L'ascenseur doit toujours revenir • Lucy

Je repose la tasse, fais une grimace d'agacement puis lance une oeillade autour de moi. Personne aux alentours, peut-être est-il trop tôt, peut-être que tout simplement personne n'est en train de m'espionner à la terrasse d'un café. Je passe les doigts contre ma nuque et me lève en balançant le paiement sur le plateau abandonné là par le serveur. Je ne me retourne même pas, me doutant qu'il ramassera le tout à peine serai-je parti. Je plonge les mains dans les poches et vais prendre le bus. Je commence dans deux heures et j'ai largement le temps de me faire aider pour une petite mission de routine. Bien que je n'aie pas mon arme de service sur moi, je conserve mon badge dans la poche intérieure de ma veste, ça sert toujours en cas de problème. Aujourd'hui, je vais rendre visite à une connaissance qui sait très bien qui je suis, et plus important encore, ce que je suis. Armé de mon téléphone, je cherche l'adresse et la façon la plus simple de m'y rendre.

J'ai toujours vécu dans cette ville mais une déviation, et je risquerais de me retrouver chez ces sauvages de Los Angeles... On ne peut pas avoir que des qualités, me rassure-je. Le trajet dure à peine dix minutes et le bus s'arrête à cinquante mètres de la maison de Lucy. Ah... Lucy, Lucy, Lucy. Un sourire amusé étire mes lèvres, et je repense au moment où nos regards se sont croisés, quand elle a cru qu'elle pourrait me faire les poches en toute tranquillité. D'autant plus que le seul objet auquel je porte un peu d'intérêt n'a pas forte valeur pécuniaire, ce n'est qu'un peu d'or blanc au bout d'une chaîne solide mais qui porte déjà le poids des années. J'aurais sans doute pu lui casser le bras, j'ai d'ailleurs voulu le faire. Pour lui donner une bonne leçon. Mais il faut toujours avoir des alliés, dans la vie. Il faut des alliés, sur lesquels pouvoir se reposer, sur lesquels pouvoir compter. Lucy ne fait pas partie de mes alliés, je n'ai pas confiance en elle. Mais elle m'en doit une, dirons-nous.

Parfois, je regarde Lucia et je comprends que tout ait commencé à tomber en morceaux. Elle le dit parfois, qu'elle se sent seule. Et je sais bien qu'elle ne parle pas de la maison de repos. Je lui réponds qu'elle peut voir le jardin par la fenêtre mais ça ne change rien, c'est un dialogue de sourds. Je comprends ce qu'elle veut dire, quand je vois que ses enfants sont les seuls à se souvenir qu'elle existe, quelque part, dans un coin. Et elle comprend que je ne peux pas la contredire. De temps en temps, un éclair de lucidité traverse son regard et nous tue tous les deux. Je ne peux pas changer ça, je ne peux que rendre les conditions dans lesquelles elle vit plus agréables. Je ne saurai pas mieux faire. Je m'appuie contre la porte deux secondes et m'en écarte le temps de frapper à la porte. J'espère qu'elle sera présente. Je m'en écarte sensiblement, par habitude.
▬ Lucy Dawson, ouvrez la porte s'il vous plaît.

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" Courtesy - Blood - Respect "

Cette nuit, j'étais rentrée tard. Une belle soirée un peu délirante mais toujours sobre. Je n'étais pas une adepte de l'alcool, je devais avoir les idées claires pour... Tout ce que j'avais à faire. Bon ok, je n'avais pas grand chose à faire, mais je n'étais pas du genre à me taper une cuite, sauf peut-être dans certains moments, avec certaines personnes. Il en était avec qui je parvenais davantage à me lâcher, mais celles-ci n'étaient pas présentes lors de cette sortie, j'étais donc rentrée sobre.

