tu m'entends ? Je m'appelle Dylan, je suis de la Police, ok ? Tu as mal quelque part ? Ne bouge surtout pas, on va trouver un moyen de te sortir de là, ok ?

J'inspire, fronçant légèrement les sourcils en jaugeant la profondeur du trou et par quel moyen je pourrais m'y glisser pour le sortir de là et me sortir de là à mon tour... Evidemment, je pars rarement avec du matériel de descente en rappel, quand je vais courir... Finalement, j'estime qu'avec les aspérités dans la terre et la roche, j'arriverai à descendre sans me gameller et à regrimper par la suite. Je m'approche du trou et m'assois sur le rebord :

▬ Je vais descendre. Quand je serai en bas, je lui ferai la courte échelle ou bien, j'trouverai un moyen, de vous le monter suffisamment haut pour que vous puissiez l'attraper et le sortir de là, ok ? Moi, j'vais me démerder pour sortir : je devrais pouvoir grimper. Sinon... il faudra aller dans un coin où ça capte pour appeler et revenir me chercher...

Bon... Eh bah, c'est parti... J'inspire et commence à descendre en veillant à ne pas glisser et tomber. Je tends le bras à la joggueuse pour qu'elle m'assure le temps que je trouve une prise plus stable. Et je m'engouffre dans ce qui pourrait ressembler à la gorge du diable, pour un enfant...

En détresse

Jill

Il semblerait que ma comparse n’ait pas plus de chance que moi puisque sa conversation téléphonique s’achève en apothéose avec une injure. Mon regard l’interpelle tandis qu’elle confirme mes doutes. Je soupire lâchant un merde agacé. Toutefois, sa manière de s’exprimer me laisse présager qu’elle n’est pas une passante lambda et ce n’est que lorsqu’elle se présente enfin que je comprends. J’esquisse un sourire en coin faisant mine d’être soulagée par sa présence.

La police. On dirait que c’est notre jour de chance. Zoey Mallory. Serveuse au Diner d’Overtown. Rien de bien glorieux, plaisantai-je.

La gamine daigne enfin s’expliquer et nous entraîne dans la profondeur de la forêt en nous éloignant du parc. Je reste tout de même dubitative quant à la présence de ces enfants seuls en plein milieu de la forêt. Elle évoque un potentiel signalement à faire concernant les parents. Procédure obligatoire face à la négligence des parents. Cela me parait un peu prématuré: Hum…il faudrait peut-être connaître le fin mot de l’histoire avant de faire quoique ce soit. Qu’en dites-vous Inspectrice ? Il est vrai qu’il n’est pas exclu de tomber sur eux s’ils cherchent leurs enfants. C’est vrai. Espérons qu’ils aient pu prévenir les secours de leur côté.

Nous arrivons enfin près du fameux trou où est tombé le petit Tomy. La vache ! c’est profond. Je m’approche doucement tandis que Collins empêche la gamine d’aller plus loin. J’évalue alors la situation. Impossible d’aller le chercher sans risquer d’y rester coincée. Ma comparse essaie de rassurer Cali, puisque c’est comme ça qu'elle semble s’appeler avant de s’assurer que son frère ne soit pas trop blessé. Comme moi, elle analyse la situation. Elle n'est quand même pas assez stupide pour penser  descendre d'elle-même ? Je vais descendre. Et bien si visiblement. Quand je serai en bas, je lui ferai la courte échelle ou bien, j'trouverai un moyen, de vous le monter suffisamment haut pour que vous puissiez l'attraper et le sortir de là, ok ? Moi, j'vais me démerder pour sortir : je devrais pouvoir grimper. Sinon... il faudra aller dans un coin où ça capte pour appeler et revenir me chercher...

Je jette un bref coup d’œil au trou et aux divers points d’appuie. Je plisse les yeux, sceptique : Je ne suis pas sûre que ça soit très stable, d’autant plus que nous n’avons rien pour vous faire remonter si jamais vous restez coincé. Pas question de vous laisser vous et les enfants seuls ici. À deux, on devrait pouvoir y arriver.

