▬ J'ai appris ce qu'il est arrivé à ton frère et ta collègue... annonce-t-elle à peine ai-je ouvert. Je la découvre à la porte, comme une sorte d'apparition. Habillée de sa jolie robe d'été et d'un immense nœud dans les cheveux, elle semble... j'en sais trop rien. J'ai des putain de cernes sous les yeux depuis l'hospitalisation de Fiore, Orazio et Dylan. J'arrive pas à me faire à bouffer et j'ai dû acheter des paquets de cigarettes parce que je trouvais pas assez de mégots... Soupir bruyant alors que je reste appuyé, à l'observer, comme peinée. Je ne sais pas vraiment comment l'accueillir alors je me contente d'un simple signe de la tête pour l'inviter à rentrer. Elle serre son sac contre elle quelques instants, jusqu'à le poser contre la table de la salle à manger, comme elle le faisait jadis. Son regard fait un tour d'inspection autour d'elle puis elle semble vérifier que nous sommes seuls. Je croise les bras sur son torse et lui demande tout de même :
▬ Bon, qu'est-ce que tu veux, Marylou ?
▬ Ecoute Gaby, nous ne sommes pas partis en bons termes pour des raisons qui sont encore très dures pour moi. Mais depuis, j'ai rencontré quelqu'un et j'ai besoin que tu nous aides. Attends, attends une seconde avant de t'énerver. Elle tire une chaise et y prend directement place. Mon regard s'est posé sur elle et ne la quitte pas, méfiant. Aider quelqu'un que je ne connais pas, et puis quoi encore ? Je vais à la cuisine, d'où sa voix continue de me parvenir et vais chercher un verre et une bouteille de soda. Je me sers, me pose et l'écoute me raconter que son ami est impliqué malgré lui dans une sale affaire, et qu'il est totalement innocent. Je laisse les bulles redescendre et répond qu'ils sont tous innocents jusqu'au moment où ils crachent le morceau. Nos regards se croisent de nouveau.
▬ Tu ne me proposes rien, Gaby ?
▬ Faudrait que tu restes, pour ça, que je lui réponds avant de caler mon dos contre la chaise. Elle a l'air contrariée. Et moi, j'ai pas le droit d'être contrarié, putain de merde ? Je pince les lèvres, ça m'énerve qu'elle se vexe, et ça m'énerve qu'elle vienne la larmichette à l'oeil pour Orazio et Dylan quand elle vient réellement pour me demander un service. Par la force des choses, elle a été mise au courant rapidement – à cause de mon coéquipier principalement – mais je lui ai toujours dit que j'avais rien à lui dire à ce sujet, et elle l'avait accepté. Et quand il y a eu la fausse couche, je sais pas, elle m'a parlé de ça, parlé de plusieurs choses pêle-mêle... J'inspire à fond par le nez et la regarder alors qu'elle cherche ses mots. Sa main se pose sur la mienne, comme si une brûlure me prenait soudain sur nos peaux en contact, je dégage brutalement la mienne et émets un « raaaaah » agacé. Elle balance ses longs cheveux blonds en arrière, faisant voler le nœud.
▬ Je vois que tu n'es pas prêt pour en parler... Je ne t'embête pas longtemps mais je voudrais que tu y réfléchisses s'il te plaît. Damian est un homme bien, il n'a pas mérité ce qui lui arrive, et tu es mieux placé que n'importe qui pour savoir que le malheur touche parfois ceux qui ne le méritent pas... Elle se lève finalement et se rapproche de moi, assis à un bon mètre d'elle. Elle s'approche et pose les mains contre mes genoux, s’accroupissant entre mes jambes. Mon regard se fait rond, à la voir ainsi, elle serre ses doigts contre ma peau. Est-ce que tu penses à lui parfois, tu penses à Renato ? Mon cœur se serre, je lui réponds pas. Si mon air demeure impassible, je me sens comme toujours à fleur de peau, quand on sort la malle du grenier que je garde fermé. C'est dur, très dur pour moi, d'entendre son prénom entre ses lèvres à elle. Je serre la mâchoire, laissant une image de colère quand en réalité, elle me serre les tripes. Et elle le sait très bien. Après ce que tu as fait, est-ce que je ne mérite pas d'être heureuse, à mon tour ? Après tout ce que tu as fait... qu'elle souffle comme on révèle un secret. Si j'étais prêt à la foutre dehors y'a cinq minutes, je me contente désormais de l'écouter. Mes amis sont généreux, Gabriel. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour ta famille. Tu dois te débarasser du malheur que tu as apporté, du mauvais œil que tu as invité... promets-moi d'y penser, qu'elle ajoute avant de se redresser, s'appuyant contre mes genoux. Elle fait le tour de la table, récupère son petit sac. La porte s'ouvre, sans doute Nino ? J'en sais rien, à vrai dire. Elle s'en va silencieusement, discrètement comme à son habitude. Je reste interdit quelques secondes puis me rends dans les chiottes pour aller dégobiller. Je me précipite juste aux toilettes et vomis une bile brûlante et acide. Bordel... Marylou...