J'avais également ramené quelques trucs de cette soirée, lesquels étaient soit dispersés sur une table, soit toujours dans les poches de ma veste. Je n'avais pas pris le temps de ranger, car en rentrant je n'avais pas trop traîné à aller au lit. Et puis, je n'attendais personne, bien que je savais pertinemment qu'Alec pouvait débouler sans prévenir, mais s'il voulait arriver dans une maison rangée, il n'avait qu'à envoyer un petit sms, point. Et sur ce point, je rangeais souvent, mais là avait été un cas de force extrême. A revenir à deux heures du mat, je n'avais tout simplement pas eu le courage de tout ranger.

J'étais donc au lit, à dormir comme un gros bébé, bien qu'un bébé se serait probablement couché plus tôt, lorsque je fus réveillée par quelqu'un qui toquait. Mais qui cela pouvait-il bien être ? Il y avait vraiment des gens qui voulaient m'empêcher de dormir. Avec difficulté, je me levais de mon lit, avant de me diriger vers la porte d'entrée. C'est alors que je reconnus la voix... C'était un flic, le flic à qui j'avais essayé de voler quelque chose il y a peu. J'avais son nom: Gabriel Mannoia. Sans bruit, histoire de dire qu'il pense que, peut-être, je mettais un peu de temps à immerger, je partis dans le salon cacher un peu tout ce qui traînait, à la va-vite. Une fois que plus rien n'était apparent, je repris la direction de la porte et lui ouvris.

- Inspecteur Mannoia. Je peux vous aider ?

J'étais toute décoiffée, encore à moitié endormie, et en pyjama. Je ne m'excuserais pas, il devait s'y attendre en venant, étant donné l'heure qu'il était.

▬ Inspecteur Mannoia. Je peux vous aider ?
▬ Pas dans cette tenue en tout cas, dis-je en baladant mon regard sur elle. Peut-être que c'est trop subtile finalement, alors je lance une oeillade au-dessus de son épaule. Il ne semble pas y avoir de mouvement derrière elle. Qu'est-ce qu'ils ont tous à avoir la gueule dans le cul dès qu'on les cueille avant 10h ? Il n'y a personne qui sache lever son cul avant 7h par ici ? Je lève les yeux au ciel en reportant mon attention sur ce pyjama sur lequel je ne ferai pas de commentaire... je me mords une seconde l'intérieure de la lèvre et lui demande plus clairement si je peux entrer.

Nos regards se croisent. Allez, un peu de confiance petite Lucy, je ne vais pas te manger. Quoique.. avec ses cheveux ébouriffés comme ça, elle me fait penser à un chat sauvage. Je plonge une main dans ma poche et baisse une seconde le regard, pas assez longtemps pour qu'elle puisse vraiment que je vais en sortir quelque chose, assez longtemps néanmoins pour que l'idée puisse lui effleurer l'esprit. Elle semble hésiter, elle veut savoir pourquoi je veux rentrer chez elle. Je lui souffle, m'avançant sensiblement dans sa direction, que je ne viens que pour parler avec elle.

Une fois que la barrière de la porte est franchie, je sais que j'ai marqué un point. Mais qu'elle se rassure, nous sortirons tous les deux gagnants de notre entrevue. Je la remercie poliment et fais quelques pas dans la maison, ne manquant pas de regarder sur les meubles, ce qui peut traîner par terre mais c'est somme toute assez bien rangé. Les couche-tard doivent aimer l'ordre, sans doute. Je fais quelques pas de plus, essayant de trouver la cuisine pour pouvoir avoir la conversation autour d'une table mais finalement, je joins les mains dans mon dos et me retourne pour faire face à la jeune femme.

▬ Je viens vous proposer un arrangement. Je suis encore relativement contrarié par la mésaventure qui nous a présentés chacun à l'autre. J'ai un service à vous demander. En échange, vous n'entendrez plus parler de moi. Si vous refusez, je vous traîne d'ici dans votre pyjama et on ira parler au poste. C'est votre unique chance pour essayer de faire quelque chose qui soit un peu utile à la société... pour changer. Je croise les bras et la regarde. Le deal me paraît correct, qu'en dites-vous ?