La voilà qui commence sa descende aux Enfers. Je lui offre mon appuie tout en m’accrochant à une grosse racine. Enfin en bas, elle parvient à faire remonter le gamin comme elle l'avait finement planifié. Je l'attrape à mon tour et le fait assoir sur une grosse souche. Je vérifie sa cheville. Elle semble cassée. Il doit vite voir un médecin. Mais avant, je retourne auprès de Collins pour l'aider à remonter. Je m'accroche bien fermement à un gros branchage, mais, le craquement de ce dernier trahit le sort qui va bientôt s’abattre sur nous. La grosse branche se rompt et je bascule très vite en avant, entraînée par le poids de Dylan Dans la chute, je peux entendre les enfants hurler mais très vite, leurs voix n’est plus qu’un lointain murmure derrière le fracas de notre chute. Il me semble que le sol se brisa sous notre poids et l’obscurité soudain croît. La dernière chose dont je me souviens, c’est d’avoir pris un coup sur la tête avant de perdre connaissance.

Vendredi 3 juin 2022

J'ouvre péniblement les paupières, la vue encore un peu troublée par cette douleur qui me vrille le crâne. Les sourcils froncés, je me redresse péniblement, crachotant au passage un petit nuage poussiéreux, essuyant mon visage d'un revers de manche pas particulièrement en meilleur état. Où est-ce que j'suis tombée, bordel... Mon regard abandonne cette fente béante et lointaine au-dessus de nous avant de me souvenir que j'suis pas tombée toute seule. A côté de moi, j'entends la serveuse, Zoey, reprendre conscience. J'oublie mon propre état pour rejoindre le chevet de celle que je prends clairement pour une civile. Je pose un genou à terre, oubliant ma propre tempe pour vérifier si elle va bien.

▬ Hey, Zoey ? Vous allez bien, rien de cassé ?

Soucieuse, ma main vient chercher naturellement son menton pour relever légèrement sa tête et capter son regard. D'une légère pression du pouce et de l'index, je lui fais lentement tourner la tête pour inspecter son visage et son arcade qui pisse le sang. Fais chier. J'aime pas l'idée d'avoir impliqué une civile avec moi... Mais même si elle a été sonné, elle ne semble pas souffrir d'une quelconque fracture ou autre traumatisme. Je soupire. Bien, et maintenant ? Je relâche le menton de la joggeuse et lui offre ma main pour l'aider à se remettre sur pieds, alors qu'on est visiblement dans le même état, elle et moi... A la différence que c'est une civile, et que j'me dois de lui offrir assistance et protection.

▬ Vous pourrez rajouter ça à votre CV, quand on sera sorties d'ici... dis-je d'un ton léger, pour faire écho à l'aspect peu glorieux de son emploi de serveuse dont elle m'a parlé avant qu'on atterrisse ici. Je lui adresse un sourire léger mais qui se veut rassurant.

Une fois debout, j'époussette un peu ma tenue et m'équipe de mon téléphone pour me servir de sa luminosité et de l'outil torche pour y voir plus clair, maugréant au passage un poétique :

▬ Putain de Floride...

Un coup d'oeil vers le plafond - aucune chance qu'on sorte par-là- et mon attention se tourne vers la galerie dans laquelle nous sommes tombées. J'avance de quelques pas pour éclairer et explorer la galerie et voir si cette dernière se prolonge plus loin. Sans chercher le regard de Zoey, je lui demande pourtant :

▬ Vous pouvez marcher, ça va aller ? Aucune chance qu'on puisse grimper par-là, et faut pas compter sur plus de réseau : on est dans le trou de balle de Satan.

J'me permets la ... comment dirait mon partenaire grincheux, déjà ? Ah oui, la vulgarité de cette expression pour détendre un peu l'atmosphère, mais en réalité, j'ai l'impression que je me trompe pas tant que ça sur la description des lieux... Quand j'dis que ça pue la merde, c'est pas au sens propre : j'ai vu trop de films qui partent en cacahuètes, quand ça se passe sous terre... Je soupire brièvement et me tourne enfin vers Zoey :

▬ J'espère que les gamins n'auront pas l'idée idiote de se pencher au-dessus du trou... On peut rien faire pour eux d'ici. La gamine arrivera peut-être à trouver d'autres personnes pour signaler notre position. En attendant... Autant avancer : ça a tout l'air d'être une galerie, y'a probablement une sortie quelque part...