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" Courtesy - Blood - Respect "

Il regarda la façon dont j’étais habillée, il n’y avait nulle raison d’être étonné, il était encore tôt et je ne travaillais pas, alors j’avais encore le droit de dormir jusqu’à être totalement reposée. Mais monsieur avait décidé de passer tôt et se permettait de me juger ! Je roulais des yeux, à peine réveillée et déjà agacée. Mais c’était un flic, il se croyait tout permis, d’autant qu’il m’avait prise sur le fait à tenter de le voler.

Il me demanda alors s’il pouvait entrer. Je soupirais. Je connaissais les flics dans son genre. Si je refusais, Il trouverait ça suspect et, bien qu’il n’ait pas de mandat, il serait capable de me mener la vie dure. Je me montrais hésitante, je ne voulais pas non plus passer pour une coupable, d’autant que je l’étais, sinon je ne me serais pas empressée de cacher tout ce que j’avais récolté la veille. Après un instant de réflexion, je soupirais à nouveau. Il plongea sa main dans sa poche, je ne savais pas pourquoi il faisait ça, peut-être allait-il en sortir quelque chose mais quoi et pourquoi ? Je ne le savais pas non plus. Peut-être désirait-il m’intimider, qui sait. Je ne vis que brièvement son regard se baisser. Je lui demandais alors pourquoi il voulait rentrer. Soit disant qu’il ne venait que pour parler. Un nouveau soupir. Après une énième hésitation, je décidais de me décaler, lui faisant signe de rentrer.

Une fois qu’il fut entré, je refermais la porte avant de le suivre en croisant les bras. Il observa les meubles pour peut-être trouver quelque chose de dérangeant, ou de suspect, ou de mal rangé. Au final, j’ignorais ce qu’il cherchait. Je le regardais déambuler dans la pièce, m’appuyant contre le mur toujours les bras croisés. Je me décollais du mur lorsqu’il prit la parole pour me proposer un arrangement. Contrarié, hm ? Oui, ok, j’avais essayé de le voler, mais il y avait une différence entre essayer et réussir non ? L’important était probablement que rien ne lui manquait. Il me demanda un service. Mais était-ce vraiment une demande ? Cela ressemblait plutôt à un ordre, puisqu’il me menaça de me traîner au poste. Comme si je voulais me montrer utile à la société ! La société me disait merde dès qu’elle le pouvait alors je n’avais pas envie de rendre service, mais bon…

- Je suppose que j’ai pas le choix, mais… C’est quoi ce « service » exactement ?

J’étais méfiante, après tout son compromis me semblait un peu… Bizarre. Je ne lui faisais pas confiance, d’autant que j’avais du mal avec la police, et l’autorité en général.

▬ Je suppose que j’ai pas le choix, mais… C’est quoi ce « service » exactement ?

Je tâte ma poche intérieure de veste pour retrouver mon paquet de cigarettes et une fois qu'il est identifié, je me contente de laisser mes bras tomber le long de mon corps. Je pince sensiblement les lèvres parce que ses questions sont inutiles, elles sont superflues. Personne ne va lui demander quoi que ce soit qui aille à l'encontre de sa morale ou de son intégrité physique. Je penche la tête sur le côté, essayant de voir ce qu'elle veut comprendre. C'est un marché et c'est oui ou c'est non.

▬ Habillez-vous, Mademoiselle Dawson, et vous le découvrirez bien vite. Je jette un coup d’œil sur ma montre et lui annonce que ça peut être réglé dans l'heure si elle s'y prend bien. Moi-même, je n'ai parfois pas toutes les clefs en main mais je sais que tout travail porte ses fruits et parfois, un petit rien peut renverser la balance. À Overtown, il n'y a pas que des criminels, il y a aussi des pauvres types usés par la vie, qui choisissent la mauvaise voie pour s'en sortir, ou qui se laissent tomber et s'écrasent. Tous ceux qui s'en sont sortis sont ceux qui doivent en avoir dans la caboche. Un grain de sable peut faire pencher la balance du bon côté.

En soi, Lucy n'est pas stupide, pour les raisons sus-nommée. Enfin je n'ai sais rien, elle vit dans une maison plutôt mignonne après tout. Alors est-ce que mettre sa main contre un cou, dans une poche, près d'un visage, est-ce simplement un caprice de gamine dont elle n'a pas su se défaire avec les années ? Y a-t-il des gens qui prennent vraiment goût à ce qu'on ne peut pas faire ? J'inspire par le nez en l'observant

En soi, Lucy n'est pas stupide, pour les raisons sus-nommée. Enfin je n'ai sais rien, elle vit dans une maison plutôt mignonne après tout. Alors est-ce que mettre sa main contre un cou, dans une poche, près d'un visage, est-ce simplement un caprice de gamine dont elle n'a pas su se défaire avec les années ? Y a-t-il des gens qui prennent vraiment goût à ce qu'on ne peut pas faire ? J'inspire par le nez en l'observant. L'ordre parmi le chaos, il n'y a que ça de vrai.

Je progresse dans la maison pendant qu'elle fait sa princesse avec les bras croisés, appuyée plus loin. Je passe un doigt contre ma tempe, fatigué qu'elle ne soit pas déjà en train d'enfiler une tenue normale. Je ferme les yeux un quart de seconde puis lève les yeux sur elle :
▬ Vous allez récupérer quelque chose pour moi, c'est dans vos cordes n'est-ce pas ? Je plonge à nouveau les mains dans les poches, la toise de haut en bas puis ajoute tout de même : Je ne vais pas vous mentir, ça ne vous rapportera rien, sinon votre tranquillité d'esprit. Et ne croyez pas que ça vous confère une sorte d'immunité. Une fois les compteurs revenus à zéro, que je vous retrouve pas à piquer quelque chose dans mon champ de vision. Petite pensée pour Dylan. Ou jvous brise les doigts. On est d'accord ? Je me rapproche d'elle et tends la main pour sceller le marché. Si elle essaie de prendre ma montre, je lui retourne le bras.

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" Courtesy - Blood - Respect "

Il sembla agacé par mes questions. C'était la meilleure ! C'est lui qui venait me déranger de bon matin et c'est lui qui s'agaçait ? Sa réaction m'arracha un nouveau roulement des yeux. J'estimais qu'il était tout à fait légitime que je m'interroge sur ce qu'il voulait étant donné qu'il était tout sauf précis. Il pencha la tête, pourquoi ? Décidément, il n'y avait rien que je comprenais chez lui, à part qu'il venait me faire du chantage parce que je n'avais pas réussi à lui voler un truc. Il avait visiblement, non pas la rancune tenace sinon je serais déjà passée au poste, mais la mémoire vive. Il m'intima alors d'aller m'habiller, m'annonçant qu'en une heure ça pouvait être plié si je faisais ça bien. Je roulais à nouveau des yeux, j'allais finir par rester coincée à toujours faire le même mouvement. A ses yeux, je devais avoir l'air d'une fille blasée et je devais bien l'avouer, ce n'était pas tout à fait faux.

- Je vais m'habiller, ne vous en faites pas, mais je veux juste en savoir plus.

Lui aussi semblait blasé, blasé que, peut-être, je ne sois pas déjà en train de m'habiller mais je lui montrais que moi aussi j'avais du caractère, et que je n'allais pas foncer dans son jeu sans regarder les cartes que j'avais en main. Il éclaircit un peu ma lanterne en précisant que j'allais récupérer quelque chose pour lui, visiblement souhaitait-il faire appel à mes talents. Pourtant, il n'avait pas eu la preuve que j'étais une bonne voleuse, après tout il m'avait chopée. Mais il semblait croire en mes talents, bien qu'il était clair: je n'avais rien à y gagner. A part, soit disant, une tranquillité d'esprit. Encore et toujours, je roulais des yeux. Il ne voulait pas non plus me revoir voler quelque chose, Compris chef ! manquais-je de dire d'un ton moqueur. Mais je me retins. Par contre, il me tendit sa main comme pour sceller cet accord. Je le dévisageai un moment, sans prendre sa main, et je pus voir sur son poignet une montre très intéressante, mais je n'étais pas folle. Prise une fois, je n'y retournerais pas. bref, je ne pris pas sa main.