Lui glissant un sourire qui se veut rassurant, je l'invite à m'emboîter le pas pour que nous commencions l'exploration de cet étrange tunnel...

En détresse

Jill

Hey, Zoey ? Vous allez bien, rien de cassé ? un contact tiède sur mon menton. Des doigts fins. Je me souviens. J’ouvre les paupières, les sourcils froncés, le front plissé et les traits de mon visage qui s’étirent dans une grimace sous la douleur, soudain, lancinante. Je remue instinctivement mes articulations histoire de vérifier que tout soit en place. Ce n’est pas agréable mais rien qui laisse présager une éventuelle fracture.

Cinq sur cinq, répondis-je en me redressant péniblement et en m’aidant de la main qu’elle me tend pour me relever. Je m’étire un peu, massant mon cou et le bas de mon dos. Vous pourrez rajouter ça à votre CV, quand on sera sorties d'ici... ajoute-t-elle d’un sourire afin de se vouloir un peu rassurante. J’avais presque oublié qu’à ses yeux, je suis une civile à l’emploi peu reluisant. Pour une fois qu’il se passe quelque chose d’intéressant dans ma morne et triste vie mensongère, je dois camoufler mes reflexes d’agent et poursuivre les chroniques de Zoey Mallory.

Ma comparse se met en quête d’un moyen de sortir. Vue la chute que nous venons de subir, je n’envisage même pas la possibilité de remonter par où nous sommes arrivées. Je l’entends alors qui peste et attire mon attention. Un petit rictus étire le creux de mes lèvres : J’ai l’impression de m’entendre il y a deux ans quand je découvrai leurs ignobles gaufres poulet pastèque, j’époussette mes fringues à moitié déchirées en lui adressant un sourire. Virginie. précisais-je. Et vous ?

Comme Dylan, je scrute un peu les alentours avec le flash de mon téléphone. Mon flingue étant resté dans mon sac près des gamins, je n’ai absolument rien pour me défendre, ou bidouiller quelque chose hormis mon couteau de poche à la cheville. Vous pouvez marcher, ça va aller ? Aucune chance qu'on puisse grimper par-là, et faut pas compter sur plus de réseau : on est dans le trou de balle de Satan. Sans pour autant quitter des yeux le fond de la galerie droit devant, je ne peux m’empêcher d’esquisser un large sourire aux propos de la jeune femme.

un peu sombre et froid…Ca trou d’cul ! comme dirait Cartman. Trêve de plaisanterie. Oui. J’ai survécu à la descente du Styx alors, pour le reste, ça devrait aller. Et vous ça va ? demandai-je d’un signe de tête.

Dylan, ensuite, souligne un point important. Les gamins ne risquent rien. Ils ne seraient pas assez stupides pour se rapprocher du précipice une seconde fois. Espérons que la petite fille parviendra à trouver quelqu’un pour nous envoyer du renfort. En attendant, ma comparse a raison, nous devons continuer dans cette galerie. Nous échangeons ainsi un regard avant de nous rejoindre.

Je prends une bonne inspiration et soupire gaiment : Prête pour braver le trou de bal de Satan plus en profondeur ? plaisantai-je le sourire au bord des lèvres. Je sais, ce n'est guère le moment pour faire de l'esprit, mais quitte à se lancer dans une aventure à la Until Dawn, autant la rendre plus attrayante. Nous nous mettons finalement en route en espérant que le chemin ne soit ni trop long ni périlleux.

Vendredi 3 juin 2022

Quand je peste un juron qui laisse entendre que je ne viens pas de Floride, je ne m'attendais pas forcément à entendre Zoey me répondre et presque valider ma plainte. Je tourne un regard curieux et amusé vers elle, lui adressant un sourire amical.