- Je vais m'habiller.

Et je tournais les talons pour retourner dans ma chambre. Je fermais la porte avant de m'aventurer dans mon armoire. j'en saisis un haut, un jean, que j'enfilais avant de ressortir de ma chambre. Mais je n'étais pas encore prête, je partis dans la salle de bain pour coiffer mes cheveux, afin qu'ils ne restent pas ébouriffés, surtout que si je l'entendais bien, sa tâche allait nécessiter de ne pas attirer l'attention. Et comment ne pas attirer l'attention ? En étant normale. Donc je me fichais un peu de le faire attendre, et puis il me devait au moins ça, étant presque venu me tirer du lit. Une fois prête, je revins vers lui, attrapant une veste sur le porte manteau au passage.

- C'est bon, allons-y avant que je ne change d'avis.

▬ Je vais m'habiller, ne vous en faites pas, mais je veux juste en savoir plus.
▬ Moins de blablabla et plus de vêtements, dis-je en secouant la main pour lui faire comprendre qu'il est temps d’accélérer la cadence. C'est marrant, en général ça commence de la même façon mais ça ne finit pas pareil. Je croise les bras sur mon torse en attendant qu'elle se décide puis finis par jouer cartes sur table. Je suis un homme curieux, je suis un homme qui aime savoir, comprendre, avoir la maîtrise sur les choses qui m'entourent, et sur les gens, parfois...

Finalement, elle obtempère et s'éloigne, dans sa salle de bains ou sa chambre, qu'est-ce que j'en sais ? J'entends la porte qui se ferme et je lève les yeux au ciel avant de fouiller ma poche intérieure de veste. Je sors mon portefeuille et quelques billets tenus par une pince à billets pas récente, pas ancienne, à laquelle je ne tiens pas spécialement. Je l'ai trouvée dans une boutique à Overtown il y a plusieurs années. Je soupire, frotte l'objet contre ma veste et le saisis par un pan de cette dernière. Je me penche près d'un buffet sans m'y appuyer et je balance l'objet entre le mur et le buffet en question. Je tousse en fouillant ma poche, loge une cigarette entre mes lèvres sans l'allumer.

Une porte s'ouvre, une autre se ferme. Je vais mourir d'ennui ici, c'est sûr. Je soupire lourdement jusqu'à la voir apparaître, me sommant même qu'on se presse avant qu'elle ne change d'avis. J'attends que nous soyons sortis pour allumer une cigarette et je lui signale qu'on va marcher un peu. Je laisse des nuages de fumée s'éloigner de nous, emportés par un courant d'air frais et agréable, avant les chaleurs qui vont arriver dans les prochaines semaines. Je lui signale juste qu'on se rend qu'on va se rendre dans un parc. Il n'y a pas grand monde à cette heure en plus, les gens se pressent principalement pour aller au travail. On marche un moment, et je lui fais prendre un bus. Heureusement que je n'ai pas pris la voiture finalement, elle n'aurait peut-être pas voulu monter. Nous commençons à marcher quand mon bras se tend devant elle pour qu'elle marque un arrêt avant que nous n'entrions dans le Juan Pablo Duarte Park. Je jette un œil sur ma montre et désigne un homme d'un simple geste du menton.