▬ J’ai l’impression de m’entendre il y a deux ans quand je découvrais leurs ignobles gaufres poulet pastèque. Je grimace, écœurée : quelle horreur, j'devrais questionner Mannoia sur le sujet, lui qui a un avis tranché sur tout ce que je mange. Virginie. Et vous ?

▬ Californie, je lui réponds, avec un clin d'œil complice.

Je crois qu'à part l'Oregon ou l'état de Washington, je n'aurais pas pu venir de plus loin... J'crois que je suis bien tombée -sans mauvais jeu de mots...- avec elle, parce que loin de s'offusquer de mon expression pour qualifier ce boyau terreux où l'on a atterri, elle m'adresse un large sourire et me suit même dans mon délire. Elle me demande à son tour comment je me sens et j'accorde peu d'importance à ma blessure à ma tempe, lui assurant simplement que j'ai connu pire, donc ça devrait aller.

▬ Prête pour braver le trou de balle de Satan plus en profondeur ? dit-elle, à son tour, dans un sourire auquel je réponds, soulagée de pas avoir à gérer une civile claustrophobe, hystérique et coincée.

▬ Oh que oui. Allons lui tâter la prostate... Si c'est pas pour sa gastronomie, pourquoi vous êtes venue vous enterrer à Miami ? je lui demande, finalement, alors que la lumière de mon téléphone balaye l'intérieur de la galerie terreuse, à la recherche de n'importe quoi susceptible de nous servir.

Finalement, au bout d'une dizaine de minutes de papotage et d'exploration, on arrive devant de vieilles pioches et des wagons et tout un tas de bordel qui fait penser au petit train de la mine comme on en voit dans les films. Les squelettes en bonus. Je grimace : les cadavres, c'est un peu mon quotidien, c'est pas vraiment ça qui me fait cet effet, mais plutôt le cours d'eau que j'entends. Je frémis rien qu'à l'idée de me dire que le seul moyen de sortir d'ici sera de nager... Je garde pour moi cette phobie que je traîne depuis l'enfance et chasse la chair de poule sur mon épiderme en continuant de chercher au sol et autour des squelettes et des wagons jusqu'à trouver une coupure de journal. J'en lis le contenu à ma coéquipière du moment et fronce les sourcils en commentant :

▬ Qu'est-ce que ça fout là, ça... Quelqu'un est redescendu ici après l'effondrement avec sa p'tite gazette de 1952 ?...

Les sourcils froncés, je jette un coup d'œil autour de nous, balayant le trou du cul de Satan avec ma lampe torche.

▬ Vu la compagnie qu'on a, j'imagine que les secours sont jamais arrivés à temps... je souffle à Zoey. Je jette un coup d'œil par là, restez pas loin... dis-je, en lui indiquant le cours d'eau que je compte juste approcher pour déterminer d'où il vient et surtout, où est-ce qu'il ressort...

Pitié, putain de Dieu Requin, on sait tous les deux que l'eau c'est pas mon élément, alors espérons que ça soit pas la seule issue...

En détresse

Jill

Sa trogne dégoûtée à la pensée des fameuses gaufres poulet pastèque m’arrache un rire nasal qui s’achève par un large sourire amusé. Je presse le bas de mon dos avec mes doigts pour évaluer le niveau de la douleur, puis regarde le trou par lequel nous sommes tombées. J’ignore à combien de mètres sous terre nous avons été aspirées, mais assez profond pour ressentir une chaleur étouffante et une quantité d’oxygène bien moindre.

Dylan vient de Californie. Je fais une mine impressionnée. J’y ai déjà mis les pieds une fois, à Seattle. La police locale avait requis nos services pour résoudre une affaire de meurtre. Pendant que Dylan examine les alentours, je désespère à l’idée d’avoir laissé mon flingue à portée des gamins. Je me fais moi-même pitié à m’éclairer avec le flash de mon téléphone. Mais c'est la seule option pour le moment. Alors, je vérifier un peu partout si je peux trouver quelque chose qui pourrait nous servir. Nous remarquons finalement une espèce de galerie sur laquelle mène le chemin. Dylan se permet peu d’humour, histoire d'oublier qu'on s'est terrée dans un trou un rat. Et puisque visiblement, nous sommes sur la même longueur d’onde, je joue le jeu avec un tel naturel que ça semble l'amuser aussi:  Oh que oui. Allons lui tâter la prostate... Si c'est pas pour sa gastronomie, pourquoi vous êtes venue vous enterrer à Miami ?