▬ Lui là-bas. Mon regard croise celui de Lucy et je lui laisse la consigne relativement simple : Prends son trousseau de clefs et jette-les dans cette poubelle, et tu pourras rentrer tranquillement chez toi. Je croise les bras et demeure à l'extérieur du parc pour lui laisser le champ libre. À moins que ce ne soit trop compliqué pour toi ? L'homme est assis en tailleur sur l'un des bancs du parc. Plus loin quelques jeunes gens écoutent de la musique trop fort sur une aire de jeux qui n'est plus de leur âge. Les arbres qui couvrent cette partie du parc offrent des zones d'ombrage agréables. Manifestement originaire du Moyen-Orient, l'homme est vêtu d'un pantalon de tissu noir et d'un simple maillot gris. Près de lui, sa besace en bandoulière repose avec quelques effets personnels : ses papiers d'identité, ses clefs de maison, de voiture, de bureau accompagné d'un petit porte-clef violet, deux carnets de notes, des stylos qui se baladent pêle-mêle...

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" Courtesy - Blood - Respect "

Je ne lui serrais pas la main, et il n'insista pas là dessus. Encore heureux ! Je partis m'habiller et me coiffer, et qu'importe si ça prenait un peu de temps. Il devait savoir attendre, non ? D'autant que c'était sa faute s'il attendait, à venir aussi tôt le matin. Ah ça, j'aurais du mal à le digérer, oui. Je n'avais absolument pas prévu sa venue et je m'étais couchée tard, donc qu'il ne s'étonne pas si j'étais un peu lente à la détente. Je n'avais même pas le temps de prendre un petit déjeuner !

J'ignorais ce qu'il faisait pendant que je me préparais et à vrai dire, je ne voulais pas le savoir. Sauf s'il fouillait, là on aurait un problème. Parce qu'il n'avait aucune autorisation de venir fouiller chez moi. De temps en temps, je m'arrêtais de bouger pour entendre certains bruits, mais rien de louche. Alors je reprenais mes activités mais j'étais méfiante envers un flic qui réclamait un "service" en échange d'une amnistie pour ce que j'avais tenté de lui prendre. Pour moi, c'était juste un bon gros chantage mais bon, je n'avais pas le choix apparemment.

Je passais de ma chambre à ma salle de bain, j'espérais bien sûr que ça le blase, car voilà, je n'allais pas me plaindre continuellement là dessus, mais il le méritait bien. Une fois coiffée, je revins vers lui en lui signifiant à ma manière que j'étais prête à partir. Nous sortîmes alors de chez moi et je fermai la porte à clés, avant d'accompagner l'inspecteur jusqu'à un arrêt de bus, apparemment nous allions dans un parc. Le bus arriva, nous montâmes à l'intérieur. Un flic qui prenait le bus ? Pas banal selon moi, mais qu'importe, c'était toujours moins voyant qu'une voiture de police. Et en général, quand je montais dans une voiture de police, c'était direction le poste. Mais là, en bus, nous allions ailleurs, dans un parc. Une fois arrivés, il passa son bras devant moi pour que je m'arrête, avant de m'éclairer un peu sur la raison de notre, et surtout de ma présence. Un homme, visiblement originaire du Moyen-Orient, mais ce qui semblait surtout intéressant, c'était la sacoche qu'il portait. Mannoia voulait que je lui pique ses clefs et que je les mette dans la poubelle à proximité.

- Je peux le faire.

J'avais bien compris qu'il ne me donnerait guère plus de détails sur la raison de ce petit vol. L'homme était assis en tailleur, il allait donc falloir que je trouve le moyen de m'approcher de lui... Ou que lui s'approche de moi. Et j'avais déjà une petite idée pour cela. Je m'approchais du banc en question, marchant sur le chemin. Une fois devant le banc et l'homme, je fis mine de trébucher et de lui tomber dessus.

- Oh excusez moi, je suis si maladroite... Je ne vous ai pas fait mal j'espère ?

Grâce au contact, je pus glisser ma main dans sa sacoche. Après deux-trois secondes à chercher le trousseau de clefs, je parvins à extraire ce dernier de la sacoche, avant de le glisser rapidement dans la poche de ma veste pour ne pas attirer l'attention de l'homme. Je m'éloignais et, au passage, déposais les clefs dans la poubelle que m'avait désigné l'Inspecteur. Je revins alors vers lui, un peu fière quand même, même si j'aurais quand même préféré réussir à le voler lui l'autre jour, ça m'aurait probablement évité bien des désagréments.