Hum…on peut aller très loin comme ça. J’aime bien cette nana. Et c’est un sourire en coin, tout en éclairant devant moi que je réponds : Hum...et avec deux doigts ! sourire aux lèvres avant qu’il ne s’estompe lorsqu’elle me demande ce qui m’amène sur Miami. Je prends un petit temps et lui avoue: le boulot. au moins, je ne lui mens pas. Et vous ? qu’est-ce qui peut pousser une Californienne à s’engouffrer dans le trou du cul de la forêt du David T. Kennedy Park ? je continue d’éclairer devant nous jusqu’à ce que nous débouchions sur une espèce grotte, où nous découvrons avec joie (ironique), un tas de matériel pour mineur et…(soupire intérieur) des ossements. Je parcours lentement la grotte avec la lumière de mon téléphone : des pioches, des wagons, des seaux…on dirait une ancienne mine, j'immobilise le flash sur un tas d’ossements puis penche le visage sur le côté, et eux, j’imagine que ce sont les mineurs ? je grimace avec une certaine ironie, du moins, ce qu’il en reste.

 Qu'est-ce que ça fout là, ça... Je me tourne vers Dylan, apparemment absorbée par une vieille brochure de journal. Je m’approche pour découvrir à mon tour ce bout de papier et commence à en lire brièvement le contenu : Quelqu'un est redescendu ici après l'effondrement avec sa p'tite gazette de 1952 ? Vu la compagnie qu'on a, j'imagine que les secours sont jamais arrivés à temps...   Je fronce les sourcils à mesure que je progresse dans ma lecture. Toutefois Dylan soulève un point important. Mon regard dubitatif accroche le sien avant de remarquer le cours d’eau un peu plus loin que je lui désigne d’un signe de tête. Ou alors l’eau l’aurait amené par ici ? On se dévisage.

Je jette un coup d'œil par-là, restez pas loin... puis elle part en direction du cours d’eau. Elle ne semble pas très à l’aise tout à coup. Son langage corporel montre une certaine réticence. L’eau ne serait-elle pas son élément ? Finalement, je décide de la rejoindre. J’observe l’étendue bleue devant nous : S’il y a une entrée ici, c’est qu’il y a forcément une sortie quelque part. je me tourne vers ma comparse et lui lance un regard très sérieux, celui qui lui suggère la seule et unique option que j’ai trouvé pour espérer nous sortir d’ici.

Je suis bonne nageuse. Je vais y aller et vérifier s’il y a un passage. Et vous, vous n'avez qu'à... petit sourire aux lèvres je désigne les squelettes un peu plus loin. leur tenir compagnie, je grimace avec humour pour l'enquiquiner. Enfin, je me déleste de mon téléphone puis viens m’assoir sur la rive, mes jambes alors plongeant dans l’eau froide. Ouh…ça saisit. Je souffle puis tourne la tête vers Dylan. Si je ne suis pas remontée d’ici 10 minutes c’est que… sourire jaune, c’est que le trou de bal m’aura engloutie. Putain même à deux doigts de crever, j’arrive encore à délirer. Truc de flic ! faut pas chercher.

Allez ! je me concentre, attends un peu puis prends une grosse inspiration avant de plonger dans des profondeurs inconnues.

Vendredi 3 juin 2022

▬ Le boulot, qu'elle me répond, quand je lui demande ce qui l'amène en Floride, si c'est pas sa bouffe douteuse. Je la dévisage quand même un instant. Du boulot de serveuse dans un diner miteux du pire quartier de Miami, je présume quand même qu'on peut trouver pire, mais certainement trouver mieux ailleurs, même en Virginie. Mes sourcils se froncent brièvement, laissant apparaître ma mine circonspecte quelques secondes... Et vous ? Qu’est-ce qui peut pousser une Californienne à s’engouffrer dans le trou du cul de la forêt du David T. Kennedy Park ?