- Voilà, je peux rentrer maintenant ? J'ai une nuit à finir.

Bien que je n'arriverais probablement plus à dormir avant ce soir. Mais j'avais joué mon rôle, je ne devais plus rien à ce... flic. Je plongeais mes mains dans mes poches, en attendant la réponse de Mannoia.

« Imagine, combien il a été difficile de m'ancrer dans chacune de ces histoires. Les mots étaient tous étrangers, j'étais balancé dans un monde parallèle où tout ce qui m'avait fait mal, où tout ce qui m'avait fait pleurer avait disparu et j'en suis venu, quelques soirs à regretter ces douleurs-là simplement parce qu'elles m'étaient familières. Dans les lumières artificielles des grandes villes, à travers les rideaux de pluie, les ombres n'avaient point de visage et derrière chaque voix, j'entendais le ricanement du danger comme s'il avait s'agit de celui d'un démon. Le mal infligé par ma chair, par la main qui me porta hier, par la main qui me poussa hier, par la main serrée en un poing furieux, je le connaissais et j'en étais même venu à le domestiquer. Je lui disais quand se faire, quand hurler et quand il fallait attendre. Ce mal devenu le mien ne me faisait plus peur. Les premiers mois furent compliqués, parce que dès que quelqu'un s'approchait de moi, je craignais un coup nouveau, un nouvel ennemi avec un masque différent. Tourne sur toi-même, danseur de la rue, tourne et essaie de deviner qui est l'ennemi parmi cette foule.

Imagine, combien ça a été difficile de ne plus avoir peur de chaque étranger. Je la vois, cette jeune femme à la chevelure éclatante et pourtant, je ne peux m'empêcher marquer un sursaut quand elle tombe contre moi. Mes mains s'ouvrent pour la rattraper et pourtant, tous les capteurs de survie s'éveillent en une fraction de seconde. Le temps s'assouplit une seconde et mon cœur suinte des jours passés, mon visage se ferme, mes yeux se ferment, mon présent se ferme. Tout est noir, juste une petite seconde. Et finalement, elle ne tombe pas, je dessine un sourire sincère sur mon visage alors que mes yeux s'ouvrent sur elle.
▬ Oh excusez moi, je suis si maladroite... Je ne vous ai pas fait mal j'espère ?
▬ Non, j'ai juste été surpris...

Imagine le poids des mots. Je porte la main à mon cœur comme en guise de message de pardon. Je défais mes jambes et me mets debout pour lui tendre la main, pour qu'elle s'assure elle aussi qu'elle ne s'est pas blessée dans la brève cascade qu'elle a entamée sous mes yeux. Je lui souris, l'abandonne à sa fuite alors qu'elle s'éloigne. Je la regarde quelques instants avant de reprendre ma position initiale, appréciant cette pause de vingt minutes avant de commencer les consultations...

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" Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous-même. "

▬ Je peux le faire, dit-elle et je ne lui réponds que par un hochement de la tête. Je n'entre pas dans le parc et observe un peu plus haut les caméras surveiller les faits et gestes de ceux qui entrent sur l'allée graviollonnée. Je fais un pas en arrière, m'éloigne de la poubelle en question et la regarde s'élancer comme si de rien n'était, avec cette sorte d'inconscience qu'elle revêt comme son pantalon ou comme sa veste. Certains sont particulièrement bons pour jouer la comédie parce qu'ils ont pris l'habitude, à moins que ce ne soit une seconde nature pour eux, pour tous ces gens-là.

Je vois bien qu'il n'y a pas d'obstacle et je vois ses pieds qui buttent dans le vide et qu'elle s'écroule, comme une petite marionnette qui n'a plus de fils. Elle sourit, et de loin en tout cas, elle paraît vraiment surprise, comme si l'équilibre venait de la quitter brutalement. Je croise les bras sur mon torse et observe le petit manège. J'esquisse un sourire, quand le furtif souvenir de Marylou qui faisait semblant de tomber dans mes bras fait surface une petite seconde. C'est bête, mais ce souvenir éphémère me fait grimacer un sourire sans arrière-goût.

Il est joli ce quartier, il est joli ce parc... Je la vois tomber, échanger quelques mots avec l'homme qui ne lui fera rien, je ne suis même pas sûr qu'il puisse vraiment s'énerver. Il demeure toujours stoïque, comme si tout lui passait au-dessus de la tête.

Lucy revient naturellement et je la regarde déposer le jeu de clefs dans la poubelle. Je la regarde avec satisfaction mais une sorte de neutralité, je n'ai aucun plaisir à obtenir ces clefs. Un simple besoin à un instant donné, pour servir notre poste plus tard. Je joins les mains dans mon dos et écarte légèrement les pieds, combien de temps pour récupérer les images des caméras de sécurité situées dans le parc ? Combien de temps avant que la PJ ne trouve mon argent et ma pince chez elle ? J'esquisse un sourire quand elle me demande si elle peut rentrer maintenant. J'ai exactement ce qu'il me faut alors cours maintenant. Cours...

▬ Oui, vous devriez rentrer Mademoiselle Dawson. Je la fixe avec la satisfaction d'avoir obtenu ce dont j'avais besoin, et même un peu plus. Rentrez, maintenant. Je détourne le regard et la laisse repartir pour la maison. Mais on se reverra, n'ayez crainte.

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" Courtesy - Blood - Respect "

J'aurais dû faire comédienne ! Ma chute fut plus vraie que nature et l'homme avait visiblement été surpris, mais ne décela pas ma main dans sa sacoche. Je repartis aussi vite que j'étais arrivée et je déposais les clefs dans la poubelle que m'avait désigné l'inspecteur. Je revins alors auprès de ce dernier, qui était resté là, à observer, tout du long. J'avais réussi ce qu'il m'avait demandé, donc selon moi, je n'avais plus rien à lui céder, je pouvais rentrer chez moi et repartir me reposer, ou me poser devant une série si je n'arrive pas à dormir. Comme si j'avais besoin de son approbation, il "m'autorisa" à rentrer chez moi. Comme ça faisait longtemps que je ne l'avais pas fait, je roulais des yeux, avant de le contourner pour prendre la direction de l'arrêt de bus, sans même un au revoir. D'aucuns diront que je suis mal élevée, mal polie, mais c'était le coût du dérangement.

Le bus ne mit pas bien longtemps à arriver, bien que ce temps me semblait une éternité. Je montais à l'avant du véhicule et pris place sur un siège à la droite du bus, mettant ma musique dans mes oreilles. Le bus démarra une fois que je fus assise, direction la maison où j'allais enfin pouvoir me poser, ce qui n'aurait jamais dû être interrompu, surtout juste pour ça. Y'avait des tas d'autres pickpockets à Miami, même si aucun ne s'était fait repérer par Inspecteur Relou. Au fur et à mesure que le bus avançait, moi je pensais. Pensais au fait que rien de tout cela ne serait arrivé si j'avais réussi ce foutu vol. Pensais que j'aimerais bien dormir une ou deux heures de plus, mais il faisait jour maintenant, ce serait impossible de me rendormir. Et le temps que je pense, j'étais déjà arrivée à mon arrêt. Je descendis du bus et pris la direction de chez moi. C'était déjà décidé: aujourd'hui je ne bougerais plus, même si Alec me le demandait. On pouvait dire que je tirais la gueule, mais rien d'étonnant au réveil.

Une fois rentrée, je me posais dans le canapé avant de lancer Netflix. J'allais mettre ma série, celle qu'Alec détestait tant ! Penser à ça me remonterait le moral, parce que j'avais bien besoin de me détendre là. Après m'être assise, dans un premier temps, je retirai mes chaussures et je m'allongeai, déposant la télécommande sur la table de salon une fois la série lancée. J'espérais être tranquille pour le reste de la journée.

* Sujet terminé *

Spoiler:

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» Une petite virée - Lucy & Alec