Je ricane légèrement et après un pincement de lèvres, je lui concède dans un sourire :

▬ Croyez le ou pas, mais, le boulot...

Voilà qui nous fait un nouveau point commun...

Quand je trouve pas le sommeil, la nuit - et ça arrive souvent- je passe pas mal de temps devant la télé. Et ce qu'on est en train de vivre, là, ça me rappelle tout un tas de scénarios qui puent vraiment du cul. La mine engloutie qui sert de tombeau aux mineurs... Et surtout... Surtout, y'a cette putain de sensation qui me coupe le souffle à l'idée que notre seule chance de sortir d'ici, c'est de passer par-là...
Malgré moi, malgré tout le sang froid que m'impose mon statut et cette situation, je sens une angoisse me saisir les tripes et me ronger de l'intérieur. Zoey me parle, mais je n'écoute déjà plus : ma tête n'est pas encore sous l'eau que j'ai déjà le sentiment de manquer d'air... Parfois, je travaille ma peur, chez moi, quand je prends un bain. Il m'arrive de mettre ma tête sous l'eau, d'essayer de tenir le plus longtemps possible. Mais y'a rien à faire. C'est pas une baignoire, là. C'est pas l'eau chaude de mon bain. J'peux pas sortir ma tête et respirer à ma guise.

Je sens mes oreilles bourdonner. Il doit y avoir un truc qui me trahi, peut-être mon souffle, peut-être quelque chose dans mon regard alors que je fixe l'eau, car Zoey m'annonce finalement, en me ramenant au moment présent :

▬ Je suis bonne nageuse. Je vais y aller et vérifier s’il y a un passage. Et vous, vous n'avez qu'à... leur tenir compagnie

Elle s'attire mon regard. Je la dévisage, incapable de répondre à sa plaisanterie par un sourire. A la place, je la jauge. Est-ce que c'est bien prudent de la laisser aller là-dedans ? Et puis, plus j'y pense, et plus je me dis qu'elle est un peu trop dégourdie et calme, pour une serveuse. Je fronce légèrement les sourcils et consent finalement à acquiescer. C'est pas comme si on avait le choix... Parce que c'est certainement pas moi qui vais y aller.

▬ Ok... Faites attention, là-dedans... Attendez.

Alors qu'elle commence à se glisser dans l'eau, en me parlant -dix minutes ?! quel genre d'humain passe dix putain de minutes en apnée ? Mon record dans ma baignoire, c'est quoi, trente putain de secondes ??- je cherche autour de moi, en balayant de lumière le sol et finis par trouver ce que je cherchais. Je me dépêche d'aller chercher la corde un peu poussiéreuse et l'enroule rapidement avant de rejoindre Zoey. Pendant que je prépare un noeud coulissant -Doug et ses leçons...- je souffle :

▬ Le fil d'Ariane, ça vous parle ?

Je suis pas quelqu'un de spécialement lettré, mais j'ai toujours aimé la mythologie grecque. Je donne l'extrémité de la corde nouée à Zoey pour qu'elle la passe autour d'elle et lui dit

▬ Si vous êtes en détresse, vous tirez trois coups, sur la corde, et j'vous remonte. Si vous arrivez à... passer de l'autre côté, attachez la corde pour faire un guide. Je prends une longue inspiration et souffle pour garder mon sang froid. J'bouge pas de là, j'vous tiens, ok ?

Elle prend une longue inspiration, et là voilà qui se laisse dévorer par les eaux. C'est elle qui plonge, mais je sens déjà le froid m'écraser les poumons. Putain de merde. Quand bien même y'aura cette corde pour pas que je me perde sous l'eau... J'suis pas sûre de pas céder à la panique quand même quand je manquerai d'air...

Mes doigts s'agrippent fermement à la corde.... Et j'attends...

Les dés: